La « fraude à l’assurance » fondement « aveugle » pour justifier la surveillance de la victime handicapée.
Si cette lutte contre la fraude peut apparaître justifiée, le processus est désormais utilisé dès lors que les enjeux financiers sont « simplement » importants alors même qu’aucune suspicion de fraude n’existe dans le cadre de l’indemnisation des préjudices corporels d’une victime d’un accident de la circulation.
Aussi, une victime ayant subi des dommages corporels à la suite d’un accident de la circulation, devenue parfois même handicapée, peut, sans le savoir, être suivie, observée, analysée, contrôlée, évaluée… Et cela nous dérange en notre qualité d’avocat en réparation des dommages corporels dans le cadre d’indemnisations des préjudices corporels de nos clients victimes.
En effet, une victime en situation de handicap va être jugée par un enquêteur privé ou enquêteur d’assurance, qui travaille alors pour le compte de celui qui est censé indemniser la victime, mais surtout et c’est le réel danger, qui ne dispose d’aucune compétence en médecine et d’aucun document médicaux contenu dans le dossier médical de la victime [1].
Qu’en est-il alors des « préjudices invisibles », ces préjudices qui aux yeux de tous n’existent pas mais qui sont pourtant bien réels et handicapants ?
Qu’en est-il alors de toutes les expertises médicales réalisées afin de connaître par exemple, les capacités de la victime à ouvrir sa main alors qu’il suffira à un enquêteur d’indiquer dans son rapport d’enquête qu’il a pu observer la victime tenir un sac sans se soucier du degré si finement constaté dans un rapport médical.
Le rapport d’enquête de l’enquêteur privé doit-il supplanter le rapport médical du médecin expert ?
Nous ne le croyons pas et nous disposons d’arguments solides pour contrecarrer ce type de pratiques dont le seul objectif est pour le régleur, de ne pas payer, ou payer moins quelle que soit la motivation.
Si l’indemnisation des préjudices corporels des victimes de la route représente un enjeu financier considérable pour les compagnies d’assurance de véhicules, il n’en demeure pas moins que la réparation doit être intégrale quels que soient les montants nécessaires pour replacer la victime dans une situation qui aurait été la sienne avant l’accident, même si on ne répare pas un corps humain comme on répare une voiture.
Un enquêteur privé ou enquêteur d’assurance, est mandaté par une compagnie d’assurance ou le Fonds de Garantie, afin de collecter des preuves (écrits, photographies, enregistrements...) à l’encontre de la victime de la route.
Le détective privé va alors suivre la victime pendant quelques heures, voir quelques jours, pour analyser ses moindres faits et gestes.
Pour exemple,
« Voilà une victime d’un accident de la route gravement atteinte à la tête. Le traumatisme crânien est rapidement diagnostiqué et l’expertise médico-légale fait ressortir des lésions assez lourdes, donc des préjudices importants et donc, des indemnisations prévisibles élevées par l’assurance. L’assureur va décider de mandater un enquêteur privé, non pas pour une suspicion de fraude de la victime comme cela devrait être le cas dès lors que cette pratique est mise en place, mais uniquement parce que les montants sont élevés. L’enquêteur privé va enquêter et suivre la victime mais comment va-t-il analyser les préjudices du traumatisé crânien dont les symptômes sont souvent invisibles c’est-à-dire pas décelables dans la vie de tous les jours (humeur changeante, problèmes de mémoire, isolement social, localisation dans l’espace,…) et remarqués par quelques proches à force de vivre avec lui ? »
Ces preuves collectées (photos, impressions d’écrans de réseaux sociaux, poubelles visitées…) sont alors réunies dans un rapport d’enquête pour contester un rapport médical, qui lui est rédigé à la suite d’un examen médical au cours duquel divers préjudices corporels ont pourtant été relevés par des spécialistes de la réparation des dommages corporels (médecin-expert, avocats, spécialistes…).
Parfois ces rapports sont versés par les régleurs avant même toute expertise médicale afin d’influencer fortement le médecin-expert.
L’objectif non avoué n’est plus alors la recherche de la fraude, mais bien la diminution des postes de préjudices ou la minimisation des handicaps, curieusement les plus « compensateurs » pour les victimes (tierce personne, économique, professionnel…).
Aussi, ces rapports d’enquête sont forcément tronqués et ne peuvent pas refléter la situation médicale d’une victime dans un environnement et surtout, ne peuvent pas contredire un rapport médical.
En effet, un rapport médical est rédigé par un médecin-expert [2] :
diplômé en réparation des dommages corporels,
ayant une certaine pratique de la matière,
disposant de radiographies, de scanners, d’IRM, de la victime,
ayant au dossier différentes pièces médicales telles que des comptes rendus opératoires, des rapports de médecins, des prises de sang,
travaillant de concert avec d’autres experts (psychologues, architectes…) et médecins spécialistes (neurochirurgiens, …)
ayant à sa disposition également, différents bilans tels que des bilans neuropsychologiques,
qui a réalisé de nombreux tests médicaux.
Pour déterminer et fixer tel ou tel coefficient pour tel ou tel préjudice.
L’enquêteur n’est quant à lui certainement pas diplômé de médecine, et encore moins en réparation des dommages corporels des victimes.
Aussi, quelle valeur peut-on accorder à un enquêteur qui va déclarer par exemple, que telle ou telle victime peut très bien se servir de sa main gauche pour l’avoir photographiée en train d’ouvrir par exemple une voiture, alors que les experts ont considéré qu’il n’avait qu’un handicap partiel de sa main pour ne plus pouvoir utiliser certains doigts. Or si l’ouverture d’une portière ne nécessite pas forcément l’usage de tous les doigts au moment d’enclencher la poignée de porte, l’utilisation d’un clavier d’ordinateur ou l’écriture impose une position particulière et stricte des doigts. L’expert a pu faire la nuance puisque diplômé et habilité à diagnostiquer, mais pas l’enquêteur qui se contentera des simples apparences, involontairement ou même volontairement, pour satisfaire son mandant, l’assurance.
Ce rapport n’en restera que « l’accessoire de l’apparence »puisque :
fondé sur des déductions, et en aucun cas sur des pièces médicales, un parcours médical ou un rapport médical,
avec des observations réalisées sur quelques jours,
rédigé de façon non contradictoire aux intérêts de l’assurance,
financé par le régleur pour protéger ses intérêts,
et surtout, non médical.
Il est impensable qu’une victime handicapée soit épiée par un enquêteur privé ne disposant d’aucune compétence médicale, pour vérifier si elle présente bien un véritable handicap (par exemple, pour vérifier son autonomie dans le cadre de l’évaluation du préjudice de l’aide à tierce personne) alors que le handicap peut être psychique [3], invisible [4], partiel, temporaire et surtout personnel.
L’objectif de ces hommes de l’ombre est de disculper les témoignages de la famille de la victime handicapée alors que les membres de la famille côtoient pourtant la victime tous les jours et la connaissent parfaitement. Ses habitudes, ses jours, ses heures… Chaque jour est différent et chaque moment est unique et stressant tant pour la victime elle-même, que pour les membres de sa famille qui subissent aussi un important préjudice.
Remettre en cause leur préjudice par le biais d’un rapport d’enquête rédigé clairement pour les besoins de la cause, c’est nier le besoin de la spécialisation, de l’expertise et de l’examen médical pratiqué.
Le rôle de l’avocat de victimes de la route va être essentiel puisque ce dernier va servir de contrepoids.
Discussions en cours :
Cher Maitre,
Je viens de prendre connaissance de votre article sur les enquêteurs d’assurance.
Je suis d’accord avec vous à 100 %.
Mais ,j’apporte une nuance a vos propos.
Les enquêteurs d’assurance , comme tous les enquêteurs privées ne sont pas médecin.
De ce fait ils ne jugent pas "l’assuré".
Ils doivent faire un rapport factuel et uniquement des faits.
Ils rapportent ce qu’ils voient et constatent depuis la voie public.
Exemple dossier d’un paraplégie issue d’un accident voila ce qui aura sur le rapport ; nous voyons M....jouait au football , il va faire son jogging tous les matins ou encore nous constatons que M... charge son véhicule de sac de ciment et part sur un chantier .Depuis la rue nous constons qu’il monte un mur en parpaing ....
Il appartiendra au client assureur de déterminer si un paraplégique peut jouer au foot faire un jogging ou encore porter un sac de ciment ...
Certainement pas d’appréciation personnelle ou médicale sur la santé de l’assuré.
.
Cordialement XAVIER
Cher Xavier
J’imagine que vous êtes enquêteur.
Il existe plusieurs formes de tétraplégie et certaines se guérissent ...
Aussi, ce n’est pas parce qu’un enquêteur constate une victime porter un sac qu’un diagnostic de tétraplégie doit être pour autant remis en cause.
Ce qui est critiqué c’est le sens même d’un tel rapport...
Chacun son métier et laissons les médecins pratiquer la médecine.
Bien cordialement
Michel Benezra, avocat associé
Benezra Avocats - Droit routier et dommages corporels
https://www.benezra-victimesdelaroute.fr
Cher Maître.
Je suis d’accord avec vous et je ne prétends pas être médecin.
Et il appartient effectivement au médecin de faire un diagnostic consiste à reconnaître les maladies par leurs symptômes et leurs signes et à les distinguer les unes des autres.
Mais alors à quoi bon faire une enquête ?
Et bien cela permet à la requérante de demande une expertise médicale pour confirmer ou infirmer le diagnostic initiale .
Et ce n’est pas le fait d’être payé qui fait que mon rapport va aller dans le sens de la requérante croyez moi !
Faire un rapport de complaisance serait contraire à la déontologie professionnelle.
Bien à vous.
Xavier