Pourtant l’état du droit est on ne peut plus clair : avant compteurs individuels des usagers, ces réseaux constituent un ouvrage public qu’il appartient au gestionnaire du service public d’entretenir et de moderniser.
La responsabilité du propriétaire privée est limitée, en aval de son compteur, aux canalisations intérieures à son habitation.
Devant l’importance de ces pratiques permettant aux collectivités de faire des économies non négligeables, il apparaît nécessaire de faire un point sur l’état du droit.
Le compteur d’eau fixe la limite de responsabilité.
D’un point de vue juridique sont considérés
« comme des ouvrages publics, par la théorie de l’accessoire, les biens qui sont incorporés matériellement à un ouvrage public : tel est donc le cas des branchements particuliers d’eau, de gaz et d’électricité situés sous la voie publique mais aussi de la portion de branchement particulier établie à l’intérieur d’un immeuble privé » [1].
En clair, une canalisation générale d’adduction d’eau, qui permet le raccordement au réseaux de plusieurs propriétés existantes, appartient au réseau public indépendamment du fait qu’elle est située sous une propriété privée.
Le caractère « public » de l’ouvrage vaut y compris pour sa partie située à l’intérieur d’un immeuble privé.
Par conséquent, la limite de responsabilité public/privée est fixée par le compteur d’eau et non par la nature privée ou publique du terrain sous lequel court le réseau. Seule la partie située en aval des compteurs des propriétaires individuels, qui délimite les canalisations intérieures de l’habitation, est de la responsabilité du propriétaire privé.
Cette répartition s’explique d’ailleurs aisément, tant pour des considérations de sécurité (la forte pression des ouvrages desservant plusieurs habitations justifiant l’intervention du gestionnaire lui-même) que de santé publique : le gestionnaire de l’eau se doit de livrer une eau saine aux usagers. Il est donc logiquement responsable des canalisations qui desservent les usagers, mais ne l’est plus lorsqu’il s’agit de « canalisations intérieures » situées après compteur.
Un schéma illustre parfaitement ces explications :
Source : Guide technique des branchements particuliers aux réseaux d’assainissement et d’eau potable, Haut Buggy Agglomération, avril 2018, page 3.
La responsabilité du gestionnaire du service de l’eau vaut même sur un terrain privé.
De cette répartition des rôles découlent également diverses responsabilités.
En effet, en cas de dégâts causés à un tiers par une rupture de canalisation, la responsabilité à engager dépend de l’origine de la rupture.
Dès lors que rupture de canalisation se situe avant compteur, la canalisation étant à ce niveau un ouvrage public, la responsabilité engagée est celle du gestionnaire du service public.
Le juge considère en ce sens la responsabilité de du gestionnaire du service public de l’eau est encourue pour une fuite se situant
« même dans les limites d’une voie privée, mais avant l’arrivée de l’eau au compteur de l’abonné » [2].
Et d’une manière générale, même dans une voie privée, le gestionnaire du service public de l’eau devra réparer, entretenir, moderniser le réseau jusqu’au compteur de chaque abonné, comme il le fait dans toute autre voie.
Propriétaires en voies privées : faites valoir vos droits.
Nombreux sont les règlements de service des eaux à exclure la responsabilité du gestionnaire du service public dans les voies privées.
Ces clauses sont contraires au droit [3].
Statuant sur le cas de la prestigieuse Villa Montmorency, la Cour administrative d’appel de Paris a estimé que
« les dommages causés par les canalisations affectées au service public de distribution d’eau potable, y compris la portion de celles-ci situées en amont du compteur de l’abonné, et le cas échéant à l’intérieur d’un immeuble ou d’une propriété privée, présentent à l’égard des tiers le caractère de dommages de travaux publics et engagent ainsi la responsabilité sans faute du maître de l’ouvrage vis-à-vis de ces derniers » [4].
Cette solution vaut pour toutes les voies privées.
Les propriétaires ne doivent donc pas hésiter à faire valoir leurs droits lorsque ces canalisations sont endommagées faute d’entretien et, pire encore, lorsqu’elles causent des dégâts aux riverains.