Ce constat avait ainsi poussé le législateur à reconnaitre le logiciel comme une œuvre de l’esprit dès 1985, l’article L112-2 13° du Code de la propriété intellectuelle (CPI) précisant désormais que les logiciels - y compris le matériel de conception préparatoire - sont considérés comme telles. En effet, le droit français estime que le caractère scientifique des programmes informatiques n’est pas un obstacle à leur protection par le droit d’auteur et que le programme d’ordinateur ne constitue pas une simple méthode mais une œuvre de l’esprit au sens du Code de la propriété intellectuelle.
Par conséquent, les logiciels sont susceptibles d’être protégés par le droit d’auteur en vertu de l’article L112-1 du CPI.
Les conditions de la protection du logiciel par le droit d’auteur.
Si la protection du logiciel par le droit d’auteur s’acquiert sans formalité, elle est nécessairement et classiquement conditionnée à l’originalité dudit logiciel, laquelle est reconnue si l’œuvre est le résultat d’un processus créatif propre à son auteur et si elle représente un réel apport intellectuel.
En ce sens, l’originalité du logiciel doit nécessairement être distinguée de son éventuelle nouveauté [1].
L’article 1.4 de la directive 91/250/CEE - modifiée par la directive 2009/24/CE - dispose qu’ « un programme d’ordinateur est protégé s’il est original, en ce sens qu’il est la création intellectuelle propre à son auteur ». A cet égard, la Cour de cassation [2] est venue préciser que l’auteur d’une création doit avoir fait preuve d’un effort personnalisé allant au-delà de la simple mise en œuvre d’une logique automatique et contraignante et que la matérialisation de cet effort résidait dans une structure individualisée portant la marque de son apport intellectuel.
Sous réserve de son originalité, les différents éléments constitutifs du logiciel [3] seront ainsi protégés au titre du droit d’auteur dès la création du programme, et ce pour une durée de 70 ans à compter du décès de l’auteur personne physique [4].
Les droits d’auteurs et droits patrimoniaux sur un logiciel.
Outre ses droits moraux, l’auteur d’un logiciel dispose de droits patrimoniaux sur celui-ci, en vertu desquels il détermine les modalités de son exploitation.
A cet égard, l’article L122-6 du CPI vient spécifiquement lister les droits patrimoniaux dont dispose l’auteur d’un logiciel, à savoir :
- Le droit d’effectuer et d’autoriser la reproduction permanente ou provisoire de son logiciel, en tout ou partie, par tout moyen et sous toute forme. [5]
- Le droit d’effectuer et d’autoriser la mise sur le marché, à titre onéreux ou gratuit, y compris la location, du ou des exemplaires de son logiciel, et par tout procédé. [6]
- Le droit d’effectuer et d’autoriser la traduction, l’adaptation, l’arrangement ou toute autre modification de son logiciel et la reproduction du logiciel en résultant. Néanmoins, l’article L.122-6-1 du CPI apporte certains tempéraments à ce droit, auquel il est fait exception lorsque la reproduction du logiciel est nécessaire pour permettre son utilisation, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l’utiliser, y compris pour corriger des erreurs.
C’est précisément sur ce point que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans son arrêt du 6 octobre 2021, est venue préciser que l’acquéreur légitime d’un logiciel est en droit de le décompiler afin d’en corriger les erreurs.
Dans l’affaire ayant donné lieu à cette décision, un établissement public disposait d’une licence d’utilisation sur les applications développées par un de ses prestataires. L’établissement public ayant procédé à la décompilation de l’une des applications afin d’en corriger certaines erreurs de fonctionnement et d’utilisation, et ce sans autorisation de la société prestataire, cette dernière a estimé qu’il avait été porté atteinte à son droit d’auteur.
En dépit des moyens soulevés par la société auteur des applications, la cour est venue souligner que « l’acquéreur légitime d’un programme d’ordinateur est en droit de procéder à la décompilation de tout ou partie de celui-ci afin de corriger des erreurs affectant le fonctionnement de ce programme, y compris quand la correction consiste à désactiver une fonction qui affecte le bon fonctionnement de l’application dont fait partie ledit programme ».
Cependant, la CJUE précise que l’acquéreur du logiciel n’est en droit de procéder à une telle décompilation que dans la mesure nécessaire à cette correction et dans le respect, le cas échéant, des conditions prévues contractuellement avec le titulaire du droit d’auteur sur ledit programme.
Effectivement, l’article L122-6-1 I) du CPI prévoit la possibilité pour l’auteur de se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs de son logiciel.
Cette décision de la cour vient ainsi à nouveau mettre en avant la nécessité pour tout programmateur d’apporter une attention particulière à la cession de ses droits patrimoniaux portant sur son logiciel, et de se faire accompagner par un avocat pour ce faire.