1. Report des congés payés en cas d’arrêt maladie : un revirement attendu.
Le cadre juridique européen renforcé.
Depuis 2023, la Cour de cassation a progressivement écarté certaines dispositions françaises jugées contraires au droit de l’UE [1].
La loi du 22 avril 2024 a déjà adapté le Code du travail sur l’acquisition des congés en arrêt maladie.
Par ailleurs, la Commission européenne a formellement mis en demeure la France le 18 juin 2025 (procédure INFR (2025)4012) pour non-conformité en matière de report des congés pendant la maladie.
Ce que décide la Cour de cassation le 10 septembre 2025
Jusqu’ici, la jurisprudence refusait le report des congés si l’arrêt maladie survenait pendant la période de congé [2].
Désormais, le salarié placé en arrêt maladie pendant ses congés peut demander leur report, à condition d’avoir notifié son arrêt à l’employeur.
La cour s’appuie sur :
- l’article L3141-3 du Code du travail ;
- l’article 7 §1 de la directive 2003/88/CE ;
- la finalité distincte des congés (repos) et de l’arrêt maladie (rétablissement) ;
- la jurisprudence européenne (CJUE, 6 nov. 2018, C-569/16 et C-570/16).
Conséquences pratiques.
Pour l’employeur :
- Requalifier l’absence en arrêt maladie dès notification ;
- Rétablir les jours de congés ;
- Verser le régime de maintien de salaire maladie au lieu de l’indemnité de congés.
Pour le salarié :
- Obligation de notifier l’arrêt maladie à l’employeur pour bénéficier du report ;
- Arbitrer selon sa situation (carence, complément d’entreprise, etc.).
Points encore à préciser.
De nombreuses questions restent ouvertes :
- Délai et forme de la notification de l’arrêt ;
- Modalités de report (renvoi aux règles issues de la loi DDADUE du 22 avril 2024) ;
- Articulation avec les règles de prise des congés (art. L3141-12 et s., D3141-6 C. trav.) ;
- Cas particuliers : arrêts étrangers, IJSS, etc.
A noter : le Ministère du Travail a actualisé le 17 septembre 2025 sa fiche « Congés payés », confirmant que les règles de report issues de la réforme DDADUE s’appliquent.
Action collective possible.
En cas de refus patronal systémique, l’action de groupe peut désormais être mobilisée pour obtenir mise en conformité et indemnisation.
2. Congés payés et seuil d’heures supplémentaires : une évolution favorable aux salariés.
Le principe dégagé.
La cour juge que les congés payés doivent être pris en compte dans le calcul des heures supplémentaires lorsque le temps de travail est décompté à la semaine.
Jusqu’ici, l’article L3121-28 C. trav. excluait les congés du travail effectif, empêchant tout déclenchement d’heures supplémentaires si un salarié prenait un jour de congé dans la semaine.
Exemple : 4 jours travaillés = 35h → pas de majoration, car pas de dépassement du seuil hebdomadaire.
Le fondement européen.
La solution se fonde sur la règle selon laquelle l’exercice du droit au congé ne doit pas entraîner un désavantage financier [3].
Ne pas comptabiliser les congés pouvait dissuader le salarié de les prendre, ce qui est contraire à l’objectif de protection de la santé.
Portée et enjeux.
- Application uniquement au décompte hebdomadaire du temps de travail ;
- Droit pour les salariés de réclamer un rappel de salaires sur 3 ans ;
- Nécessité pour les employeurs de réviser immédiatement leurs pratiques.
Ici, l’action de groupe pourra utilement être mobilisée en cas d’atteinte collective aux droits.
Conclusion.
Ces deux décisions du 10 septembre 2025 confirment :
- la pleine effectivité du droit au repos et au congé en droit français ;
- l’influence structurante du droit de l’UE.
Les représentants du personnel disposent désormais d’outils renforcés pour garantir le respect des droits des salariés.



