Histoire et évolution des armes imprimées en 3D.
C’est en 2013 que le Liberator, le premier pistolet imprimé en 3D vit le jour. Si ce dernier défraya la chronique aux États unis, son effectivité réelle est à relativiser. En effet, cette arme n’était pas fiable et le risque qu’elle explose entre les mains du tireur était grand.
Mais au fur et à mesure, les techniques et les conceptions se sont grandement améliorées et nous sommes passés des pétoires instables aux véritables armes de guerre.
Le 27 mars 2020 sont publiés sur internet les plans du FGC-9 pour Fuck Gun Control 9MM (J’emmerde le contrôle des armes en français). Cette arme a été conçue par un ancien militaire allemand de 28 ans du nom de JStark1809. Le FGC9 est un fusil semi-automatique conçu à 80% en plastique, mais dont certaines pièces comme le canon sont constituées de métal pour assurer une certaine fiabilité et effectivité. La conception de cette arme a été pensée pour les Européens, car toutes les pièces non imprimables, comme le canon en métal ou le ressort récupérateur peuvent être légalement acquis, y compris dans les pays où les législations sur les armes est sont sévères.
Selon les tests balistiques réalisés par la police, cette arme serait efficace à 95% par rapport aux armes conventionnelles.
Ces armes sont réellement utilisées. C’est par exemple le cas à Marseille [1] où en janvier 2024, un FGC-9 fut retrouvé lors d’une tentative d’assassinat. Nous pouvons également évoquer le groupe armé Birman People’s Defence Force, qui utilise des FGC-9 dans leur lutte contre la junte militaire birmane.
Ainsi, le problème de ces armes réside dans leur absence de traçabilité et leur facilité d’accès. Il faut compter entre 1 000 et 1 500 euros (imprimante 3D et matériaux compris) pour réaliser le FGC-9. Les fichiers utilisés pour concevoir ces armes se promènent librement sur internet et il est très facile de les retrouver. La rédaction du journal 20 minutes a d’ailleurs démontré qu’il était possible de trouver les plans du « FGC-9 » en « dix minutes montre en main » [2].
Cadre juridique et sanction pénale.
Concernant la législation française, il n’y a pas de distinction particulière entre une arme imprimée en 3D et une arme « conventionnelles. Ainsi, ces armes sont soumises au même régime concernant la fabrication, la vente, le transport, etc.
Tout d’abord sur la fabrication d’armes, il est explicitement précisé dans l’article L2332-1 du Code de la défense que la
« fabrication ou commerce de matériels de guerre, armes, munitions et de leurs éléments relevant des catégories A et B […] ne peut s’exercer qu’après autorisation de l’État et sous son contrôle ».
Il est donc nécessaire d’obtenir une autorisation lourdement encadrée par l’état pour pouvoir fabriquer et vendre des armes en 3D.
Sans autorisation étatique, la sanction pour fabriquer une arme en 3D pour son usage strictement personnel est donc mentionnée à l’article 222-59 du Code pénal. Ce dernier nous précise que
« Le fait de constituer ou de reconstituer une arme est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
Le transport d’armes, en dehors du domicile, est quant à lui prévu à l’article 222-54 du Code pénal :
« Le fait de porter ou de transporter, hors de son domicile, sans motif légitime, et sous réserve des exceptions résultant des articles L315-1 et L315-2 du Code de la sécurité intérieure, des matériels de guerre, armes, éléments d’armes ou munitions relevant des catégories A ou B, même en étant régulièrement détenteur, est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende ».
Sur la vente illégale de ces armes, la sanction est indiquée à l’article 222-52 du Code pénal :
« Le fait d’acquérir, de détenir ou de céder des matériels de guerre, armes, éléments d’armes ou munitions relevant des catégories A ou B […] est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende ».
Tentatives d’encadrement législatif.
À la suite des attentats de 2015 en France, un projet de loi signé par Bernard Cazeneuve et Christine Taubira visant à encadrer la vente d’armes sur internet fut transmis au Conseil de l’Union européenne. Ce texte prévoyait d’empêcher le partage des fichiers 3D qui permettent d’imprimer ce type d’armes. Mais interdire tout partage de fichier sur internet étant quasiment impossible, ce texte n’a pas été adopté.
Des députés républicains ont également tenté de légiférer sur le sujet, notamment via une proposition de loi relative à l’impression 3D et à l’ordre public formulé par Mme Claudine Schmid. Mais cette dernière n’a pas malheureusement pas abouti.
D’autres pays se sont néanmoins dotés d’un véritable arsenal législatif pour lutter contre ce phénomène,
En 2013, le Royaume-Uni a instauré des réglementations strictes à l’encontre des armes à feu imprimées en 3D, les rendant illégaux à créer, acheter ou vendre.
En 2016 l’Australie a passé une loi ayant pour objectif de poursuivre et pénaliser les détenteurs de fichiers d’armes à imprimer en 3D, aussi bien que les possesseurs d’armes imprimées en 3D. La sentence prévue par le Code pénal est aussi dure que celle qui s’applique aux détenteurs d’armes illégales, jusqu’à 14 ans de prison.
En 2017, le gouvernement chinois a mis en place une régulation pour obliger tout fabricant utilisant l’impression 3D à s’enregistrer afin d’éviter que cette technologie ne soit utilisée pour produire des objets illégaux telles des armes à feu.
Ainsi, en l’absence de réelle réglementation en France,il est donc impossible d’agir avant la fabrication de l’arme. La solution se trouverait alors peut-être du côté des constructeurs d’imprimantes 3D. En effet, certains d’entre eux déjà pris des mesures pour lutter contre ce phénomène grandissant. Nous pouvons par exemple citer l’entreprise Dagoma [3] qui a intégré dans ses imprimantes un logiciel repérant les utilisateurs importants des fichiers d’armes en 3D et bloquant leur impression.
Le logiciel a d’ailleurs été publié en open source, permettant aux autres constructeurs d’imprimantes 3D de l’intégrer dans leurs machines. Dagoma ne s’est pas arrêté à ce stade, elle a également téléchargé des centaines de fichiers d’armes, les a légèrement modifiés pour les rendre complètement inutilisables et les a remis en ligne afin d’empêcher et de décourager la fabrication de ces armes.