Afin de répondre à la demande croissante des consommateurs, et de combattre la surexploitation de l’industrie de la pêche maritime, l’aquaculture (mais en l’occurrence, surtout l’aquaponie) se pose en solution car elle propose des produits aquatiques locaux et sains, tout en permettant de réduire (autant que faire se peut) les importations. En outre, l’aquaculture peut contribuer au développement des territoires en créant des emplois, en assurant la souveraineté alimentaire dans un cadre d’alimentation durable.
L’aquaponie [3] est une activité agricole au sens de l’article L311-1 du Code rural et de la pêche maritime [4] dans la mesure où elle consiste en une activité qui porte sur la maîtrise et l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal et animal. En outre, il s’agit d’une activité qui s’intègre quasiment intuitivement dans une démarche éco-responsable dès lors que ses principales caractéristiques ont vocation à l’implanter dans une action propre à minimiser son impact négatif sur l’environnement notamment en limitant sa production de déchet.
I. Qu’est-ce que l’aquaponie : les fondamentaux.
L’aquaponie repose sur au moins deux grands principes, la symbiose entre poissons et plantes (A) qui est impossible sans la maîtrise du cycle naturel de l’azote (B).
A. La symbiose entre poissons et plantes.
Les déchets produits par les poissons fournissent des nutriments essentiels aux plantes. Ce qui implique une production simultanée de poissons et de légumes sans besoin d’engrais chimiques ni de pesticides et herbicides ; ce qui rend les légumes plus sains et biologiques. En outre, le dispositif limite considérablement les maladies notamment celles transmises par le sol. Ainsi, grâce aux nutriments riches provenant des déchets de poissons et la maîtrise de nombreux paramètres, la croissance des plantes est plus rapide avec moins de travail physique. Les bassins sont souvent à hauteur d’homme, facilitant l’entretien et la récolte.
Les espèces élevées en aquaponie sont des poissons d’eau douce [5], mais également d’autres types d’animaux aquatiques tels que les écrevisses ou les crevettes d’eau douce. Ces animaux aquatiques sont souvent utilisés en raison de leur capacité à s’adapter aux systèmes d’aquaponies et à contribuer à l’écosystème en fournissant des nutriments pour les plantes. S’agissant de ces dernières [6], elles sont choisies en fonction de leurs besoins nutritionnels et de la maturité du système d’aquaponie. Les légumes à feuilles vertes et les herbes aromatiques sont particulièrement bien adaptés aux systèmes d’aquaponies.
L’aquaponie est caractérisée par le fait d’être un système fermé et écologique car l’eau circule en boucle fermée, minimisant tant le rejet de déchets (car réutilisés ou/et recyclés) ainsi que l’utilisation de ressources. Cette configuration fermée vertueuse implique l’absence de produits chimiques et une optimisation des ressources notamment en eau. En effet, cette méthode utilise 90% moins d’eau que les cultures traditionnelles et nécessite peu d’énergie. Cependant, cela impose une bonne maîtrise du cycle naturel de l’azote.
B. La maîtrise du cycle naturel de l’azote.
Aucun pesticide ni engrais chimique n’est utilisé, ce qui rend le système plus sain et durable en contrepartie d’une gestion optimale du cycle naturel de l’azote.
La maîtrise du cycle naturel de l’azote dans un système d’aquaponie, repose notamment sur deux facteurs, les bactéries et l’acidité de l’eau (le pH). Les bactéries convertissent les déchets de poissons en nutriments pour les plantes via la nitrification. Ce processus biologique est essentiel dans le cycle de l’azote. En effet, il s’agit d’un processus par lequel l’ammoniac ou l’ammonium est converti en nitrates par des bactéries présentes dans le sol, l’eau et d’autres environnements.
La nitrification comporte deux étapes clés. Dans un premier temps, il y a une Nitritation. Il s’agit du processus durant lequel l’ammoniac est oxydé en nitrite par des bactéries nitrifiantes. Les Nitrosomonas sont des bactéries qui convertissent l’ammoniac en nitrites. Dans un second temps, il y a la Nitratation. Durant cette étape, le nitrite est ensuite oxydé en nitrate par d’autres bactéries nitrifiantes, les Nitrobacter.
Ce processus, la nitrification, réduit la toxicité de l’eau pour les poissons et fournit des nutriments essentiels aux plantes, créant ainsi un environnement équilibré et sain. Les nitrates sont la principale source d’azote que les plantes peuvent absorber et utiliser pour leur croissance et leur développement. Dès lors, il importe beaucoup d’être vigilant sur les facteurs nécessaires au déclenchement de la nitrification, c’est-à-dire, une bonne oxygénation de l’eau ; un pH optimal (entre 6,8 et 7,2 pour un environnement optimal pour les poissons, les plantes et les bactéries.) ; une température de l’eau élevée et la disponibilité de substrats dans lesquels puiser l’ammoniac ou l’ammonium.
« L’aquaponie permet une valorisation des rejets aquacoles par les compartiments bactérien et végétal, et donc une moindre dépendance à la ressource en eau, le tout avec une réduction totale ou partielle de l’utilisation d’engrais de synthèse pour la production végétale. Les rejets dissous issus de l’aquaculture sont composés de particules solides, d’ammonium, de phosphore, de potassium et d’autres macro- et microéléments. Ces éléments sont des sources de nutriments assimilables par les végétaux après une étape préalable de dégradation microbienne des composés ammoniacaux en nitrates par des bactéries nitrifiantes, et d’élimination des matières particulaires grâce à une filtration mécanique » [7]. Quelles sont les règlementations applicables à ce système de revalorisation de rejets aquacoles notamment en cas de commercialisations de ces produits ?
II. Quelles règles sont applicables ?
L’aquaponie est une activité aquacole [8] dans la mesure où elle consiste en la culture de plantes et d’élevage d’animaux en eau (continentale ou marine) dans le but d’en améliorer la production. Généralement, il s’agit d’une activité de pisciculture (élevage de poissons) ou de carcinoculture (élevage de crevette et d’écrevisses) couplée avec de l’hydroponie [9]. À ce titre, à défaut de règlementations spécifiques, cette activité est soumise aux mêmes contraintes règlementaires que l’aquaculture, qui elle-même doit être appréhendée comme une activité agricole spécifique.
En outre, avant d’aborder la question des règles applicables, il est nécessaire de décomposer le contenu du terme « activité aquacole » [10] Elle est classiquement appréhendée en deux types de catégorie. Premièrement, l’activité aquacole dite « primaire » qui comprend l’élevage et la récolte des produits de l’aquaculture vivants en vue de leur mise sur le marché. Puis, l’activité considérée comme connexe car ayant lieu immédiatement après la récolte, c’est-à-dire :
- Transport et stockage vivants dans les fermes aquacoles situées à terre.
- Livraison des produits de l’aquaculture vivants du lieu de production jusqu’au premier établissement de destination.
- Stockage intermédiaire en viviers de ses propres produits de l’aquaculture vivants par le producteur, entre le lieu de production et la vente à un établissement.
Ces activités connexes doivent respecter les conditions d’hygiène et de traçabilité pour garantir la qualité et la sécurité des produits de l’aquaculture.
A. Les règles d’hygiènes et de traçabilité.
Il y a deux catégories de règles applicables, les règlements européens et les règlements nationaux.
A.1. Les règlements européens applicables à l’aquaculture et, a fortiori, à l’aquaponie.
Le Règlement (CE) n° 178/2002 ou “Food Law” : il établit les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire et fixe les responsabilités, la traçabilité, et les procédures de retrait/rappel des produits alimentaires.
Le Règlement (CE) n° 852/2004 : il établit des règles générales d’hygiène applicables à toutes les denrées alimentaires. En outre, il inclut des dispositions spécifiques pour la production primaire et les opérations connexes.
Le Règlement (CE) n° 853/2004 : il établit des règles spécifiques d’hygiène applicables aux produits d’origine animale, y compris les produits de l’aquaculture. À ce titre, il contient des dispositions spécifiques pour les produits de la pêche et de l’aquaculture dans son annexe III, section VIII.
Ces règlements visent à garantir la sécurité alimentaire, la traçabilité, et la qualité des produits d’aquaculture tout au long de la chaîne de production et de commercialisation. Ils imposent des obligations en matière d’hygiène, de manipulation, de transport, et de stockage des produits.
A.2. Les principaux textes nationaux applicables à l’aquaculture.
Les textes nationaux, listés ci-dessous, complètent les règlements européens et visent à garantir la sécurité alimentaire, la traçabilité, et la qualité des produits d’aquaculture en France :
Le Code Rural et de la Pêche Maritime, aux articles R231-14 à R231-16 qui définissent les règles sanitaires pour la production primaire et la commercialisation des produits de l’aquaculture ; l’Article R233-4 relatif à l’obligation de déclaration d’activité à l’administration compétente [11]
L’arrêté du 18 décembre 2009, relatif aux règles sanitaires applicables aux produits d’origine animale et aux denrées alimentaires en contenant. Ce dernier définit les conditions d’hygiène pour la production, la manipulation, et la commercialisation des produits de l’aquaculture.
L’arrêté du 21 décembre 2009, relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d’entreposage, et de transport de produits d’origine animale et de denrées alimentaires en contenant. Cet acte complète les exigences communautaires, notamment en matière de température de conservation et de transport.
B. Les contraintes spécifiques à la commercialisation.
La commercialisation des produits de l’aquaculture suit des règles spécifiques pour garantir la sécurité alimentaire et la qualité des produits. En effet, ces règles visent à assurer la traçabilité, la sécurité alimentaire, et la qualité des produits d’aquaculture tout au long de la chaîne de commercialisation. Il y a toutefois une différence de régime entre les produits primaires issus des activités aquacoles primaires et connexes par rapport à ceux résultant d’activités nécessitant un agrément sanitaire.
B.1. Les produits primaires et les opérations connexes.
En tout état de cause, les produits doivent être manipulés et transportés dans des conditions d’hygiène satisfaisantes. En outre, l’eau utilisée doit être de l’eau potable ou propre. En effet, les activités listées ci-dessus peuvent être exercées sans nécessiter d’agrément sanitaire.
Les produits primaires vivants. Pour leur commercialisation, les produits d’aquaculture doivent être vivants après leur récolte. Le cas échéant, pour le transport et le stockage des produits vivants sont autorisés sans agrément lorsqu’ils sont réalisés immédiatement après la récolte.
Les opérations connexes. Les opérations connexes incluent la récolte, le transport, et le stockage des produits vivants sur le lieu de production. Ainsi, toute autre opération, comme l’abattage, nécessite un agrément sanitaire.
La livraison à des établissements des produits vivants peut être réalisée au profit d’établissements agréés, commerces de détail, ou autres intermédiaires. Le transport doit se faire dans des viviers ou des citernes adaptées.
La remise directe au consommateur : Si le producteur destine ses produits primaires exclusivement au consommateur final, il agit comme un commerce de détail. À ce titre, le producteur ne nécessite pas d’agrément. Toutefois, si les opérations après la récolte ne nécessitent pas d’agrément, elles doivent respecter les règlements (CE) n° 852/2004 et n° 853/2004 [12].
La vente de petites quantités : pour les petites quantités, seuls le Code Rural et de la Pêche Maritime et l’arrêté du 18 décembre 2009 s’appliquent. Cependant, les produits doivent rester primaires et provenir uniquement de la propre production du producteur. La vente de petites quantités de produits primaires au consommateur final ou à des commerces de détail locaux (moins de 100 kg par jour pour les produits d’aquaculture et moins de 100 kg par débarquement et par navire pour l’activité de pêche) ne nécessite pas d’agrément.
B.2. Les autres activités nécessitant un agrément sanitaire.
Certaines activités liées à la production et à la commercialisation des produits de l’aquaculture nécessitent un agrément sanitaire [13]. Il s’agit de l’Abattage des produits d’aquaculture, de la manipulation (après abattage) de ces derniers au-delà des opérations connexes (Transport et stockage, Livraison, Stockage intermédiaire), de la préparation et transformation, du Stockage intermédiaire de produits frais réfrigérés, de la commercialisation à des établissements de produits préparés. Ces activités ne sont pas appréhendées comme produits primaires ni comme opérations connexes. Il subsiste, cependant, quelques bémols. En effet, concernant l’abattage des produits d’aquaculture, l’agrément n’est pas nécessaire lorsque le produit est remis directement par le producteur (sur site). Il en est de même pour l’activité de préparation et de transformation lorsque le producteur agit comme un commerce de détail en vendant directement au consommateur final les produits de sa propre production préparés ou transformés par lui-même sur le site de production. Enfin, pour l’activité de commercialisation à des établissements de produits préparés, si ladite activité est marginale, localisée et restreinte, alors une dérogation au principe d’agrément peut être possible.
Pour obtenir une dérogation [14], il faut en faire la demande auprès de l’administration compétente [15]. En outre, il existe une certaine flexibilité du principe dans le cadre de circuits court [16] au profit des petites entreprises [17]. Dans le cas de l’aquaculture, les circuits courts peuvent être matérialisés par : la vente directe à la ferme, la vente aux marchés locaux et de producteurs ou en magasin de producteurs, etc.