En l’espèce, la personne vulnérable avait demandé la mainlevée de sa curatelle renforcée en soutenant que l’altération de ses facultés corporelles n’était pas un frein à l’expression de sa volonté, dès lors qu’avec un équipement informatique idoine elle était en situation d’exprimer sa volonté et de sauvegarder ses droits. La Cour d’appel avait pourtant pris appui sur un certificat médical circonstancié pour lui refuser la mainlevée de la mesure au motif que l’altération des facultés corporelles médicalement constatée était pour elle de nature à empêcher l’expression de sa volonté.
Or, la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la Cour d’appel au visa des articles 425 et 440 du Code civil, estimant que la personne vulnérable pouvait exprimer sa volonté avec un matériel informatique adéquat et qu’à ce titre, la mesure de protection juridique n’était pas nécessaire.
Dans cet arrêt de cassation, la Cour de cassation maintient sa jurisprudence antérieure selon laquelle une personne vulnérable ne doit pas bénéficier d’une mesure de protection juridique, s’il n’est pas médicalement constaté que l’altération de ses facultés corporelles empêche l’expression de sa volonté [3].
Or, l’intérêt de l’arrêt, qui justifie sa publication au Bulletin, est ailleurs : « il substitue un critère fonctionnel au critère biologique » [4].
En effet, si la personne vulnérable ne pouvait pas exprimer sa volonté sans recours à une machine, à cause d’une altération de ses facultés corporelles ; grâce à une licorne, c’est-à-dire équipée d’un casque muni d’une tige métallique, cette dernière pouvait exprimer pleinement sa volonté en écrivant des phrases prononcées par un ordinateur ; elle était donc en situation de communiquer avec les tiers pour sauvegarder ses droits.
La preuve de la capacité fonctionnelle avait donc été manifestée ostensiblement devant les juges du fond qui l’avaient auditionnée et, partant, l’inutilité de la mesure protection juridique était clairement établie [5] ; « le résultat de l’apport technologique fait reculer la frontière de l’empêchement » [6].
Cela dit, une interrogation pourrait se poser ; étant donné que la personne vulnérable, se retrouve libérée de toute mesure de protection juridique, alors qu’elle a besoin de l’assistance d’un tiers pour s’équiper avec le matériel nécessaire afin de s’exprimer, l’état et la situation de dépendance ne devaient-ils pas justifier le maintien de la mesure la plus légère et la moins contraignante pour l’intéressée [7], ainsi que l’ont jugé des juges du fond dans une affaire similaire pour éviter de potentiels abus [8] ?
En définitive, l’altération des facultés corporelles n’est en aucun cas synonyme d’un empêchement d’expression de la volonté ; les juges doivent toujours agir dans l’intérêt de la personne vulnérable en recherchant l’équilibre entre protection et autonomie, ainsi que l’ordonne l’article 415, alinéa 3, du Code civil.
Comme l’écrivait le Conseiller Doyen Massip, l’altération des facultés corporelles, « n’est pas, par elle-même, si grave soit-elle, de nature à justifier l’institution d’un régime de protection. Il est néanmoins nécessaire d’envisager une telle mesure, même si la personne atteinte d’une incapacité corporelle reste lucide et saine d’esprit, si elle se trouve dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, de communiquer avec l’extérieur et, en conséquence, si elle se révèle incapable d’agir même par personne interposée » [9].



