Une action en bornage judiciaire.
Un propriétaire assigne une commune afin de voir ordonner le bornage par un géomètre-expert de ses parcelles jouxtées par un chemin rural faisant partie du domaine privé de la commune. Il considérait que la limite séparative des fonds devait être déplacée à son profit.
L’expert judiciaire désigné par le tribunal procède au placement des bornes et conclut que les revendications foncières du propriétaire ne sont pas fondées. Les conclusions de l’expert judiciaire sont reprises par les juges du fond qui déboute le propriétaire de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la commune. Les juges du fond ordonnent en outre la mise en place de bornes par l’expert judiciaire et dont les frais seront mis à la charge du propriétaire perdant. Il est en sus condamné aux frais et dépens de l’instance.
Le pourvoi en cassation.
Ce propriétaire se pourvoit en cassation faisant valoir deux principaux moyens.
Aux termes de son premier moyen, il prétend que la Cour d’appel de Pau n’aurait fait qu’entériner le rapport sans considération des éléments produits tendant selon lui à démontrer le glissement de la limite entre les parcelles. Ce moyen est rejeté par la Cour de cassation qui réaffirme la pouvoir souverain des juges du fond pour fixer la limite séparative des parcelles. Procédant à un simple contrôle de la motivation, les juges du Quai de l’Horloge considèrent que le Cour d’appel de Pau a apprécié les éléments soumis à son examen et a pu souverainement fixer la limite de la parcelle.
Selon son second moyen la Cour d’appel de Pau aurait violé les dispositions de l’article 646 du Code civil lequel dispose que « Tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais communs ». Il considère que les juges du fond ne pouvaient pas mettre à sa charge les frais de bornage, qu’il distingue des frais et dépens de l’instance, au regard de ces dispositions.
Dans son arrêt, la Cour d’appel avait considéré que « si le bornage se fait à frais communs lorsque les parties sont d’accord, il en est autrement en cas de contestation de l’une d’elles » puisque dans ces circonstances, elle considère que « la partie qui échoue dans ses réclamations doit supporter tout ou partie des dépens que le débat par elle provoqué, a occasionné dont le coût de l’expertise et celui du bornage ». En effet, la Cour d’appel de Pau a retenu en premier lieu qu’il était le seul demandeur au bornage judiciaire alors que les autres parties à l’instance n’avaient formulé aucune demande en ce sens et en deuxième lieu, qu’il avait succombé en ces demandes. En conséquence, la Cour a conclu que les frais et dépens de l’instance devaient être mis à la charge du propriétaire succombant, ce compris les frais de bornage judiciaire.
Qui a la charge des frais de bornage judiciaire ?
La Cour de cassation valide la motivation de la Cour d’appel de Pau en rappelant un précédent arrêt qu’elle avait rendu en 1976 dans les mêmes termes (Cass., 3ème Civ., 16 juin 1976, n° 75-11.167, bull. n° 273). Le bornage réalisé par un expert judiciaire échappe à la logique des frais partagé dans le cadre d’un bornage amiable. Elle considère que « La mise en place des bornes ayant été confiée à l’expert judiciairement désigné avec mission de dresser un procès-verbal des opérations, la cour d’appel a, à bon droit, inclus ces frais dans les dépens qu’elle mettait à la charge de M. [K], partie succombante ».
Ces frais comprenaient l’achat et l’implantation des bornes. En effet, d’après les dispositions de l’article 695 du Code de procédure civile qu’elle vise dans sa motivation, la liste des dépens au paiement desquels la partie succombant en ces demandes peut être condamnée comprend « la rémunération des techniciens » qui doit s’entendre comme intégrant la rémunération de son travail (implantation des bornes) et le remboursement de ces frais (achat des bornes). Les dépens sont à la charge de la partie perdante selon l’article 696 du même code « à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».
Par défaut, les frais de bornage judiciaire seront donc à la charge de la partie déboutée de ses demandes. Ce n’est que par motivation spéciale des juges du fond que le bornage judiciaire pourra être à frais partagés entre les parties.


