Le fantasme du requin : une image séduisante, mais réductrice.
Dans l’imaginaire collectif, l’avocat "requin", c’est ce professionnel de l’art oratoire qui ne lâche rien, qui intimide, qui se bat avec férocité. C’est celui qui aurait, en quelque sorte, le goût du sang : l’envie de s’acharner, de vaincre à tout prix, de dominer l’autre.
Cette image peut séduire. Elle donne une impression de puissance, de combativité, de victoire assurée.
Toutefois, cette fascination doit, selon moi, être nuancée, car percevoir ce métier sous ce seul angle m’apparaît réducteur.
Un avocat n’a pas pour seule mission de s’opposer, d’agir "contre". Il travaille d’abord "pour" son client. Et ce "pour" change tout.
Il implique l’écoute, la mesure, la loyauté. Il suppose de comprendre avant d’attaquer, de protéger plutôt que de broyer.
Dans la pratique, un dossier ne se gagne pas à coups d’agressivité. C’est par la maîtrise du droit, le discernement, la rigueur de l’analyse, la justesse de la stratégie et, surtout, par la qualité de la relation entre l’avocat et son client que l’on maximise les chances de succès. Un avocat n’est pas un prédateur incontrôlable qui sera lâché dans l’arène judiciaire.
Il doit être un allié réfléchi, au service exclusif de l’intérêt de son client.
Le cœur du choix : la confiance.
Quand on choisit son avocat, on ne signe pas pour la promesse d’une confrontation permanente - ni avec les autres, ni avec soi.
On choisit un partenaire de confiance.
C’est sur ce socle intangible - la confiance - que doit reposer la relation avocat-client. Sans elle, aucune défense n’est solide. Aucun choix n’est éclairé. Votre conseil est le prolongement de votre volonté : un bras solide, agile et fiable, mais toujours guidé par vos objectifs, vos besoins, vos choix.
Ainsi, le véritable pouvoir d’un avocat ne se mesure pas à l’intimidation qu’il inspire. Il s’évalue à l’aune de la qualité de la relation, à la clarté de ses conseils, à la confiance qu’il instaure.
C’est cette confiance qui permet la liberté de parole, la transparence, le vrai dialogue. C’est elle qui fait la différence entre une relation subie et un partenariat construit.
Conseiller, pas contraindre.
Dans le prolongement de ce qui précède, il fait sens de rappeler que le rôle fondamental de l’avocat est d’éclairer la décision.
Analyser les enjeux, anticiper les risques, construire des solutions adaptées, tout en respectant à chaque étape la volonté du client.
L’avocat ne cherche ni à forcer, ni à imposer. Il explique, propose, construit.
En qualité d’avocate, j’ai (trop) souvent entendu des justiciables se plaindre de ne pas s’être sentis fidèlement représentés par leur avocat : le sentiment que leur conseil n’avait pas porté leur parole exacte devant le tribunal.
Ce sentiment est loin d’être anodin.
Bien sûr, un avocat peut - et doit parfois - intervenir auprès de son client, y compris en lui recommandant de se taire lorsque ses propos risquent de porter préjudice à ses intérêts.
Cependant, il y a une nuance de taille entre conseiller une ligne stratégique et altérer la volonté du client.
La première relève du rôle d’accompagnement.
La seconde peut générer un sentiment de trahison, et saper la relation de confiance.
Un exemple courant : celui de la résidence alternée en matière de divorce.
De nombreux pères m’ont confié avoir expressément demandé à leur avocat de formuler cette requête, mais se sont vus, au mieux, dissuadés ; au pire, confrontés à un refus, parfois sans réelle explication.
Le résultat ? Le sentiment de ne pas avoir été entendus, voire, plus grave encore, de ne pas avoir été défendus selon la ligne qu’ils avaient eux-mêmes fixée.
Conseiller n’est pas enfermer. Voilà ce que devrait être le cadre.
Dès lors, lorsqu’il s’agir de choisir son avocat, il est indispensable de se poser la question suivante :
- Est-il prêt à porter ma voix, et non à la remodeler ?
- Peut-il me guider, sans jamais me priver de mes choix ?
Trouver un avocat qui vous ressemble.
Choisir son avocat, ce n’est pas choisir une arme. C’est faire un double choix : celui d’une voix pour vous faire entendre et une voie pour y parvenir.
Une voix capable de porter vos intérêts avec rigueur, mais aussi avec respect, traduisant votre position avec force mais fidélité.
Et une voie stratégique pour vous mené vers un chemin plus clair.
Mon conseil ?
Trouvez un avocat qui vous ressemble. Celui avec qui vous pourrez construire, pas simplement combattre. Ensuite, évidemment, il sera indispensable de discuter de l’approche.
Et qu’on se le dise : il faudra parfois monter au créneau. Votre conseil devra, le moment venu, faire entendre sa voix haut et fort pour défendre vos droits au prétoire.
Mais cette voix, ce jour-là, ce sera la vôtre.
Pour aller plus loin : des critères complémentaires.
Bien sûr, la confiance ne suffit pas à elle seule. Elle constitue néanmoins le socle de la relation avocat-client, et doit être le premier critère dans le choix d’un conseil.
Une fois cette base posée, d’autres éléments méritent également d’être considérés pour faire un choix éclairé.
Il est légitime de s’intéresser à l’expérience de l’avocat, à son domaine de compétence principal, à la reconnaissance éventuelle d’une spécialisation, à sa manière de travailler, sa disponibilité, ou encore à sa capacité à rendre les enjeux juridiques compréhensibles et accessibles, c’est-à-dire à les vulgariser auprès de son client.
Ces critères permettent d’affiner le choix, de s’assurer de la pertinence du profil au regard du dossier et des enjeux en présence, et d’envisager une collaboration plus sereine.
Toutefois, ils ne prennent pleinement leur sens que si la confiance est déjà là. Sans elle, même la meilleure expertise ne peut véritablement s’exprimer.
Le serment, au-delà des mots.
"L’avocat-requin" interroge, en définitive, la place que, nous, avocats, souhaitons occuper dans la société : sommes-nous uniquement des techniciens du droit, des stratèges du contentieux ?
En notre qualité d’auxiliaires de justice, à l’interface entre magistrats et justiciables, rouages essentiels de l’institution judiciaire, il me semble que nous avons l’honneur et la responsabilité d’insuffler quelque chose de plus profond : être des acteurs du lien, des passeurs de parole, des porte-voix éclairés d’une volonté qui n’est pas la nôtre, mais que nous devons servir avec subtilité, fidélité et engagement.
Dans une société où l’on confond trop souvent force avec violence, expertise avec arrogance, et autorité avec absence d’écoute, il est peut-être temps de réaffirmer la seule vraie manière d’exercer : exigeante, compétente et profondément connectée à l’humanité de notre serment.
Cette exigence repose d’abord sur un choix qui ne nous appartient pas : celui du justiciable, qui nous saisit.
Une fois ce lien de confiance établi, il nous revient pleinement d’incarner notre fonction avec justesse, en demeurant à la fois techniciens du droit et dépositaires du lien entre droit et morale.