Par principe, le changement du lieu de travail constitue une modification du contrat de travail que l’employeur ne peut imposer au salarié.
Pour éviter toute difficulté, chaque fois qu’un changement du lieu de travail est envisageable au moment où il embauche un salarié (en raison de l’existence d’établissements multiples, d’un projet de déménagement de l’entreprise, des fonctions du salarié, etc.), l’employeur peut avoir intérêt à insérer, dans le contrat de travail, une clause de mobilité géographique.
En ratifiant une telle clause, le salarié accepte expressément et par avance une nouvelle affectation géographique.
Par deux arrêts (Cass.soc.7 juin 2006 et 12 juillet 2006), la Cour de Cassation, tout en maintenant les conditions de mises en oeuvre jusqu’alors dégagées par la jurisprudence (II), a posé pour principe qu’une telle clause devait définir de façon précise sa zone géographique d’application et qu’elle ne pouvait conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée (I).
Ces principes ont été réaffirmés par la chambre sociale de la Cour de Cassation le 27 septembre 2006.
I. LES NOUVELLES EXIGENCES JURISPRUDENTIELLES
Aux termes des deux arrêts précités, la Cour de Cassation soumet désormais la validité des clauses de mobilité à la définition précise d’une zone géographique d’application (A) et précise que ladite zone ne pourra être unilatéralement modifiée par l’employeur quant bien même pareille faculté était contractuellement insérée au contrat de travail (B).
A. La clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application
Les faits ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juin 2006 sont courants. En l’espèce, un salarié avait été embauché en 1989 par une Association en qualité d’attaché de direction et avait accepté une clause de mobilité ainsi rédigée : “la nature commerciale de votre fonction implique la mobilité géographique de votre poste dans la zone d’activité de l’AIAC (région Alsace-Lorraine) laquelle pourra être étendue en cas d’extension d’activité.” Quinze ans plus tard, ledit salarié s’est vu proposer, suite à une fusion de cette association régionale dans une structure nationale, une mutation dans la région Rhône-Alpes. Estimant que cette mutation dépassait le cadre de sa clause de mobilité, le salarié refusa sa nouvelle affectation et fut licencié.La Cour d’Appel de Metz a rejeté ses demandes de dommages et intérêts considérant que sa clause de mobilité lui imposait une mobilité sur toute la zone d’activité de l’Association qui s’était étendue à l’ensemble du territoire national.Cet arrêt a été cassé par la Cour de Cassation.
Dans l’arrêt du 12 juillet 2006, la Cour d’Appel avait déclaré justifié le licenciement pour faute grave d’une salariée qui avait refusé le poste qui lui était proposé à l’issue d’un congé sabbatique par son employeur, ce dernier faisait valoir que l’emploi initial n’était plus disponible et se prévalait d’une clause de mobilité rédigée comme suit : “les évolutions dans l’organisation de l’entreprise pourront amener cette dernière à modifier tant l’établissement que le bureau de rattachement”.
Considérant que le refus de sa salariée était injustifié, l’employeur l’a licenciée pour faute grave.
La Cour de Cassation a censuré cette décision en considérant qu’il ne pouvait être fait grief à la salariée de son refus, opposé à une clause de mobilité insuffisamment précise.
Dans ces deux arrêts, la Cour de Cassation a cassé les arrêts des Cours d’Appel en posant pour principe qu’ : “une clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application”.
Ce principe a été rappellé dans les mêmes termes par la Cour de Cassation suivant arrêt en date du 27 septembre 2006, cette dernière estimant justifié le refus opposé par un salarié suite à une mutation dans la région parisienne alors que son poste était basé à Montpellier.
Pour parfaire l’information du salarié sur l’étendue de la clause de mobilité qu’il ratifie le jour de son embauche, la Cour de Cassation impose désormais expressément à l’employeur de définir, de manière précise, dans le contrat de travail, la zone géographique d’application de la clause de mobilité.
L’employeur doit donc délimiter la zone précise où une mutation peut être envisagée. Ainsi, lorsqu’il signe son contrat de travail, le salarié doit pouvoir identifier la zone géographique où il risque ultérieurement d’être muté.
B L’employeur ne peut étendre unilatéralement la portée d’une clause de mobilité
C’est la conséquence de la précision exigée au moment de l’acceptation de la clause par le salarié.
L’employeur ne pourra pas ensuite étendre unilatéralement la portée de la clause de mobilité et ce, même si le contrat de travail prévoyait cette possibilité.Un salarié ne peut donc être muté dans un magasin ou un établissement crée postérieurement à la signature de la clause.
Si l’employeur veut modifier l’étendue de la clause de mobilité, il devra obtenir l’accord préalable et exprès du salarié sur la mutation proposée qu’il ne pourra pas lui imposer. En effet, l’arrêt du 7 juin 2006 a été rendu au visa de l’article 1134 du code civil qui dispose que : “les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour des causes que la loi autorise.”
Si de nouvelles conditions de validité ont été posées par les arrêts des 7 juin et 12 juillet 2006, les conditions de mise en oeuvre de la clause demeurent pour leur part inchangées.
II. DES CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE INCHANGEES
Lorsque la clause de mobilité répond aux nouvelles exigences précédemment exposées, sa mise en oeuvre doit néanmois être justifiée par l’intérêt de l’entreprise (A) et ne pas être abusive ni déloyale (B).
La bonne foi contractuelle étant présumée, les juges n’ont pas à rechercher si la décision de l’employeur de faire jouer la clause de mobilité est conforme à l’intérêt de l’entreprise. C’est au salarié qu’il incombe de démontrer que cette décision a été, en réalité, prise pour des raisons étrangères à cet intérêt, ou bien qu’elle a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.
A. L’intérêt légitime de l’entreprise
La clause de mobilité doit être proportionnée au but recherché et indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.
C’est par exemple le cas lorsque la décision de mutation est justifiée par les besoins de réorganisation ou qu’elle est prise dans le seul souci d’une bonne organisation de l’entreprise.
Inversement, commet un tel détournement de son pouvoir de direction l’employeur qui impose à un salarié une mobilité contractuellement prévue, dont il apparaît qu’elle n’est en rien justifiée par l’intérêt de l’entreprise et qu’elle vise, en réalité, à conduire vers la rupture du contrat si le salarié, notamment pour des raisons personnelles, ne peut accepter cette mutation.( Dans ce cas, le licenciement qui s’ensuit pourra éventuellement être considéré comme illégitime, mais la preuve de pareils détournements est malaisée à rapporter).
De plus, l’employeur ne peut imposer au salarié une obligation de changement de domicile, sauf circonstance exceptionnelle et indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.
B. Une application loyale
L’employeur doit respecter un délai suffisant entre le moment où le salarié est informé de sa mutation et la date effective à laquelle celle-ci intervient. Il n’existe pas de délai minimun pour mettre à exécution la clause de mobilité. Tout dépend donc des circonstances individuelles. Il y a lieu de tenir compte de l’importance pour le salarié du changement que provoque sa mutation et d’éléments tels que son ancienneté dans l’entreprise, l’éloignement de sa nouvelle affectation, sa situation familiale, etc.
A défaut de respect d’un délai de prévenance suffisant, la mise en œuvre de la clause peut être considérée comme abusive et le salarié pourra refuser sa nouvelle affectation.
De plus, la situation personnelle du salarié ne peut être ignorée par l’employeur. Par exemple, l’usage abusif peut être caractérisé lorsque la mobilité intervient à un moment de la vie personnelle du salarié qui n’est pas propice à un déménagement.
En dépit d’une clause de mobilité, la Cour de Cassation considère également que l’employeur commet un abus de droit en n’assurant pas au salarié les moyens de se rendre sur son nouveau lieu de travail.
Il est à noter enfin que la convention collective peut encadrer la mise en œuvre de la clause contractuelle de mobilité. L’employeur doit alors respecter ces limites conventionnelles. A défaut, le refus du salarié d’accepter la mutation n’est pas fautif et il ne peut donc pas être sanctionné pour cette raison.
Conclusion
Il est clair que les nouvelles conditions de validité des clauses de mobilité posées par les arrêts des 7 juin et 12 juillet 2006 vont inéluctablement avoir des conséquences sur le plan des contentieux en cours ou à venir.
En effet, les clauses de mobilité ne définissant pas de manière précise leur zone géographique d’application étant dorénavant nulles, les salariés qui ont été licenciés sur la base de telles clauses pour un refus de mutation pourront obtenir des dommages et intérêts pour licenciement abusif devant le conseil de prud’hommes.
Afin de prévenir toute difficulté, il serait judicieux de modifier par voie d’avenant contractuel les clauses de mobilité qui ne font mention d’aucune zone géographique d’application pour qu’un refus de mutation constitue un motif réel et sérieux de licenciement, voire une faute grave.
A défaut, il sera fait application du droit commun qui autorise l’employeur à modifier le lieu de travail dés lors qu’il est situé dans le même secteur géographique.
Cabinet Chamaillard Avocats
http://www.chamaillard-avocats.com
Avocats au barreau de Paris