Le principe de l’audition du mineur consiste à recueillir l’opinion de l’enfant ou son consentement au regard des procédures qui vont l’intéresser. Il convient ainsi de rappeler qu’un enfant doit être entendu dans toute procédure le concernant, en application de l’article 388-1 du Code civil ainsi que de l’article 12 de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 1989. L’enfant doit être informé de son droit à être auditionné [1].
Or, l’audition est conditionnée au discernement du mineur [2].
Le discernement de l’enfant peut se définir ainsi : « l’enfant capable de comprendre la décision au sujet de laquelle il exprime ses opinions personnelles, de s’affranchir de celles de toute autre personne, et de comprendre les enjeux et les conséquences de sa prise de position » [3].
En dépit de cette définition, le discernement de l’enfant continue à faire couler beaucoup d’encre puisqu’il est apprécié in concreto par les juges. En pratique, les juges ont parfois tendance à passer outre cette audition, considérant que l’âge de l’enfant est synonyme d’un non-discernement. Une telle pratique est pourtant prohibée [4].
Pour autant, il convient de souligner qu’il existe une différence entre l’audition du mineur devant le juge pour enfants et devant le juge aux affaires familiales (JAF).
En effet, devant le juge pour enfants, le mineur doit être entendu [5] pour toute mesure d’assistance éducative [6] et pour tout cas spécifique de placement [7] hors famille ou chez un tiers digne de confiance, dès lors qu’il est doué de discernement. Le juge pour enfants doit effectuer un entretien individuel avec l’enfant lorsqu’il est capable de discernement [8]. Il peut dispenser le mineur de l’audience, mais pas de l’entretien individuel, au regard de l’article 1189 du Code de procédure civile. La différence entre l’audience et l’entretien individuel réside dans le déroulement de l’audience dans le bureau du juge, en présence des parents, de l’enfant, des représentants des services éducatifs compétents, ainsi que l’avocat [9] ; alors que l’entretien individuel, lui, consiste pour le juge, à s’entretenir seul avec l’enfant afin qu’il puisse partager librement son ressenti sur sa situation.
Concernant le JAF ou toute autre juridiction civile, l’enfant est entendu à sa demande s’il est doué de discernement. Les parents peuvent être à l’origine de la demande d’audition [10], tout comme le JAF.
Cependant, les juges [11] peuvent se passer de l’audition de l’enfant lorsqu’il n’est pas doué de discernement. Pour se passer de l’audition du mineur, les juges doivent justifier de manière claire et précise le non-discernement de l’enfant [12]. L’âge de ce dernier n’est pas suffisant pour justifier d’une non-audition [13].
Ainsi, en l’espèce, rien ne démontrait que l’enfant avait été entendu par le juge pour enfants et qu’il avait justifié de l’absence d’entretien par le non-discernement ou l’urgence. Il appartenait donc à la cour d’appel d’effectuer [14] l’entretien individuel. Elle ne pouvait s’en dispenser qu’en démontrant l’absence de discernement du mineur ou l’urgence de la situation qui imposait le placement auprès de l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) ; ce qu’elle n’a pas fait. La cassation était donc inévitable, sachant que cette solution a déjà été énoncée dans un arrêt de la 1ʳᵉ chambre civile de la Cour de cassation du 12 juin 2025 (pourvoi n°22-23.646).
Pour terminer, le discernement continuera à être un sujet délicat tant qu’il n’y aura pas une position claire de la loi ou de la jurisprudence. Si l’appréciation subjective est préférée par certains auteurs [15], d’autres estiment qu’un critère objectif [16] pourrait être une solution en prévoyant, par exemple, une présomption de discernement entre 10 et 13 ans [17].
En définitive, il est essentiel que l’opinion de l’enfant soit toujours recherchée puisqu’il en va de son intérêt ; les juges doivent avoir à l’esprit qu’« un mineur n’est pas un adulte en réduction, mais un être en devenir » [18], et qu’à ce titre, il a le droit d’être entendu.


