[Maroc] Analyse juridique de la signature. Par Ibtissam Belgnaoui, Juriste.

[Maroc] Analyse juridique de la signature.

Par Ibtissam Belgnaoui, Juriste.

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Explorer : # signature électronique # preuve écrite # consentement # validité des actes juridiques

Au Maroc, dans l’univers du formalisme juridique animé constamment par l’évolution technologique, la signature, aussi bien manuscrite ou électronique, joue un rôle fondamental dans la formation, la perfection et la validité des engagements contractuels.
La signature, terme qui trouve ses origines dans le latin, désigne, en réalité, une pratique ancestrale bien plus ancienne que l’on croit. Traduisant consentement et engendrant responsabilité, la signature a su traverser les âges, s’adaptant aux mutations des supports et des pratiques.

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L’origine et définition du mot « signature ».

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que « signature », est puisé du mot latin « signatura », un dérivé du mot « signare » qui signifie « signer » et qui est lui-même dérivé du mot « signum » qui veut dire selon le dictionnaire de l’Académie française de 1964 [1] « mettre son seing » (son nom écrit par lui-même), à une lettre, à une promesse, à une obligation, à un contrat, ou autre acte, pour l’autoriser ».

Même si le terme est d’origine latine, certains historiens [2] attestent que c’est une pratique qui a vu le jour en Egypte ancienne avec les pharaons, sous la forme « d’anneaux à signer », conférant l’autorité à celui qui le détient. Ensuite, la pratique s’est répandue chez les Grecs et les Latins et se banalisa. Avec l’ordonnance de Moulins (1566) consacrant le principe de la preuve par écrit et l’ordonnance de Blois (1980), cette forme laissa sa place, petit à petit, à la signature [3].

L’on constate que la signature était conçue comme un signe manuscrit apposé par le titulaire lui-même. C’est aussi un signe distinctif permettant d’attester l’identité de la personne l’ayant apposée sur un document et d’en valider, ainsi, son contenu. Dans ce sens, une recherche [4] menée sur la Genèse du signe, du VIe au XVIe siècle en France, a permis d’établir un premier constat : la signature appartient à deux séries de signes distinctes, d’une part celle des signes d’identité (nom propre, sceaux, armoiries) et d’autre part celle des signes de validation (souscriptions, sceaux, signatures, seings).

Ainsi, la signature manuscrite remplit deux rôles, le premier consiste à identifier son titulaire, tandis que le deuxième, par extension, traduit la volonté de ce dernier à se plier aux stipulations du document signé.

Par ailleurs, ce procédé d’identification et d’authentification a connu une évolution significative lors des deux dernières décennies. Avec l’immixtion du numérique dans les relations humaines, aujourd’hui on compte un autre dérivé de la signature ; c’est la signature électronique.

Le dictionnaire juridique Dalloz a conclu que la signature est un “ paraphe manuscrit ou, lorsque la signature est électronique, procédé fiable d’identification, garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. Elle constitue une condition de validité d’un acte juridique en identifiant celui qui l’appose (1ʳᵉ finalité), en manifestant son consentement aux obligations qui en découlent (2ᵉ finalité) et en conférant l’authenticité à l’acte quand elle est apposée par un officier public (3ᵉ finalité) .”

Références textuelles en droit français et marocain.

La définition susvisée du dictionnaire juridique français Dalloz trouve son essence des articles 1316-4 et suivant, des articles 1323 et 1324 du Code civil français qui ont inspiré grandement le législateur du dahir des obligations et contrats marocain, notamment ses articles : 417-1 et suivant du titre 7 intitulé : de la preuve des obligations/ Section 2 : de la preuve littérale.

Il ressort des articles du DOC susvisés que la signature procure de la force probante à un acte et le perfectionne. Toutefois, elle doit répondre à 3 exigences principales :

1- La signature doit permettre d’identifier clairement son auteur ;
2- La signature, lorsqu’elle est apposée sous forme électronique, doit respecter les exigences de sécurité prévues par la réglementation en vigueur [5]. Le cas échéant, elle doit être manuscrite et apposée de la main propre de la personne concernée au bas de l’acte.
3- La signature doit exprimer le consentement de celui-ci aux obligations découlant de l’acte concerné.

La signature, répondant à ces critères, demeure une preuve solide à l’acte auquel elle est liée, quelque soit sa nature (acte sous-seing privé, acte authentique, testament. Etc.) ou son support (physique, numérique).

Dans ce sens, la Cour de cassation marocaine a rendu un arrêt le 01/02/2022, portant n°54/7 conférant au document signé électroniquement la même force probante que celle accordée à un acte signé à la main, pourvu que l’identité des signataires puisse être identifiable et qu’il soit établi et conservé dans les conditions permettant de garantir son intégrité.

Également, la signature exprime le consentement des contractants, ainsi son absence peut avoir des effets sur la validité de l’acte, plus précisément pour ceux dont la loi l’exige. Dans ce sens, un arrêt de la Cour de cassation marocaine portant n°52 rendu le 20/01/2022 a considéré qu’une requête d’appel non signée par l’avocat de la demanderesse est irrecevable. La cour a considéré la signature ici, comme une condition fondamentale de la validité de la requête même si l’article 142 de la procédure civile ne cite pas expressément une telle exigence contrairement à l’article 354 qui l’impose explicitement pour les requêtes de cassation (arrêt de cassation n°214 du 16/04/2019).

D’un autre côté, l’article 426 du DOC pose une précision fondamentale. Le timbre ou le cachet ne peuvent se substituer à la signature manuscrite nominative et sont considérés, le cas échéant, comme non apposés.

Ainsi, il serait judicieux de mettre en lumière les termes connexes à la signature et analyser les effets qu’elles produisent.

Relation avec d’ autre termes voisins.

La signature peut être confondue avec le paraphe, le timbre et le cachet. Seulement, chacun a des effets juridiques différents et sont apposées pour des raisons distinctes.

  • Paraphe : selon le lexique juridique Dalloz, le paraphe est une « signature abrégée apposées sur les différentes feuilles d’un document pour éviter toute fraude ou une substitution ultérieure ».

Dans la pratique administrative, le paraphe est une marque comportant les initiales de son titulaire apposé sur toutes les feuilles d’un document présenté à la signature.

Il permet d’avoir une historique des personnes ayant lu et approuvé son contenu.

Généralement, une personne paraphe soit parce qu’elle n’a pas l’habilité de signer l’acte, prérogative accordée à l’autorité hiérarchique supérieure (Président, Ministre, Directeur...). Soit le signataire lui-même l’appose sur chacune des feuilles du document comme mesure de sécurité et atteste par son biais, qu’il a lu et approuvé chaque stipulation même celles ne figurant pas dans la dernière page comportant sa signature.

Cette pratique, contrairement à la signature nécessaire à la perfection des actes juridiques, demeure facultative. Elle n’affecte en aucun cas la force probante du document. Néanmoins, elle reste une bonne pratique qui peut pallier tout risque ultérieur.

Par exemple : dans un prononcé d’une décision judiciaire, le greffier, le juge chargé de l’affaire ainsi que son collège apposent leur paraphe sur la totalité des feuilles et signent conjointement à la dernière page.

De même, les parties d’un traité international, apposent leurs initiales sur la totalité des feuilles de l’acte, preuve qu’ils ont lu et approuvé les stipulations y figurant. Dans certains cas, un cachet rond peut accompagner les paraphes.

Quelle est alors sa spécificité et qu’arrive-il s’il est apposé tout seul sans signature ?

  • Cachet et timbre : même s’il accompagne souvent la signature, le cachet ne peut la substituer. L’article 426 du DOC dispose clairement que le timbre ou le cachet ne peuvent se substituer à la signature manuscrite nominative et sont considérés, le cas échéant, comme non apposés.

La jurisprudence marocaine est unanime sur la question, un cachet, à lui seul, ne traduit aucunement le consentement des parties, lequel s’exprime par signature. La Cour de cassation a considéré dans un arrêt portant n° 398 rendu le 25/07/2018, qu’une facture cachetée mais non signée par les personnes habilitées est sans valeur probante, même si le cachet identifie clairement l’entité à laquelle appartient le fournisseur.

Ibtissam Belgnaoui
Juriste d’affaires au Maroc
Doctorante en Droit numérique et propriété intellectuelle
Université Mohammed V de Rabat Maroc

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Notes de l'article:

[1Dictionnaire de l’Académie française,1re édition, tome 2, 1964, p 477, disponible sur le site https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A1S0173-19

[2Isabelle de Lamberterie, La valeur juridique de la signature, perspective de longue durée, Revue Hypothèses 2006/1 9 Éditions de la Sorbonne p 362 disponible sur le site : https://shs.cairn.info/revue-hypotheses-2006-1-page-361?lang=fr

[3Ibid, p363.

[4Fraenkel (B.), La signature. Genèse d’un signe, Paris, Gallimard, 1992. In, Béatrice Fraenkel et David Pontille, La signature au temps de l’électronique, revue Politix 2006/2 n° 74, p 103 à 121, disponible en ligne sur Cairn. Sciences humaines et sociales. https://shs.cairn.info/revue-politix-2006-2-page-103?lang=fr&tab=texte-integral

[5Loi n° 53-05 relative à l’échange électronique de données juridiques et la loi 43-20 relative aux services de confiance pour les transactions électroniques.

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