Les formes concrètes d’exposition au risque de change pour le frontalier.
Changement de situation professionnelle.
Lorsqu’un salarié frontalier est licencié ou muté hors de Suisse, il perd ses revenus en francs suisses tout en conservant une dette dans cette devise.
Dès lors, le remboursement du prêt devient plus coûteux : il faut convertir ses revenus désormais perçus en euros en francs suisses, souvent à un taux défavorable.
Cette conversion obligatoire fait peser une charge financière accrue sur le foyer, d’autant plus en période d’affaiblissement de l’euro.
Le convertisseur monétaire devient alors un véritable goulet d’étranglement, exposant l’emprunteur à une perte de pouvoir d’achat immédiate.
Vente ou transmission du bien financé.
Autre situation fréquente : la cession du bien immobilier.
Le logement, situé en France, sera vendu en euros.
Cependant, le crédit restant dû demeure libellé en francs suisses ; pour solder le prêt, il faut donc reconvertir le produit de la vente.
Si la parité euro/CHF s’est détériorée depuis la signature du contrat, la somme obtenue en euros ne suffira pas à rembourser l’intégralité du capital restant dû, entraînant une perte de change et réduisant, voire annulant, toute plus-value potentielle. Ce risque se matérialise concrètement au moment où l’emprunteur souhaite sortir du crédit.
Location du bien et déséquilibre structurel.
Nombre de biens financés en francs suisses sont mis en location en France.
Les loyers sont naturellement perçus en euros tandis que les mensualités du prêt restent exigibles en francs suisses. Ce désalignement monétaire expose le propriétaire à une double contrainte : il doit convertir ses loyers pour honorer les échéances, tout en subissant les variations défavorables du taux de change.
En cas de baisse de l’euro, la rentabilité locative réelle s’effondre ; le gain prévu à la signature peut se transformer en perte, voire en situation de déficit chronique. Les charges liées au bien -fiscalité, entretien, assurance, gestion- étant également en euros, le risque de change devient un facteur structurel d’appauvrissement.
Les recours possibles pour les emprunteurs.
Face à ces déséquilibres, les emprunteurs ne sont pas dépourvus de recours.
La jurisprudence de la Cour de cassation du 9 juillet 2025 (Pourvoi n° 24-19.647) constitue à cet égard un tournant majeur : elle reconnaît la responsabilité des établissements bancaires lorsque les prêts en devises ont été proposés sans mise en garde claire sur les risques liés au change.
Cette décision ouvre la voie à l’annulation de certains contrats de prêt, permettant ainsi aux emprunteurs lésés de retrouver un équilibre financier et juridique plus juste.


