Le Conseil Régional de l’Ordre des Experts-comptables Provence Alpes Côte d’Azur a appris que Madame O. était susceptible d’exercer illégalement la profession d’expert-comptable à titre individuel et sous le couvert d’une SARL. Il a confié à une agence de détectives privés le soin d’investiguer sur le sujet. Un de ses enquêteurs a rencontré Madame O. dans ses locaux, dans le but d’obtenir des informations sur les prestations proposées.
A réception de son rapport, et après avoir fait constater la réalisation effective des travaux de comptabilité par un commissaire de justice, il a assigné Madame O. et sa société devant le tribunal judiciaire afin de les faire condamner à la cessation immédiate de toute prestation de comptabilité.
Par ordonnance du 1er février 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Draguignan a déclaré irrecevable le rapport du détective privé, au motif que celui-ci avait pour objectif de pousser à la faute de manière déloyale en agissant comme un « client mystère ». Le Conseil a interjeté appel de cette décision.
Dans son arrêt du 18 janvier 2024, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé l’irrecevabilité du rapport en rappelant qu’en matière civile, toute preuve obtenue au moyen d’un stratagème doit être déclarée illicite et écartée des débats. Le Conseil Régional de l’Ordre des Experts-comptables a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que le rejet automatique du rapport portait atteinte au droit à la preuve.
Dans son arrêt du 17 septembre 2025 (pourvoi n° 24-14.689), la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé la décision d’appel, en soulignant que le juge ne pouvait pas écarter automatiquement le rapport du détective privé. Il doit en examiner la valeur probante au regard du droit à la preuve, en mettant en balance la loyauté de la preuve, l’atteinte portée aux droits fondamentaux et la nécessité de la production du rapport.
Cette décision renforce la valeur probante des enquêtes privées dès lors qu’elles sont justifiées et proportionnées. Le juge ne peut pas écarter nos rapports uniquement au regard des conditions de collecte des preuves : il doit d’abord évaluer s’ils sont nécessaires à l’exercice du droit à la preuve.
L’arrêt se place également dans la lignée de la décision de l’Assemblée plénière du 22 décembre 2023 sur les enregistrements clandestins, où la Haute juridiction avait déjà affirmé que la preuve, même déloyale, ne pouvait pas être écartée sans un contrôle de proportionnalité. Elle applique ici la même logique aux rapports de détectives privés.
La justice évolue, et avec elle les contours du métier de détective privé, qui s’affirme de plus en plus comme un acteur stratégique au service du Droit.


