Pour autant, la jurisprudence s’attache régulièrement à rappeler qu’il n’est pas requis qu’une activité artistique ait été menée par le designer ou l’équipe de designer afin que la création de forme fasse l’objet d’une protection sur le fondement du droit des dessins et modèles.
Il existe donc une certaine autonomie de ceux-ci quant aux créations de forme originales, puisque l’apport créatif personnalisé de l’auteur est a contrario impératif pour la protection d’une création sur le fondement du droit d’auteur.
En outre, il était rappelé par le Tribunal de l’Union européenne que l’aspect intérieur ou extérieur d’un produit ou d’une partie de produit ne suffit pas à lui conférer, per se, un caractère propre ou individuel [2].
Cependant, le cumul possible de la protection d’un dessin et modèle par le droit de la propriété industrielle ainsi que par le droit d’auteur vient compliquer l’appréciation d’un titre déjà situé aux confins de la propriété industrielle et de la propriété littéraire et artistique.
Toutefois, les dispositions de l’article L. 511-8 du CPI rappelle la nature fortement industrielle du titre, puisque les formes « dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit » sont exclues de la protection des dessins et modèles.
En effet, les dessins et modèles portant sur des produits manufacturés destinés à la commercialisation, il apparaît que certaines créations sont inséparables d’une fonction technique.
Toutefois, il n’y a pas de cumul possible de protection entre le droit des dessins et modèles et le droit des brevets, titres de propriété aux fonctions bien distinctes. Le législateur intégrait ce fait en refusant le bénéfice de la protection du droit des dessins et modèles industriels aux créations dont l’apparence visible est exclusivement imposée par sa fonction technique.
Néanmoins, il s’agit d’un point de droit donnant part à débat devant les juridictions tant nationales qu’européennes.
En 2018, la Cour de justice venait préciser la portée de sa jurisprudence antérieure en répondant aux questions préjudicielles de la Cour d’appel de Düsseldorf.
La Cour de justice affirmait notamment que « l’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires doit être interprété en ce sens que, pour apprécier si des caractéristiques de l’apparence d’un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d’établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l’existence de dessins ou modèles alternatifs n’étant pas déterminante à cet égard ». Il n’y aurait dès lors « pas lieu, à cet égard, de se fonder sur la perception d’un « observateur objectif » [3].
C’est donc dans un contexte d’insécurité juridique que la Cour de justice de l’Union européenne venait affiner sa jurisprudence antérieure en matière de formes fonctionnelles (I).
La juridiction européenne venait in fine consacrer et affirmer l’autonomie des titres relatifs aux dessins et modèles industriels face aux autres titres de propriété intellectuelle (II).
Note de la rédaction : retrouvez l’intégralité de l’analyse dans le document ci-après.