Le parallèle entre les deux arrêts est frappant :
Civ 1ère, 12 octobre 2016, n°15-25034, publié :
« Mais attendu qu’ayant relevé que les emprunteurs arguaient d’un taux effectif global inférieur à celui qui était stipulé, de sorte que l’erreur alléguée ne venait pas à leur détriment, la cour d’appel a, par ce seul motif, à bon droit, statué comme elle l’a fait. »
Civ 1ère, 4 juillet 2019, n°17-27621, publié :
« Mais attendu que la cour d’appel ayant relevé que le rapport d’expertise amiable produit par les emprunteurs, dont elle a souverainement apprécié la valeur et la portée, établissait que le calcul des intérêts conventionnels sur la base, non pas de l’année civile mais de celle d’une année de trois cent soixante jours, avait eu pour effet de minorer le montant de ces intérêts, de sorte que l’application de la clause litigieuse ne venait pas à leur détriment, elle a, par ce seul motif, à bon droit, statué comme elle l’a fait. »
Le demandeur à la nullité relative doit prouver l’existence d’un grief.
Bien des plaideurs confondent l’année lombarde avec la clause de calcul d’intérêts par laquelle les intérêts mensuels sont comptés pour 30 jours d’une année qui en comporte 360.
Cette clause dite « 30/360 » ne constitue pas une année lombarde illicite mais une variante d’écriture d’une année civile composée de 12 mois. Peu importe le nombre de jours composant le mois : 30 jours ou 30,416667 jours ou encore 30,4375 jours. Lorsque l’intérêt proportionnel est mensuel, il est d’1/12ème de l’intérêt annuel et seul ce ratio d’1/12ème importe.
Il ne peut mathématiquement en être autrement lorsque le prêt est amortissable en mensualités égales car cette mensualité constante est elle-même calculée indépendamment du nombre de jours composant chaque mois, qu’il soit de 28, 29, 30 ou 31.
Comment expliquer qu’une « année lombarde » puisse minorer le montant des intérêts ? Notament par cette confusion.
Certaines expertises ne prennent pas en compte l’accord des volontés du prêteur et de l’emprunteur sur un amortissement du capital par mensualités constantes et proposent ainsi des calculs mensuels d’intérêts civils sur une base Exact/365 ou Exact/Exact qui produisent l’une comme l’autre des mensualités inégales.
Un exemple chiffré sera plus éclairant, particulièrement sur les mensualités de février, mars et avril d’une année bissextile où Exact/Exact devient Exact/366 :
Février
- intérêt 30/360 => taux x 30/60 = taux x 0,08333 => mensualité constante
- intérêt Exact/365 => taux x 29/365 = taux x 0,07945 => mensualité inférieure
- intérêt Exact/366 => taux x 29/366 = taux x 0,07923 => mensualité inférieure
Mars
- intérêt 30/360 => taux x 30/60 = taux x 0,08333 => mensualité constante
- intérêt Exact/365 => taux x 31/365 = taux x 0,08493 => mensualité supérieure
- intérêt Exact/366 => taux x 31/366 = taux x 0,08469 => mensualité supérieure
Avril
- intérêt 30/360 => taux x 30/60 = taux x 0,08333 => mensualité constante
- intérêt Exact/365 => taux x 30/365 = taux x 0,08219 => mensualité inférieure
- intérêt Exact/366 => taux x 30/366 = taux x 0,08196 => mensualité inférieure
L’emprunteur, fort d’une expertise mettant en évidence un calcul mensuel d’intérêt par une clause 30/360 abusivement qualifiée d’année lombarde ne fait rien d’autre qu’apporter la preuve que l’établissement financier a respecté l’accord des volontés sur un amortissement par mensualités civiles constantes.
Les mensualités lombardes, devenues très rares, ne sont pas de cet ordre car elles consistent techniquement en une majoration du taux d’intérêt par un coefficient de 365/360 =1,013888... pour la détermination du montant de l’échéance d’amortissement.
C’est en revanche sur les intérêts journaliers, souvent dits « intercalaires », qu’un grand nombre d’établissement de crédit utilisent une base de calcul Exact/360 en lieu et place d’une base civile Exact/365 ou Exact/Exact, ce qui constitue dans ce cas un calcul en année lombarde qu’il appartient à l’expert, au plaideur, de démontrer.
Les finesses de la clause 30/360 : L’arrêt dont pourvoi CA Toulouse, 18 octobre 2017, n°17/00436.
L’arrêt de la Cour d’appel révèle que le prêteur a appliqué la clause mensuelle 30/360 sur une durée de moins d’un mois, en l’espèce du 16 mai au 5 juin, ce qui a eu pour effet, démonstration expertale à l’appui, de soustraire un jour d’intérêt.
La différence de date est, dies ad quo dies ad quem, de 20 jours. Mais l’application sur cette échéance brisée de la clause 30/360 a pour effet d’annihiler le 31ème jour du moi de mai de sorte que les intérêts journaliers ont étés calculés non sur 20 mais sur 19 jours, ce qui profite à l’emprunteur :
- intérêt 19/360=> taux x 19/360 = taux x 0,05277
- intérêt 20/365=> taux x 20/365 = taux x 0,05479
Appliquée sur une période brisée débutant dans un mois de 31 jours et s’achevant le mois suivant, l’application de la clause 30/360 produit un intérêt inférieur à celui calculé en année civile !
L’année lombarde ne consiste qu’en un calcul d’intérêt journalier en base Exact/360, ce que n’opère pas systématiquement la clause 30/360 sur une période brisée, comme dans le cas d’espèce :
- clause 30/360 => intérêt 19/360=> taux x 19/360 = taux x 0,05277
- clause Exact/365 => intérêt 20/365=> taux x 20/365 = taux x 0,05479
- clause Exact/360=> intérêt 20/360=> taux x 20/360 = taux x 0,05555
Nous observons que les expertises ont tout intérêt à vérifier la présence du coefficient lombard 1,0138889 (ratio 365/360) appliqué « au détriment de l’emprunteur » avant de conclure à l’existence d’une année lombarde en présence d’une clause 30/360 : 0,05479 x 1,0138889 = 0,05555 !
Une conclusion s’impose : l’effet lombard de la clause 30/360 doit impérativement être démontré pour prétendre à la nullité de la clause d’intérêt. Le principe est identique en matière de TEG où la démonstration d’une majoration au delà du dixième de point est nécessaire.