La commande publique représente, en France, entre 15 et 20% du PIB. Elle peut donc jouer un rôle majeur pour accompagner les transitions économiques, sociales et environnementales.
L’article 13 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a instauré, afin d’encourager les acheteurs publics dans la voie des achats responsables, l’obligation d’adopter et de publier un schéma de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER).
Cet article a été modifié par l’article 76 de la loi n°2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte afin d’élargir ce schéma à la promotion des achats publics écologiquement responsables.
L’article 13 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a été codifié à l’article L2111-3 du Code de la Commande publique.
L’objectif poursuivi est de favoriser l’atteinte des objectifs du plan national d’action pour l’achat public durable (PNAD). Le PNAD 2022/2025 prévoit notamment que d’ici à 2025, 30% des marchés publics passés au cours de l’année comprennent au moins une considération sociale et 100% des marchés publics passés au cours de l’année comprennent au moins une considération environnementale.
Etaient jusqu’à fin décembre 2022 concernés par le SPASER, les collectivités territoriales et leurs groupements ainsi que les acheteurs soumis au Code de la commande publique dotés d’un statut de nature législative, dès lors que le montant total annuel de leurs achats est supérieur à 100 millions d’euros H.T (décret n° 2015-90 du 28 janvier 2015).
Le décret n° 2022-767 du 2 mai 2022 a abaissé le seuil à partir duquel l’adoption d’un SPASER est obligatoire à 50 millions d’euros HT d’achats annuels à compter du 1er janvier 2023 [1].
En décembre 2022 [2], environ 160 collectivités étaient concernées par l’obligation d’adopter un SPASER. A compter du 1er janvier 2023, cette obligation concernera environ 320 collectivités soit le double et la majorité des régions métropolitaines, une soixantaine de départements, près de 70 établissements publics de coopération intercommunale et une dizaine de communes (dont la population est supérieure à 250 000 habitants), étant rappelé que même les collectivités qui ne sont pas concernées par l’obligation règlementaire peuvent adopter un SPASER.
D’après le PNAD, un achat public durable est un achat public qui intègre des dispositions en faveur de la protection ou de la mise en valeur de l’environnement, du progrès social, et qui favorise le développement économique. Il prend en compte l’intérêt de l’ensemble des parties prenantes concernées par l’acte d’achat et permet de réaliser des économies « intelligentes » au plus près du besoin en incitant à la sobriété en termes d’énergie et de ressources et il intègre toutes les étapes du marché et de la vie du produit ou de la prestation.
Le SPASER doit ainsi permettre de démontrer l’exemplarité des collectivités concernées (label RFAR) [3], de promouvoir et rendre visible - au travers d’un outil structurant - la stratégie d’achat de la collectivité en interne et auprès des acteurs économiques et de changer les pratiques via une montée en compétences des acteurs économiques du territoire en matière de développement durable.
La durée des SPASER, non précisée par la loi, correspond souvent à la durée du mandat politique, avec des schémas adoptés pour une durée de 3 à 4 ans dans la plupart des cas. La très grande majorité des SPASER prévoit une évaluation annuelle.
Concrètement les SPASER balayent des axes thématiques tels que :
Alimentation durable, bio et circuits courts (exemples : achats de restauration collective dans le sens d’une alimentation saine et du recours à une agriculture de proximité et à des producteurs locaux, achats de produits labellisés et proposition de repas végétariens dans les cantines scolaires…)
Biodiversité et transition écologique (exemples : renaturation, requalification des friches, diminution de l’impact carbone, maîtrise de la consommation d’énergie, favorisation des moyens de déplacement décarbonés, développement des énergies renouvelables, demande de niveau de performance environnementale au-delà des seuils réglementaires dans l’immobilier neuf, hautes exigences également en matière de rénovation…)
Economie circulaire ( exemples : politique zéro déchet, limitation de l’utilisation des ressources non renouvelables, réemploi, recyclage,…)
Egalité Femmes/Hommes et ville inclusive (exemples : lutte contre toute forme de discrimination et promotion active de l’égalité, favorisation de l’emploi des personnes en insertion, appel aux structures du secteur adapté et protégé, systématisation de l’accessibilité handicapée…)
Numérique responsable (exemples : dématérialisation efficace, limitation de l’impact carbone et de la consommation liés au numérique, connectique intelligente…)
Protection de la santé (exemple : diminution de la part des sources de perturbateurs endocriniens et polluants mis en œuvre dans les établissements recevant du public)
Sécurité et qualité de vie au travail
Ouverture aux acteurs de l’Economie Sociale et Solidaire
Structuration de filières
Obtention du label RFAR.
Le succès de la mise en œuvre du SPASER nécessite son appropriation par l’ensemble des acteurs de l’achat public, ainsi qu’un dialogue continu permettant de réinterroger les pratiques et l’atteinte des objectifs fixés.
Les SPASER constituent incontestablement un outil intéressant et augmenter le nombre d’acheteurs concernés est certes un vrai progrès et une avancée visible.
Mais encore faut-il que les SPASER aillent au-delà de la continuité des actions déjà mises en place depuis quelques années.
Leur efficacité réelle suppose - pour un véritable et nécessaire changement de pratiques - une volonté politique forte en ce sens et de vrais outils d’évaluation et de suivi (renforcer le sourcing, la transversalité, l’approche fonctionnelle des besoins, la formation des acheteurs et des acteurs économiques etc.), dans un contexte socio-économique difficile et contraint.
Les auteurs de la loi Climat ont eu cette réflexion dès 2019 et ont impulsé dans cette logique [4] des mesures très pragmatiques complémentaires telles que le renforcement de la publicité des SPASER, en vue de valoriser les acheteurs responsables et de diffuser les bonnes pratiques.
La loi Climat prévoit également que les SPASER devront comporter des indicateurs précis, exprimés en nombre de contrats ou en valeur, sur les taux réels d’achats publics relevant des catégories de l’achat socialement ou écologiquement responsable ainsi que des objectifs cibles qui devraient également accroître l’efficacité de la stratégie mise en place.
Elle dispose en outre que d’ici au 22 août 2024, le Gouvernement devra remettre au Parlement un rapport permettant d’évaluer la prise en compte des considérations environnementales et sociales dans les marchés passés par les acheteurs soumis à l’obligation d’adopter un SPASER. Ce rapport devra proposer un modèle de rédaction du schéma, porteur de nouvelles lancées positives à venir [5].
Plus concrètement encore, la loi Climat rappelle - concernant les règles de passation des marchés - que le socle commun de la Commande publique doit intégrer le principe fondamental de la valorisation des objectifs de développement durable et prévoit :
la prise en compte des objectifs de développement durable dans les spécifications techniques, au stade de la détermination de la nature et de l’étendue du besoin de l’acheteur ou de l’autorité concédante,
l’introduction de l’obligation de retenir au moins un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de l’offre [6],
la prise en compte obligatoire de l’environnement dans les conditions d’exécution du marché,
la possibilité pour un acheteur ou une autorité concédante d’exclure un candidat qui, soumis par le Code de commerce à l’obligation d’établir un plan de vigilance, ne respecterait pas ses obligations de transparence sur les actions menées en termes de prévention des risques sociaux et d’environnement dans le cadre de son activité.