« Lorsqu’une autorisation d’urbanisme a été délivrée en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance de l’autorisation, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’une autorisation modificative dès lors que celle-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédée de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Elle peut, de même, être régularisée par une autorisation modificative si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par l’autorisation initiale a été entretemps modifiée ou si cette règle ne peut plus être regardée comme méconnue par l’effet d’un changement dans les circonstances de fait de l’espèce. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre l’autorisation initiale.
Ainsi, le juge administratif saisi de la contestation de la légalité d’une autorisation d’urbanisme initiale ayant fait l’objet d’une autorisation modificative doit, pour apprécier s’il y a lieu le respect par le projet des dispositions du I de l’article L146-4 du Code de l’urbanisme ou, depuis le 1er janvier 2016, de l’article L121-8 de ce code, rechercher si, à la date de la délivrance de l’autorisation modificative, les constructions projetées se trouvent en continuité avec des zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions.
Il résulte de ce qui vient d’être dit que la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit en jugeant que la méconnaissance par le projet des dispositions du I de l’article L146-4 du Code de l’urbanisme ne devait s’apprécier qu’au regard des circonstances prévalant à la date du permis d’aménager initial accordé le 29 août 2011, sans qu’ait d’incidence la délivrance d’un permis modificatif par l’arrêté du 2 juillet 2018 ».
Il est connu que lorsqu’un permis de construire a été délivré irrégulièrement, il peut être régularisé par un permis modificatif, et ce s’agissant des vices de fond, comme des vices de formes ou de procédure [1].
Plusieurs décisions jurisprudentielles récentes portant sur le régime du permis modificatif ont élargi sa fonction régularisatrice.
En effet, le Conseil d’Etat a déjà pu considérer que la délivrance d’un permis de construire modificatif régularise le permis initial lorsque la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été modifiée [2]. Dans l’espèce concernée, une modification du PLU, intervenue postérieurement à la délivrance d’un permis de construire (permis initial) avait procédé à la suppression d’un emplacement réservé. Le permis modificatif délivré en application des nouvelles règles d’urbanisme applicables avait permis de régulariser le permis initial qui méconnaissait la destination assignée audit emplacement réservé.
Dans ces conditions, il était désormais admis que
« le permis modificatif autorise le pétitionnaire à tirer parti d’une évolution des règles d’urbanisme confortant la légalité de son projet, et puisse régulariser le permis initial sans en modifier le contenu, en prenant seulement acte de la nouvelle règle de droit » [3].
Aussi, cet été, la haute juridiction administrative a élargi le champ matériel du permis de construire modificatif, en l’alignant sur celui du permis de régularisation (étant rappelé que ce dernier est délivré à l’initiative du juge administratif en application des articles L600-5 ou L600-5-1 du Code de l’urbanisme, autrement dit dans le cadre d’une annulation partielle ou d’un sursis à statuer avec un délai fixé pour régularisation).
Dans une décision du 26 juillet 2022 (n°437765), le Conseil d’Etat a, en effet, jugé qu’un permis de construire modificatif peut être délivré quand il porte sur un permis en cours de validité et « dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même ». Cet enrichissement du champ matériel du permis modificatif (qui était jusqu’alors cantonné à des modifications qui ne bouleversent pas l’économie générale du projet) accroit par voie de conséquence sa capacité régularisatrice.
Dans son arrêt du 10 octobre 2022 [4], le Conseil d’Etat ajoute une nouvelle pierre à l’édifice en considérant qu’un permis de construire modificatif peut permettre de purger une illégalité entachant le permis initial à raison de l’évolution des circonstances de fait. Ici, se posait la question de savoir si un projet se trouvait en continuité de zone déjà urbanisé au sens de la loi littoral [5]. Pour apprécier le caractère urbanisé ou non du secteur situé en continuité du projet, la haute juridiction administrative considère qu’il convient de se placer à la date de délivrance du permis modificatif et non pas à celle du permis initial.
Il s’agit là d’une nouvelle avancée jurisprudentielle significative sur la vertu régularisatrice du permis modificatif.