Le Barreau vert du Barreau de Lyon.
Présenté par Anne-Charlotte Goursaud-Treboz et Achille Viano, Avocats et membres du Conseil de l’Ordre.
Village de la Justice : Quelle est la spécificité de la mise en place de mesures environnementales dans les cabinets d’avocats ? Qu’est-ce qui peut être un levier pour les inciter à les mettre en place ?
« La question est toujours présente pour l’avocat : est-il un entrepreneur et donc est-il soumis en tant que tel aux dispositions de la loi PACTE qui englobe la notion plus vaste de la RSE, et donc au volet plus spécifique des enjeux environnementaux ?
- Anne-Charlotte Goursaud-Treboz
Le changement climatique fait partie d’une donnée qui est de plus en plus intégrée dans le quotidien à titre personnel. Les mesures prises doivent pouvoir s’appliquer au mode d’exercice de l’avocat, en sa qualité d’acteur économique.
Aujourd’hui, tant d’un point de vue local, national ou européen, et même international, cette problématique s’inscrit dans les préoccupations de l’avocat, avec notamment la Charte RSCA, mais encore les réflexions menées par le CCBE (le Conseil des Barreaux européens).
À son échelle, le Barreau de Lyon s’était saisi de ce sujet en établissant un guide des bonnes pratiques. »
V.J : Quelles sont les mesures concrètes et faciles à mettre en place ?
- Achille Viano
« Le premier des exemples est l’audit des consommables et de sa fourniture d’énergie. Cela permet de mesurer son empreinte et de réfléchir à en diminuer son impact.
D’autres exemples :
La vérification et l’accompagnement d’un exercice moins énergivore (extinction des lumières, de son ordinateur, choix du papier).
Pour les déplacements, privilégier le train.
Développement d’une plateforme de covoiturage pour les avocats.
Mise en place d’un système de tri et de recyclage des déchets.
Mise en place d’une compensation environnementale. »
V.J : Quel est le rôle de la commission dans ce cadre-là ? Comment le barreau peut-il accompagner les avocats ?
« La commission Barreau Vert a pour objectif de poursuivre le travail qui a été effectué pour l’établissement d’un guide des bonnes pratiques, avec la mise en place d’une Charte à destination des cabinets d’avocats, et une volonté d’aller plus loin, pour la mise en place d’un label de cabinet éco-responsable.
Le Barreau Vert doit définir des valeurs et objectifs, et accompagner la transition. Une fois définis, ces principes de durabilité devront aider les cabinets d’avocats qui souhaitent développer des pratiques commerciales durables.
La durabilité deviendra un élément clé de la réalisation des objectifs de durabilité, environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Ils seront ainsi intégrés dans la culture et dans le cadre décisionnel des cabinets d’avocats, afin devenir un élément systématique de la façon dont les cabinets d’avocats fonctionnent et prennent leurs décisions.
Pour finir, nous citerons Solenne Brugere, Avocate : La démarche de responsabilité sociétale, ou sociale et environnementale, est un chemin vertueux, qu’une avocate, un avocat ou un cabinet a tout intérêt à choisir d’emprunter pour incarner des valeurs et/ou pour répondre aux nouvelles exigences de la société, de la clientèle et des équipes, notamment des nouvelles générations, qui souhaitent un alignement entre les comportements individuels et collectifs, les termes du serment et la déontologie de profession. [2] »
Le label Étude verte de la Chambre interdépartementale des notaires Ain, Loire, Rhône.
Présenté par Florence Boachon, Notaire et vice-présidente de la chambre.
Village de la Justice : Quelle est la spécificité de la mise en place de mesures environnementales dans les études de notaire ?
« Nous avons pour objectif que la profession soit un acteur majeur de la prise de conscience écologique. Par conséquent, la mise en place de mesures environnementales vise à limiter l’impact écologique de nos études, de façon quotidienne. Nous avons donc établi un cahier des charges qui permet d’identifier au moyen d’un éco-diagnostic les axes d’améliorations et les préconisations à mettre en œuvre pour chaque étude en fonction de la situation de chacune. »
VJ : Qu’est-ce qui peut être un levier pour les inciter à les mettre en place ?
- Florence Boachon
« Le premier levier est bien sûr la sensibilisation à l’environnement, et à l’impact de notre activité sur l’environnement. À l’heure actuelle, nous avons tous conscience que nous devons modifier nos comportements pour parvenir à des modes de vie et des façons de travailler plus écologiques.
Le second levier vient du fait que la Chambre interdépartementale des notaires de la Cour d’appel de Lyon a établi un partenariat avec l’association « Conscience et Impact Écologique », qui va accompagner et aider les notaires dans la mise en œuvre de cette démarche écologique. Cela permet de faciliter la mise en place de cette démarche et d’aider les notaires au milieu d’un quotidien qui peut être bien chargé.
Et puis, cette démarche permet également de réduire les coûts. En effet, il s’agit de diminuer la consommation énergétique, et de réduire la consommation de papier, par exemple, ce qui a un impact écologique et économique. »
V.J : Quelles sont les mesures concrètes et faciles à mettre en place ?
« Les mesures qui peuvent être mises en place assez rapidement sont par exemple, le tri des déchets, la démarche « Zéro papier » (limiter la place du papier au maximum). Les notaires signent aujourd’hui des actes électroniques et sont en lien dématérialisé avec les différentes administrations pour les formalités administratives, c’est une mesure qui peut être assez facilement atteinte. Et limiter l’utilisation du papier permet également de limiter l’utilisation des imprimantes et photocopieurs, qui sont énergivores.
Il s’agit également de sensibiliser les équipes à la responsabilité numérique, à savoir éteindre son écran et son ordinateur quand on a fini sa journée de travail, faire le tri dans ses mails et supprimer les mails traités, et toute démarche permettant de limiter son stockage informatique pour ne pas surcharger les serveurs. »
V.J : Quel est le rôle votre label dans ce cadre là ? Quelle aide leur apportez-vous ?
« La création du label « Étude Verte » a permis d’établir un cahier des charges spécifiques à la profession, avec les mesures préconisées pour obtenir ce label qui permet aux études concernées de communiquer sur leur engagement.
Comme je l’ai indiqué ci-dessus, la chambre des notaires a établi un partenariat avec l’association « Conscience et Impact Écologique » [3]. Il s’agit d’une association d’éducation populaire à la transition écologique qui existe depuis 12 ans. Par conséquent, dans le cadre de ce partenariat, l’association a pour mission d’accompagner les notaires désireux de s’engager dans le label. Cela leur permet d’être guidé sur les mesures à mettre en œuvre, puisque l’association va, dans un premier temps se déplacer dans l’étude pour établir un éco-diagnostic.
Une soixantaine de critères, synthétisés en 9 grandes thématiques sont mesurés : mobilité, numérique, santé/environnement, énergie, eau, achats, déchets, sensibilisation, implémentation de la démarche.
L’association, après avoir établi l’éco-diagnostic et le rapport de préconisations qui en résulte, propose à la fois des interventions ponctuelles, mais aussi des accompagnements sur du plus long terme pour aider les structures à s’engager dans la transition écologique et à réduire leur impact sur l’environnement.
L’existence de ce label permet donc de donner un cadre sur les mesures à mettre en œuvre et un accompagnement personnalisé par le biais du partenariat avec l’association. »
La Boîte à outils de l’ordre français du Barreau de Bruxelles.
Présenté par Pierre-Yves Thoumsin, Avocat, Membre du Conseil de l’ordre [4].
Village de la Justice : Dites-nous quelques mots de cette boîte à outils ?
« La conférence « Boîte à outils » était le point d’orgue d’un cycle de formations visant à conscientiser les avocats aux enjeux climatiques. Après avoir abordé le rôle de l’avocat dans le cadre du contentieux climatique ou environnemental, nous avons voulu conscientiser les avocats aux démarches qu’ils peuvent eux-mêmes initier, en tant qu’entrepreneurs. Nous avons d’abord abordé deux types de labels auxquels pourraient prétendre des cabinets d’avocats : le label « Entreprise Ecodynamique » mis en place pour les entreprises établies à Bruxelles et le label UNITAR émanant de l’ONU.
- Pierre-Yves Thoumsin
Au titre des mesures concrètes, nous avons exploré les mécanismes de compensation carbone. Enfin, nous avons tenu une table ronde réunissant des cabinets aux profils très variés, qui ont présenté les actions mises en œuvre en leur sein. Une des clés de leur succès était de désigner une personne ou une équipe dédiée à la durabilité, afin de coordonner les actions et de garantir leur longévité. »
V.J : Quelle est la spécificité selon vous de la mise en place de mesures environnementales dans les cabinets d’avocats ? Qu’est-ce qui peut être un levier pour les inciter à les mettre en place ?
« Les cabinets d’avocats se distinguent par la diversité des tailles et des modes d’organisation. Il est donc impossible en pratique de proposer un paquet de mesures uniformisé pour l’ensemble des cabinets. Néanmoins, les checklists dressées en vue de l’obtention de certains labels démontrent que les mesures pouvant être adoptées sont extrêmement variées : tout type de cabinet pourrait y trouver de l’inspiration, afin de faire la différence à son niveau et avec les moyens qui sont les siens.
Au niveau bruxellois, il existe un incitant concret pour la mise en place de telles mesures : une série de primes régionales sont désormais majorées lorsque l’entreprise est détentrice d’un label durable. Pour prendre un exemple, alors qu’une prime de base permet de couvrir 25% des dépenses de consultance liées à la digitalisation de l’entreprise, cette prime est majorée de 20% à 30% pour les entreprises qualifiées d’exemplaires au niveau environnemental. »
V.J : Comment le barreau peut-il accompagner les avocats ?
« L’avocat, par nature ou métier, est souvent individualiste. Si le barreau n’a pas vocation à se substituer aux avocats dans la gestion quotidienne de leurs cabinets, il peut leur ouvrir les bonnes portes et sélectionner pour eux les outils adéquats. C’est ce que fait notre barreau en communiquant régulièrement au sujet des initiatives pertinentes dont les avocats pourraient bénéficier, et en les mettant en contact avec différents types de facilitateurs. Nous avons la chance de bénéficier d’un écosystème régional qui propose d’innombrables mesures d’accompagnement. Encore faut-il rappeler aux avocats que ces mesures existent et qu’ils peuvent en bénéficier, car ils sont des entrepreneurs presque comme les autres. »
Et du côté des Directions juridiques ?
Sans multiplier les exemples et alourdir le propos, il faut néanmoins rappeler que les DJ aussi se mobilisent sur la question environnementale.
Comme rappelé dans notre article RSE et directions juridiques : sortir de la "confort-mité, « les directions juridiques ont un potentiel important à exploiter pour accompagner la transition ESG-RSE et devenir des contributeurs aussi incontournables, que stratégiques des entreprises. »
Dernier exemple en date à ce titre dont nous avons parlé sur le Village de la Justice : [Chronique] Parlons innovation des directions juridiques (saison 2024, épisode 7) : un scoring RSE pour la DJ.