En droit, il existe une distinction fondamentale, entre les personnes et les biens. Les personnes sont des sujets de droits, contrairement aux biens qui eux sont objets de droits. Dans la plupart des cas, la distinction se fait sans trop de soucis, néanmoins certains cas sont litigieux, à l’instar des animaux, ou encore de l’enfant à naître.
A titre liminaire, il convient de préciser ce que l’on entend par "être une personne" juridiquement, quand on sait qu’une collectivité territoriale peut être juridiquement une personne, on peut avoir du mal à comprendre pourquoi le statut de l’enfant à naître fait débat. Au regard du droit, être une personne, c’est l’aptitude à être titulaire de droits et d’obligations.
1. Le statut juridique de l’enfant à naître.
Souvent, quand il y a un débat doctrinal, c’est soit que les textes sont muets, soit qu’ils laissent ce que l’on appelle un flou juridique. S’agissant de l’enfant à naître, nous sommes exactement dans ce cas de figure, aucun texte ne définit le statut juridique de l’enfant à naître.
Néanmoins, nous l’avons dit, être une personne, au sens juridique du terme, c’est être détenteur de droits et de devoirs. À partir de cette définition, on peut, à partir de certains textes, déduire que l’enfant à naître ne peut pas être classé parmi les personnes. Par exemple, « la donation et le testament n’auront d’effet qu’autant que l’enfant sera né viable » (Article 906 Code civil), si l’enfant à naître était une personne, il ne serait pas exclu de bénéficier de la donation et du testament.
Dans la même lignée, depuis 1975 (Loi IVG), il est autorisé, pour une personne enceinte, d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse, une nouvelle fois, si l’enfant à naître serait une personne, il aurait un droit à la vie et par conséquent l’avortement ne serait ni plus ni moins qu’un assassinat au sens de l’article 221-3 du Code pénal.
La chambre criminelle de la Cour de cassation, par un arrêt du 3 juin 1999, s’est positionné en ce sens, en refusant d’étendre l’incrimination pour homicide involontaire prévu par l’article 221-6 du Code pénal au cas de l’enfant à naître. Le texte incrimine l’atteinte involontaire à la vie d’autrui, il s’inscrit parallèlement dans un chapitre qui s’intitule « Des atteintes à la vie de la personne ». Autrui serait donc une personne, ne s’appliquant pas à l’enfant à naître, celui-ci n’est donc pas autrui.
2. Si l’enfant à naître n’est pas une personne, pourquoi existe-t-il un débat ?
Nous avons eu l’occasion de démontrer que l’enfant à naître est, en l’état actuel du droit, probablement pas une personne. Est-ce pour autant un bien ? Pour reprendre l’exemple sur la Loi IVG, il est pertinent à mon sens de préciser que l’interruption volontaire de grossesse est assortie d’un délai. On admet de ce fait, tacitement, une certaine préciosité à un certain stade de l’enfant à naître, si c’était un bien, à l’instar d’une table, on ne se poserait pas la question de savoir à jusqu’à quel moment, nous sommes en droit d’exercer notre droit de disposer de cette chose.
Poursuivant en ce sens, en raison du célèbre adage « Infans conceptus », l’enfant simplement conçu est réputé né à chaque fois qu’il y va de son intérêt. C’est notamment en vertu de cet adage, qu’on a pu considérer qu’un enfant qui n’était pas encore né au moment de l’accident mortel de son père, mais déjà conçu, peut prétendre, dès sa naissance, à l’indemnisation de son préjudice d’affection. Le statut juridique de l’enfant à naître est donc ambiguë, tantôt, il est objet de droit à l’instar d’une interruption volontaire de grossesse, tantôt sujet de droit quand il en va de son intérêt.
A toutes fins utiles, si le débat est aussi animé, il résulte certes d’une volonté à qualifier juridiquement l’enfant à naître, mais il en va aussi d’un enjeu social, comme nous l’avions dit aux prémices de notre propos, difficile d’accepter, socialement, que l’enfant à naître soit inexistant au regard du droit.
Pour résumer, si pour le droit l’enfant à naître n’est personne, pour les mœurs ce n’est pas « personne ».
3. Qu’adviendrait-il de qualifier juridiquement la mort de l’enfant à naître comme la mort d’autrui.
La première des conséquences, serait que la mort de l’enfant à naître, incriminerait son auteur. Dans notre cas d’espèce, l’incrimination pour homicide involontaire aurait été retenue.
Il faut néanmoins bien comprendre, que c’est la mort de l’enfant à naître qui sera susceptible d’engager la responsabilité pénale de son auteur, et non seulement des cas comme en l’espèce, où le droit puisse paraître injuste à ne pas incriminer l’insouciance d’un instant qui a détruit une vie. A titre d’exemple, une femme enceinte qui, par une faute simple, entraîne la mort de son enfant à naître, sera non seulement condamné consciemment à vivre avec ce poids toute une vie, mais aussi, en cas de poursuites, être condamné pénalement.
Nous l’avions brièvement évoqué plus haut, la Loi IVG se concilierait difficilement avec cette qualification, ses effets seraient annihilés, à ce sujet certains auteurs proposeraient, que l’enfant à naître bénéficie de la qualité de personne, qu’au moment où le délai légal assorti à l’autorisation de recourir à une interruption volontaire de grossesse serait éteint. La solution semble cohérente puisque après ce délai, il n’est de toute manière plus possible de recourir à ce droit, cependant, quid, de l’interruption médicale de grossesse ?
Pour conclure, une question mérite donc d’être posé, qualifier la mort de l’enfant à naître d’une mort d’autrui, apaiserait certes les consciences, dans des cas comme en l’espèce, oui, mais à quel prix ?