1/ La sanction pénale.
Retour rapide sur la condamnation pénale sans s’appesantir sur les faits eux-mêmes, tout le monde connaît l’histoire.
Lors de l’audience, Julia Simon a reconnu la totalité des faits commis au préjudice de sa coéquipière en équipe de France et le Tribunal correctionnel d’Albertville a condamné le vendredi 24 octobre 2025 Julia Simon à une peine de trois mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende, maintenant l’inscription sur le Bulletin n°2 de son casier judiciaire.
Les médias, dont l’AFP, se sont fait largement l’écho de cette affaire et de la décision de justice rendue. Pour les sportifs, la justice est publique, très publique quand, dans le même temps, des faits bien plus graves ne font pas les choux gras des journaux.
Pour sa part, la Fédération française de ski, qui s’était aussi portée partie civile, a obtenu 1 euro symbolique. Son Président, Fabien Salguez, avait déclaré qu’il fallait que le problème soit purgé. C’est chose faite, enfin, pas tout à fait...
2/ La probable sanction disciplinaire.
Car la question d’autres sanctions peuvent venir s’ajouter à la condamnation judiciaire, pour les mêmes faits.
Ainsi, d’après l’article 2 du règlement disciplinaire de la FFS, la commission nationale de discipline de la fédération peut statuer sur tout comportement jugé contraire à l’éthique ou à la déontologie sportive. Elle avait précédemment décidé de surseoir à statuer dans l’attente de la décision pénale, et celle-ci change la donne puisqu’elle vient asseoir la réalité des faits reprochés.
Ainsi, même si le droit disciplinaire des Fédérations fonctionne indépendamment de la justice, il assoira sa probable sanction sur la réalité judiciaire des faits et les aveux de Julia Simon. Le président de la FFS Fabien Saguez a d’ailleurs immédiatement indiqué, une fois la décision rendue, qu’il allait "reprovoquer une commission de discipline", précisant que celle-ci se "réunira de nouveau dans les meilleurs délais".
Quelle sanction disciplinaire pour Julia Simon ?
Sur le plan disciplinaire fédéral, plusieurs options existent : un avertissement, un blâme, une suspension temporaire de licence ou de sélection, voire une radiation. Des décisions qui peuvent clairement priver Julia Simon des prochains Jeux olympiques.
Seul espoir pour Julia Simon, les déclarations du Président Salguez dans son communiqué :
« On s’attachera à faire en sorte que tout le monde puisse être performant à Milan ».
Cette phrase fait écho au fait qu’aucun délai n’est imposé par les textes pour que la commission de discipline se réunisse. Et on pourrait comprendre que la saisine de la Commission de discipline prenne un peu de temps et ne perturbe pas le projet olympique de la FFS. La commission pourrait donc être réunie... après les Jeux.
Un équilibre fragile entre justice et sport.
Au-delà de cette décision de pure opportunité, pointons du doigt la spécificité de la justice quand elle concerne un sportif.
Pour Julia Simon, déjà sanctionnée par la justice, une nouvelle sanction disciplinaire équivaudrait à une double peine. L’athlète se retrouve dans une situation complexe : son avenir sportif dépendra autant de ses résultats sur la neige que des décisions administratives.
Prononcer une sanction disciplinaire en sus de la sanction judiciaire, elle-même largement commentée dans les médias, constituerait une véritable double peine. La peine pénale a trois fonctions :
- une fonction répressive : la peine sanctionne la violation de la loi
- une fonction préventive : elle vise à dissuader l’auteur de commettre de nouvelles infractions
- une fonction de réinsertion : elle tend à corriger le délinquant, à le réinsérer socialement et à prévenir la récidive
Dans le cas présent, on peut se demander quel serait l’intérêt d’une sanction disciplinaire sachant que la FFS a réclamé et obtenu réparation de son préjudice moral lors de ce procès ?
Le spectre de la sanction administrative : la triple peine.
Au-delà des conséquences sportives, la condamnation de Julia Simon entraîne aussi un risque professionnel. Membre de l’équipe de France Douane depuis 2019, la championne de biathlon évolue sous un contrat réservé aux sportives de haut niveau intégrées à la fonction publique.
Or, l’inscription de cette condamnation au Bulletin n°2 de son casier judiciaire pourrait, dans le cadre administratif, poser problème. Une telle mention peut être jugée incompatible avec les exigences de probité et d’exemplarité attendues dans un corps comme celui des Douanes, chargé de la lutte contre la fraude.
La commission de discipline de l’administration devrait donc se réunir prochainement pour statuer sur son sort. Une éventuelle exclusion remettrait en question sa situation financière, déjà fragilisée par la tournure de cette affaire.
Conclusion.
L’affaire Julia Simon est devenue un symbole des tensions internes du sport moderne : entre exemplarité et droit à l’erreur, entre sanction et réinsertion. Si la FFS devait la suspendre, elle compromettrait un rêve olympique et l’équilibre d’un groupe. Si elle ne fait rien, elle risque d’être accusée de laxisme.
La FFS doit faire en sorte que cette affaire soit traitée avec mesure et discernement, il faudra aussi que les instances sportives, administratives et judiciaires réalisent qu’une sanction ne peut être la seule réponse. Il faut aussi essayer de les accompagner, individuellement, dans une perspective de reprise et de reconstruction. C’est à ce prix que le sport pourra continuer à évoluer et à transmettre ses valeurs.



