La cession d’unités de production : une opportunité pour les investisseurs en période de crise.

Par Xiomara Jiménez Rodríguez, Juriste.

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Explorer : # cession d'entreprise # insolvabilité # investissement # droit du travail

En période d’incertitude économique, de nombreuses entreprises sont confrontées à de sérieuses difficultés pouvant les conduire à se restructurer, voire, dans les cas les plus extrêmes, à disparaître. Toutefois, ces situations d’instabilité peuvent également représenter de réelles opportunités pour les investisseurs à la recherche d’une diversification sectorielle, tout en favorisant la continuité d’activités encore rentables. L’une des plus intéressantes est sans doute l’acquisition d’unités de production, qui permet aux investisseurs d’accéder, dans un cadre juridique ordonné, à des projets déjà opérationnels, en tirant parti des ressources existantes tout en contribuant au maintien de l’emploi et de l’activité économique.

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Cadre juridique de la cession d’unités de production en Espagne.

En Espagne, la cession d’unités de production dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité est principalement régie par la Loi 16/2022 du 5 septembre, qui a réformé le Texte refondu de la Loi sur l’Insolvabilité (ci-après, « TRLC »).

L’article 200.2 du TRLC définit l’unité de production (UP) comme « l’ensemble des moyens organisés en vue de l’exercice d’une activité économique essentielle ou accessoire ». En pratique, il s’agit d’un ensemble de ressources et de personnels capables de produire des biens ou des services de manière autonome, constituant ainsi un actif doté d’une valeur propre, indépendante de l’entreprise dans son ensemble.

Dans un contexte économique marqué par l’incertitude et les restructurations, la transmission d’unités de production joue un rôle stratégique  : pour les entreprises en difficulté, elle constitue un moyen de survie et de continuité ; pour les investisseurs, une opportunité d’accéder à des activités déjà en fonctionnement présentant un potentiel de rentabilité.

L’acquisition d’une unité de production peut intervenir à différentes phases de la procédure :

  • Phase commune, nécessitant une autorisation judiciaire.
  • Phase de convention.
  • Phase de liquidation, cette dernière étant la plus fréquente.

En outre, la loi fixe un contenu minimal en ce qui concerne les offres, lesquelles doivent comporter : l’identification de l’offrant, une description détaillée des biens et droits transférés, le prix et les modalités de paiement, les garanties offertes ainsi que l’impact sur les salariés (y compris la possible subrogation dans les contrats de travail). Dans certains cas, l’acquéreur devra s’engager à maintenir l’activité de l’unité pendant une période minimale (généralement de 2 à 3 ans), conformément aux articles 224 bis et 224 septies du TRLC. Le non-respect de cet engagement peut donner lieu à des réclamations en dommages et intérêts, notamment de la part des salariés.

Avantages pour les investisseurs.

L’acquisition d’unités de production dans un contexte de crise économique offre aux investisseurs un ensemble d’avantages stratégiques, économiques et opérationnels difficilement reproductibles dans d’autres situations d’investissement. Parmi les plus significatifs :

  • Accès à des actifs à des prix compétitifs  : dans un contexte d’insolvabilité, les actifs sont souvent sous-évalués par rapport à leur valeur en exploitation. L’investisseur peut ainsi acquérir installations, machines, stocks, marques ou autres ressources à un coût particulièrement attractif.
  • Disponibilité d’une structure déjà opérationnelle : l’investisseur ne part pas de zéro, mais intègre une organisation disposant de processus établis, d’un personnel formé, d’un réseau de clients et de fournisseurs, réduisant ainsi considérablement le temps et les coûts de mise en route.
  • Limitation des passifs repris : l’opération permet d’acquérir des actifs sans assumer la majorité des dettes de l’entreprise en difficulté, à l’exception des obligations sociales et de sécurité sociale liées aux salariés. Ce n’est que si l’offrant le décide volontairement qu’il peut reprendre certains passifs, conformément à l’article 224.1.1º du TRLC.
  • Sécurité juridique et protection contre les litiges passés : sous contrôle judiciaire, la transaction bénéficie d’un cadre protecteur vis-à-vis des créanciers de la société cédante, limitant ainsi les risques de réclamations ou de litiges ultérieurs.
  • Diversification et expansion accélérée : pour les entreprises déjà établies comme pour les fonds d’investissement, l’acquisition d’une unité de production peut constituer une voie rapide d’accès à de nouveaux secteurs ou marchés, en s’appuyant sur des infrastructures et un savoir-faire existants. De plus, la Loi sur l’Insolvabilité favorise cette continuité grâce à deux dispositions essentielles :
    • L’article 222.1 du TRLC prévoit la subrogation automatique de l’acquéreur dans les contrats nécessaires à la poursuite de l’activité, sans que le consentement des cocontractants ne soit requis.
    • L’article 221 du TRLC impose également la subrogation automatique dans les contrats de travail et obligations de sécurité sociale des salariés rattachés à l’unité de production.

En somme, l’acquisition d’une unité de production dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité offre non seulement la possibilité d’acquérir des actifs dans des conditions avantageuses, mais aussi de préserver l’activité économique et les emplois, générant ainsi une valeur ajoutée dépassant la seule rentabilité financière.

Risques à prendre en considération.

Si la cession d’unités de production présente de nombreux avantages, elle comporte également certains risques nécessitant une analyse stratégique approfondie avant toute décision d’investissement.

En premier lieu, des contingences sociales ou contractuelles peuvent compromettre la viabilité future de l’unité, notamment en matière de subrogation des contrats de travail ou de conditions négociées avec les fournisseurs. À cela peuvent s’ajouter des résistances internes, tant de la part du personnel et des représentants syndicaux que des clients ou fournisseurs, qui peuvent se montrer réticents à faire confiance à un nouvel investisseur si l’entreprise a connu des antécédents de difficultés financières.

Un autre aspect crucial réside dans le potentiel réel de redressement de l’activité. Toutes les unités de production ni tous les secteurs n’offrent les mêmes perspectives de rentabilité. Il est donc essentiel de réaliser une analyse de marché et de concurrence, ainsi qu’une évaluation des capacités internes de l’unité acquise, afin de déterminer la viabilité de l’investissement à moyen et long terme.

En définitive, l’acquisition d’une unité de production doit être envisagée non seulement comme une opportunité, mais également comme un processus exigeant une analyse rigoureuse, une planification stratégique et une gestion postérieure capable de surmonter les inerties de la crise ayant conduit à la procédure.

Conclusion.

La cession d’unités de production s’impose comme une alternative efficace à la liquidation totale, en alignant les intérêts des entreprises en difficulté, des salariés et des investisseurs à la recherche de projets présentant un potentiel de rentabilité et de croissance.

Le cadre légal espagnol des procédures d’insolvabilité poursuit précisément cet objectif : préserver la valeur des entreprises en crise, éviter la dispersion des actifs par des liquidations fragmentées et favoriser la continuité de l’activité et de l’emploi. À cette fin, la législation dote les juges d’instruments flexibles leur permettant d’autoriser des ventes rapides et efficaces, y compris par cession directe lorsque les enchères s’avèrent inefficaces.

En somme, la transmission d’unités de production ne constitue pas seulement une réponse juridique à l’insolvabilité, mais aussi un levier stratégique de transformation, permettant de convertir une situation de crise en une opportunité de redressement et de croissance économique. Elle représente également un pôle d’attraction pour les investisseurs désireux de diversifier leurs activités et d’accéder à des entreprises à fort potentiel dans des conditions avantageuses.

Xiomara Jiménez Rodríguez, Legal Counsel,
AGM Abogados

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