1. Posez-vous les bonnes questions.
La première étape d’une installation réussie est de questionner en profondeur votre projet. A quel point avez-vous envie de vous installer, et pour quelles raisons ?
1.1 Faites le point.
Si vous songez à l’installation, c’est sans doute que vous avez besoin de changement. Des relations de travail qui se passent mal, une collaboration qui se termine, un manque de challenge au quotidien, sont de vrais signes que quelque chose ne va pas. Dans le métier d’avocat, dont l’évolution est encore codifiée, l’installation peut paraître la seule échappatoire.
Pourtant, aucun avocat n’est obligé de monter son cabinet pour réussir sa carrière. Pour confirmer votre projet, posez-vous sérieusement la question : l’installation, est-ce une fuite, ou une réelle ambition ? En d’autres termes, pourquoi voulez-vous créer votre entreprise ?
Cette question est moins simple qu’il n’y paraît. Prenez le temps d’y répondre, si besoin par écrit, pour y voir plus clair et faire avancer votre réflexion. Est-ce pour traiter vos dossiers comme vous en avez envie ? Pour travailler seul.e ? Avoir davantage de liberté ? Gagner plus d’argent ? etc.
Aucune réponse n’est meilleure qu’une autre, l’important est d’être honnête avec vous-même.
Surtout, ne faites pas l’impasse de cette réflexion préliminaire, sous peine de vous lancer dans un projet non abouti, ou de vous essouffler à la première difficulté…
1.2 Visualisez votre objectif.
En réalité, ce qu’il convient de questionner, c’est votre envie à vous. Il s’agit de réfléchir à ce qui est important pour vous, en mettant de côté à ce stade les contingences pratiques.
Concentrez-vous sur ce qui vous porte et vous anime, et pas sur ce que vous voulez quitter. Dès lors, si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous ? Où vous voyez-vous être dans 5 ans ? Dans quel environnement avez-vous envie de travailler ? Avec qui ? Quelle place voulez-vous consacrer à votre vie personnelle, vos loisirs, vos proches ? Quels types de responsabilités souhaitez-vous assumer ? Qu’est-ce que vous souhaiteriez faire tous les jours ? Qu’est-ce que vous ne voudriez absolument plus faire ?
N’hésitez pas à prendre le temps de noter ces éléments, à les laisser de côté, à y revenir, à les confronter avec vos proches, vos Confrères, un coach… Formalisez votre objectif de carrière, ainsi que quelques signes factuels vous permettant de vérifier à l’avenir qu’il aura été atteint.
Là encore, il n’y a pas de réponse intrinsèquement bonne ou mauvaise. Vous n’êtes pas obligé.e de vouloir monter le meilleur cabinet de France dans votre domaine, ou d’être au niveau de tel ou tel concurrent.
La seule bonne ambition, c’est la vôtre.
1.3 Questionnez le sens de votre carrière.
Vous l’avez vérifié, cette installation, vous la voulez. Mais comment allez-vous l’orienter ? Quel sens voulez-vous donner à votre future structure ?
Le « sens », c’est à la fois la raison pour laquelle on agit, et la direction dans laquelle on agit. C’est aussi et surtout la colonne vertébrale de toute action humaine, la source de toute motivation. Sous la contrainte, ou contre la promesse d’une récompense importante, l’être humain est capable d’agir à l’encontre de ce en quoi il croit. Mais inévitablement, la motivation finira par s’étioler.
Pour que votre projet d’installation soit solide, et tenir le choc en cas de coup dur, vous serez mieux armé.e si vous avez fait la lumière sur ce qui vous anime. Interrogez-vous : dans votre métier d’avocat, quelle cause voulez-vous défendre ? Quel type de client voulez-vous assister ? A quoi voulez-vous contribuer ? Une réflexion sur le sens vous permettra d’abord de vous raccrocher à ce qui vous permettra de vous lever le matin - tous les matins.
Plus tard, le sens de votre projet sera le socle de votre communication, votre meilleur moyen d’attirer des clients, comme l’explique Simon Sinek dans ce Ted Talk devenu légendaire [1]. Plus tôt vous aurez formalisé le sens de votre projet d’installation, et plus la marche à suivre pour concrétiser votre projet sera claire.
1.4 Formalisez l’essence de votre projet.
Vous avez désormais en tête les raisons de votre envie de changement, votre objectif et le sens de votre projet. En vous basant sur ces réflexions préliminaires, prenez le temps de définir en quelques lignes le projet qui a du sens pour vous. Dessinez votre futur cabinet, celui dans lequel vous serez qui vous avez envie d’être, et vous ferez ce que vous avez envie de faire.
Ces quelques lignes constitueront le squelette de votre projet, celui autour duquel tout le reste va s’articuler parfaitement. Il s’agit également d’un formidable outil pour prendre les - nombreuses - décisions qui s’imposeront sur votre chemin vers l’installation. Vous pourrez alors vous reporter à ces lignes et vous demander : « ceci me permet-il de me rapprocher de mon projet et du sens que je souhaite lui donner ? ».
2. Apprenez à vous connaître.
Vous avez validé la première étape, et défini les contours d’un projet qui a du sens pour vous. Il s’agit désormais d’apprendre à connaître qui vous êtes vraiment, pour façonner un cabinet synonyme d’épanouissement.
2.1 Listez vos besoins.
S’installer, c’est avoir enfin l’opportunité de travailler dans une structure qui répond à vos besoins. Mais encore faut-il savoir les identifier ! Etudiant, stagiaire puis collaborateur, le jeune avocat a appris à répondre aux attentes de ses professeurs et de ses patrons. Facile, dès lors, de perdre l’habitude de s’interroger sur ses propres envies, ses besoins, sa vision.
Puisque tout est à construire, l’installation est l’occasion de prendre enfin le temps pour faire le point : de combien avez-vous besoin pour vivre ? A quel rythme avez-vous besoin de travailler ? Avez-vous besoin de travailler avec quelqu’un, et si oui, qui ? Combien de temps pouvez-vous vivre sereinement en cas de coup dur financier ? Qu’avez-vous besoin de faire pour être heureux au travail ?
Grâce à ces questionnements, vous dessinerez les premiers aspects pratiques de votre futur cabinet. C’est la première étape pour :
vous faire une idée des moyens financiers à réunir,
respecter (au maximum) vos propres limites, dans la phase de création et après,
monter un projet satisfaisant pour vous.
2.2 Identifiez vos valeurs.
Pour vous permettre de satisfaire ces besoins dans le cadre de votre installation, vous allez devoir faire des choix. Le rythme de vos semaines, vos locaux, votre méthode de facturation, votre besoin en fonds de roulement, votre axe de communication, la place du papier et du numérique…
Outre vos moyens financiers, ce sont vos valeurs qui guideront ces choix. Vos valeurs, ce sont des façons d’être et d’agir que vous considérez comme idéales, morales, éthiques. « Les valeurs sont les convictions que nous considérons comme particulièrement importantes pour nous, celles qui constituent nos repères essentiels, qui nous servent pour effectuer nos choix les plus cruciaux et qui orientent donc, pour une large part, nos actions et notre comportement. Nos valeurs sont les éléments les plus stables de notre personnalité. C’est le moteur qui nous fait agir et nous donne de l’énergie pour entreprendre. C’est le socle de la confiance en soi » [2].
Identifier vos valeurs, c’est donc trouver vos leviers de motivation. C’est aussi vous prémunir de faire des choix uniquement en fonction d’éléments parasites : la peur de manquer, qui peut pousser à accepter des dossiers hors de votre champ de compétence ou de conviction, la pression sociale, qui peut amener à monter « le cabinet qu’il faut », et non le cabinet qu’il vous faut…
Au bout du compte, qu’est-ce qui est le plus important pour vous ? Prendre du plaisir ? Atteindre un statut social ? Une sécurité financière ? Avoir le sentiment d’être utile ? etc. En connectant vos possibilités pratiques à vos valeurs essentielles, vous trouverez l’énergie pour avancer.
2.3 Appuyez-vous sur vos forces.
Pour mener à bien votre projet d’installation, il sera plus confortable d’avoir confiance en vous. Et vous pouvez ! Vous avez en effet développé de grandes compétences au long de votre carrière, qui constituent autant de forces sur lesquelles vous appuyer.
Bien sûr, il y a les compétences techniques acquises pendant vos études et lors de vos premières expériences. Vous maîtrisez plusieurs matières, vous savez faire des recherches juridiques, construire une argumentation, convaincre, rédiger, pourquoi pas plaider… Mais n’oubliez pas également les savoir-faire et savoir-être que votre parcours personnel et professionnel vous ont permis de développer.
Techniques commerciales, informatique, communication, développement de votre réseau, passion sportive, artistique, ou intellectuelle, engagement politique… Toutes les actions menées dans votre vie vous ont apporté des compétences, des viviers d’idées, et pourquoi pas des sources potentielles de client. Ne négligez pas d’en faire l’inventaire, pour déterminer tout ce que vous savez faire. Vous les aurez sous le coude pour retrouver confiance et inspiration si, à l’avenir, cela venait à manquer.
2.4 Acceptez vos fragilités.
Vous avez listé vos compétences. Mais il est tout aussi nécessaire d’identifier les choses que vous ne savez pas faire, ou dont vous avez peur. Exercice difficile, quand le métier d’avocat vous a appris à passer outre votre stress et vos incertitudes pour servir au mieux vos clients.
C’est pourtant le plus important. La vraie force, c’est d’admettre que l’on ne peut pas tout faire tout seul. C’est d’identifier les situations dans lesquelles vos limites seront atteintes. Seulement alors pourrez-vous mettre en place les actions pour vous en affranchir :
en vous formant pour atteindre le niveau de compétence que vous souhaitez,
en travaillant sur vos blocages et vos peurs, seul ou avec un coach spécialisé (Avocats, développez votre potentiel avec un coach.),
ou en déléguant ce que vous ne souhaitez pas faire à quelqu’un dont c’est le métier : comptable, web designer, graphiste, expert en communication, confrère dans une autre spécialité, courtier… L’investissement financier peut en valoir la chandelle, s’il vous libère du temps pour les tâches que vous savez faire, et que vous aimez !
Même en ayant un projet solide et une bonne dose de motivation, vos fragilités viendront tôt ou tard frapper à la porte de votre jeune cabinet. Alors, autant être préparé !
3. Adoptez le bon état d’esprit.
Vous avez défini les contours de votre projet, et appris à vous connaître. Vous êtes désormais prêt.e.s à aborder la troisième étape, adopter un état d’esprit d’entrepreneur pour monter votre cabinet. « Penser en créateur d’entreprise, puis en avocat », Vincent Luchez, Avocat au Barreau de Paris (Témoignages sur l’installation des avocats).
3.1 Soyez inspiré.e.
L’entrepreneur, c’est celui qui crée une entreprise. Son initiative a du sens car il propose une offre de produits ou de services pour répondre à un besoin d’une manière qui n’existe pas encore. L’entrepreneur est donc un créatif, qui plus que ses compétences techniques, vend surtout sa marque, sa façon de penser, son authenticité.
Or générer des nouvelles idées, c’est d’abord vous imprégner de ce qui existe déjà, pour vous en démarquer. Regardez ce que font vos futurs concurrents, directs ou indirects. Quelles compétences techniques utilisent-ils au quotidien ? Qui sont leurs clients ? Comment leurs parlent-ils ? Qu’est-ce que vous aimez, et surtout qu’est-ce que vous n’aimez pas dans leur approche ? Ne vous limitez pas à votre secteur : que font les avocats d’autres spécialités ? Les autres professionnels du droit ? Les entrepreneurs du secteur de vos clients ? Les autres ?
Imprégnez-vous de ce qui constitue le monde du droit aujourd’hui, la concurrence, les attentes des clients. Allez sur les réseaux sociaux professionnels, lisez ou regardez des témoignages, écoutez des Podcasts, documentez-vous… Enfin, formez-vous pour développer les compétences qui vous manquent (gestion d’entreprise, communication…). En un mot, apprenez !
C’est en connaissant ce qui existe que vous pourrez inventer votre propre cabinet, concurrentiel mais authentique.
3.2 Parlez de votre projet.
Selon une idée largement répandue, il faudrait garder le silence sur son projet entrepreneurial jusqu’à son parfait aboutissement. Pour préserver son idée, par peur des retours peu encourageants, pour éviter d’avoir à se justifier si l’on change d’avis…
Pourtant, le pouvoir de la parole sur le mûrissement de votre projet est inégalé. Bien sûr, vous pourriez ressentir le besoin de taire votre projet à votre cabinet actuel jusqu’à votre démission effective, c’est légitime. Pour le reste, n’hésitez pas à partager vos réflexions, idées, angles de vues, auprès de personnes de confiance. Qu’il s’agisse de vos proches, de confrères, d’entrepreneurs d’autres secteurs, de clients potentiels, d’organismes tels que la CCI, de consultants en création d’entreprise, de coachs…
En formalisant votre approche à voix haute à chacune de ses étapes, vous ajusterez naturellement votre discours. C’est en vous adressant à une pluralité d’interlocuteurs que vous confirmerez vos bonnes idées, et abandonnerez les mauvaises avant de les avoir (trop) investies.
3.3 Ecoutez les retours.
Pour murir un projet d’installation et le peaufiner, il ne suffit pas d’en parler. Il est aussi indispensable d’écouter ce qu’ont à en dire les personnes en qui vous avez confiance. Et à cet égard, l’avis de chacun est important.
Que votre interlocuteur soit avocat ou non, client potentiel ou non, de votre génération ou non… de par son vécu, il a un point de vue qu’il est important d’entendre. Localisation de vos locaux, choix de votre logo, texte de votre site, client idéal… La meilleure manière de nourrir une idée est de la confronter et de la faire évoluer en vous imprégnant le plus possible des avis des autres.
Un avis positif - sous réserve qu’il ne soit pas complaisant - vous donnera confiance pour faire un pas de plus vers la définition concrète de votre cabinet. Un avis plus mitigé vous confrontera - et c’est ce qu’il y a de plus précieux dans la construction d’un projet entrepreneurial. Vous pourrez choisir de le prendre en compte, comme une nouvelle source d’inspiration, ou bien de l’écarter. Mais puisque vous y aurez réfléchi, dans tous les cas, vous saurez pourquoi.
3.4 Envisagez le pire.
Vous l’avez suffisamment dit à vos clients, il est urgent d’envisager le pire pour se préparer au meilleur. Cet état d’esprit est indispensable pour quiconque souhaite monter son cabinet d’avocat.
L’installation est un pari sur l’avenir, qui malgré vos meilleurs efforts, pourrait ne pas être gagnant. Ne niez pas cette réalité. Au contraire, affrontez pleinement la possibilité que votre projet puisse ne jamais décoller. Et si tel était le cas, que ferez-vous ? Combien de temps vous donnez-vous avant de prendre un autre chemin ? « Avant de monter votre entreprise, ne pensez pas à combien vous pourriez gagner, mais à combien vous pouvez perdre ».
Paradoxalement, cette approche permet à la fois :
d’être plus prudent, en n’investissant que ce qui est raisonnable pour vous, et
d’être plus audacieux, car vous vous accorderez une plus grande liberté dans le cadre que vous vous êtes fixé.
Si vous affrontez froidement la réalité, vous aborderez les choses plus sereinement. Et n’oubliez pas de vous imprégner du témoignage des entrepreneurs, avocats ou autres, qui n’ont pas réussi du premier coup. Ils vous diront qu’il n’y a pas d’échec, que des apprentissages !
3.5 Faites vous confiance !
Vous avez écouté, lu, discuté, confronté, écrit, brainstormé… vous avez désormais une vue assez complète de ce qui existe, et de qui pense quoi. A ce stade, il n’est pas rare de se sentir noyé par tant de visions extérieures.
Ecoutez-les, mais ne les laissez pas vous guider ! N’oubliez jamais que lorsqu’une personne vous donne son témoignage ou son avis, elle parle d’elle, pas de vous. « Fais comme ci, ne fait pas comme ça, n’y va pas »… Ces conseils sont le résultat des expériences et interprétations de celui qui vous parle. Ils peuvent ne pas s’appliquer à vous, même si vous faites une confiance aveugle à votre interlocuteur !
Prenez ces informations analysez-les, mais n’ayez pas peur de vous en affranchir. Vous seul.e connaissez votre vision, votre approche, votre marché. Si votre intuition vous guide vers une direction, faites-vous confiance et suivez-là, même si elle n’est pas largement partagée. Car la personne la mieux placée pour savoir ce qui est bon pour vous, c’est vous !