Le gage ou nantissement mobilier trouvait son pendant en matière immobilière avec l’antichrèse. A partir de début du XX se sont développées en droit français toutes sortes de sûretés mobilières conventionnelles dérogatoires au droit commun.
Ces sûretés portaient le nom de gage ou de nantissement, cette différence était uniquement de genre et non de régime. Pour dépasser cette disparité terminologique, les auteurs de la réforme de 2006 ont opté pour une classification appuyée sur la nature de chaque sûreté. Désormais, le terme nantissement n’a plus de sens qu’en matière mobilière. En cette matière, le Code civil distingue le gage de meubles corporels avec ou sans dépossession avec le nantissement des meubles incorporels.
Cependant, il n’en demeure pas moins que cette terminologie nouvellement adoptée se mette à l’abri de toute critique. Des auteurs comme le professeur Legeais n’ont pas hésité de critiquer un certain laxisme de la réforme. A titre d’illustration on continue de parler de nantissement de l’outillage du matériel d’équipement, bien que cette sûreté porte sur des biens meubles corporels.
Traditionnellement, un créancier ne pouvait se faire consentir une sûretés sur un bien meuble corporel de son débiteur qu’en se faisant remettre ce bien. La dépossession du débiteur, autre qu’elle assurait au créancier une mainmise sur l’objet de la garantie, permettait d’avertir les tiers de la constitution de sûreté, en l’absence d’un système général de publicité des transactions sur les meubles. Cette dépossession était donc un élément fondamental du gage de droit commun portant sur les meubles.
C’est à ce stade que la commission Grimaldi est un intervenue pour préconiser une véritable révolution dans la tradition juridique française, elle a été suivie par le législateur. Désormais, le gage de droit commun peut être constitué par la volonté des parties avec ou sans remise. Le texte de 2006 manifestait certaine faiblesse, dans la mesure où le gage sans dépossession ne se conférait pas au créancier un droit de rétention, alors que celle-ci constitue les avantages principaux du gage.
La loi n 2008-776 a fini par admettre au créancier le droit de rétention même si ce droit se trouve affaibli en cas d’ouverture de procédure collective contre le débiteur. Cette seconde hypothèse correspond à ce que l’on appelle ’’droit de rétention fictif’’.
Il est d’ailleurs judicieux de ranger le gage à côté des autres sûretés réelles par lesquelles le créancier peut se faire payer selon son ordre ou exercer ses droits de suite, ses prérogatives classiques, en sont consacrés par l’article 2333 du Code civil issu de la réforme de 2006.
Il est d’autant plus nécessaire de souligner que cette révolution a affecté le gage de droit commun et met en exergue les modifications destinées à élargir l’utilisation de cette sûreté. Cette définition est remarquable, car ces termes s’éloignent de la terminologie employée par les articles 2071 et 2072 du Code civil, qui présentaient le gage comme un contrat par lequel le débiteur remettait une chose à son créancier pour sûreté de sa dette. Désormais, la remise n’est qu’un élément constitutif de cette catégorie de sûretés réelle. Jadis, cette sûreté n’était formée que lorsqu’il y avait remise au créancier (le terme tradition en était révélateur). Le gage s’entend concomitamment comme un contrat et un bien remis à titre de garantie.
L’exigence de dépossession assure-t-elle le créancier contre le risque de défaillance du débiteur ?
Le mécanisme du gage était par origine conçu pour le but d’assurer le créancier contre les éventuels risques que pourrait reconnaitre le débiteur. Pour ce faire, cette dépossession permet de rendre opposable le bien remet entre les mains du créancier, la raison se justifiait par l’absence d’un régime de publicité des biens meubles, bien que l’on trouve la raison d’être de l’article 2276 du Code civil fortement efficace parce que la simple possession vaut titre à moins qu’il n’ait lieu de preuve contraire.
Bien que la définition du gage emporte une certaine netteté terminologique adoptée au contexte dans lequel s’est développée, il n’en demeure pas moins que certains traits classiques y demeurent attachés.
A partir ce qui a été dit ci-dessus, l’interrogation qui semble-t-elle primordiale de la poser, est celle de savoir : le passage du droit de gage d’une sûreté réelle dans la constitution nécessite la dépossession à un gage dans la dépossession n’est qu’une mesure d’opposabilité aux tiers ne le prive-t-il pas de son efficacité.
La réponse à cette question se fera en deux grandes parties à partir desquelles on s’interroge sur la notion elle-même pour aborder les caractéristiques demeurées inchangées après la réforme.
La notion de gage, telle qu’elle ressort de la loi de 2006, a-t-elle été profondément changée quant au régime juridique de gage et notamment sa définition (I) qu’en est-il de la nature réelle du gage, cette caractéristique est-elle aujourd’hui maintenue ou perdue (II).
I) L’innovation souhaitée de la définition du gage.
La réforme de droit des sûretés n’a pas seulement apporté une nouvelle terminologie, mais elle a modifié considérablement les règles de droit commun applicables tant au gage de meubles corporels qu’au nantissement. Toutefois. L’analyse des caractéristiques de la notion de gage (A) et l’altération de celle-ci mérite plus d’intérêt pour comprendre l’apport de la réforme (B).
A) Les caractéristiques de la notion du gage.
Le nantissement était présenté par le Code civil dans sa version originelle comme un terme générique embrassant un ensemble constitue par le gage, sureté mobilière, antichrèse, sûreté immobilière. Cette terminologie n’avait guère été respectée, le législateur lui-même donnent parfois le mauvais exemple. Nantissement et gage étaient considérés comme synonymes, le second terme employé est réserve aux termes particuliers (nantissement des marches, biens d’équipement professionnels, etc.). Le législateur a modifié les deux appellations en leur donnant un champ d’application différents. Néanmoins, ce nouveau choix a suscité auprès du législateur certaines hésitations dues au critère de distinction fonde sur la nature corporelle ou incorporelle de l’objet.
A l’occasion de la reforme de 2009, le législateur a jugé utile de rebaptiser l’antichrèse sous le nom de gage immobilier, ce qui justifie la possibilité d’affectation, à savoir la dépossession, et non pas la nature de son objet. Il y a donc une contradiction entrées deux textes.
Les traits caractéristiques de cette sûreté, s’avère certaine. Le créancier ne peut tirer parti des utilités de la chose. Il implique à l’égard du constituant son dessaisissement, et confère une prérogative de retenir le bien jusqu’au complet paiement.
B) L’altération de la notion du gage.
L’apparition sur le terrain du droit positif d’un certain nombre de gages sans dépossession (nantissement d’un fonds de commerce) a dilaté la notion au point de la priver de son identité, et suscite de nombreux débats doctrinaux. Pour certains la dépossession n’est pas inhérente au gage, les sûretés conventionnelles sans dépossession vident ce droit de sa substance d’une part et prive la sûreté d’efficacité. Pour d’autres, la dépossession est une caractéristique du gage grâce à laquelle se distingue de l’hypothèque, de sorte que le législateur a utilisé abusivement la qualification de gage pour l’appliquer a des suretés de nature hypothécaire.
La différence de nature entre le gage et l’hypothèque tient aux modes d’affectation auxquels l’une ou l’autre de gantier font respectueusement appel : affectation matérielle affectation immatérielle. Selon Michel Cabrillac cette distinction a fait perdre à la notion de gage son identité. Le terme gage avec dépossession n’embrasse pas toutes les sûretés qui portant cette étiquette. Or si la notion de gage n’est pas encore suffisamment définie, ne sera-t-il pas le cas de son objet.
II) Le maintien contesté des caractéristiques classiques du gage.
Ce titre traduit en quelque sorte la logique poursuivie par le législateur en matière de la détermination d’une part de l’objet de droit de gage et d’autre part des prérogatives dont bénéficient le créancier.
A) La déterminabilité de l’objet du gage.
Le gage de droit commun peut garantir toute créance. Avant la réforme, l’exigence de dépossession rendait en effet le gage de droit commun inutilisable pour garantir le paiement du prix de la vente de la chose où le prix ayant servi son acquisition. A quoi consiste donc d’acheter un bien à crédit, si pour garantir le paiement de son prix alors qu’on doit remettre ce bien au vendeur ou au prêteur.
C’était cette considération qui avait poussé le législateur à mettre en place certains gages sous dépossession sur des biens dont on voulait faciliter l’achat à crédit. Mais désormais, on peut sous difficulté utiliser le gage de droit commun pour garantir tel crédit, pourvu qu’on ne mette pas le gagiste en possession de la chose objet du gage.
Le nouvel article 2333, alinéa 2 du Code civil, qu’on peut garantir un gage de créances actuelles ou futures. A condition qu’elles soient déterminables. Cette solution, permettra à un banquier qui accorde une ouverture de crédit à un client de se faire garantir par un gage le remboursement des sommes dont, ultérieurement, le client deviendra débiteur. Cependant, dans la mesures où les créances soient déterminables.
B) Les prérogatives du créancier gagiste.
Parmi les prérogatives dont le créancier peut en jouir, il figure de prime abord, le droit de rétention qui, en quelque sorte considéré comme le corollaire de la dépossession du bien donné en gage. Ce droit peut s’exercer sur la totalité de la chose gagée, même si elle peut être divisée, c’est une conséquence du caractère indivisible du gage. Selon lequel le gagiste peut refuser un prélèvement sur un lot de marchandises qui leur ont été remise en gage, alors même que la valeur de la marchandise est supérieure au montant du crédit garanti.
Ce droit de rétention qui est un prolongement naturel du gage avec dépossession, constitue dès la constitution du gage une protection utile du gagiste contre l’altération de la chose par le constituant : si une telle aliénation intervient, le gagiste rétenteur pourrait refuser de livrer la chose à l’acquéreur. Toutefois, la situation du créancier gagiste peut être analysée autrement, lorsque le constituant retient le bien gagé entre ses mains. Dans un pareil cas, son droit de rétention devient abstrait et ce surtout lorsque le débiteur se trouve soumis aux procédures collectives.
Bibliographie indicative :
(1) La réforme du droit des sûretés a été initiée à partir des propositions du groupe de travail présidé par le professeur Michel Grimaldi (rapport remis au garde des Sceaux le 28 mars 2005).
(2) L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, La publicité foncière, Defrénois, coll. Droit civil, 2e éd., 2006, no 500, p. 207.
(3) Ph. Simler et Ph. Delebecque, Les sûretés, La publicité foncière, Précis Dalloz, 3e éd., 2000, no 505, p. 450.
(4) F. Zénati et Th. Revet, Les biens, coll. Droit fondamental, 2e éd., 1996, PUF, no 103, p. 126.
(5) Cass. com., 26 septembre 2006, Ph. Delebecque, L’actualité jurisprudentielle en matière de sûretés réelles, RLDC 2007, suppl. no 35, p. 44.
(6) L. Aynès et P. Crocq, Les sûretés, la publicité foncière, Defrénois, coll. Droit civil, 2e éd., 2006, no 504, p. 211-212.
(7) L’article 2071 du Code civil disposait que "Le nantissement est un contrat par lequel un débiteur remet une chose à son créancier pour sûreté de la dette".
(8)"Le gage traditionnel _ l’épithète est volontiers employé pour désigner le gage avec dépossession, seule forme véritable de gage", M. Cabrillac et Ch. Mouly, Droit des sûretés, Litec, 6e éd., 2002, no 664, p. 657.
(9) "La loi consacre ainsi un assouplissement du principe de spécialité", D. Legeais, Le gage de meubles corporels, JCP G 2006, suppl. no 20, no 19, p. 14.
(10) R. Boffa, L’opposabilité du nouveau gage sans dépossession, D. 2006, 1161.
(11) L. Aynès, La présentation du droit des sûretés par l’ordonnance no 2006-346 du 23 mars 2006, D. 2006, 1289.