Comme son nom le laisse présager, celle-ci donne la possibilité à « l’établissement, la branche ou l’employeur » de revoir unilatéralement l’organisation de la prise des congés payés, notamment.
L’ordonnance du 1er avril 2020 n° 2020-389 [2] est venue enrichir ces dispositions en prescrivant l’obligation, pour l’employeur, d’informer le CSE et de recueillir son avis.
Ces mesures sont présentées dans les textes comme des dérogations aux dispositions conventionnelles et légales. Elles ont vocation à être appliquées « lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19 ».
Qu’en est-il réellement ?
1) Sur les congés payés (article 1 de l’ordonnance).
1.1) Sur la période et la prise des congés payés.
Les dispositions d’ordre public du Code du travail prévoit initialement que « les congés sont pris dans une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année » [3].
L’article L. 3141-16 du même Code énonce que, par accord, ou à défaut, sur décision de l’employeur, sont fixés « la période de prise des congés » ainsi que l’ « ordre des départs ».
Enfin, le même article prévoit que « l’ordre et les dates de départ » ne peuvent être modifiés « moins d’un mois avant la date de départ prévue » [4].
L’ordonnance dont il est question vient modifier ces règles de principe. Désormais, et lorsque cela est prévu par la voie d’accord d’entreprise, ou à défaut, d’un accord de branche, « l’employeur est autorisé […] à décider de la prise de jours de congés payés acquis par un salarié, y compris avant l’ouverture de la période au cours de laquelle ils ont normalement vocation à être pris, ou à modifier unilatéralement les dates de prise de congés payés ». Le dispositif prévoit que cette autorisation vaut « dans la limite de six jours de congés », et « sous réserve de respecter un délai de prévenance qui ne peut être réduit à moins d’un jour franc » [5].
1.2) Sur le fractionnement des congés payés.
En principe, le Code du travail érige la règle selon laquelle « la durée des congés pouvant être pris en une seule fois ne peut excéder vingt-quatre jours ouvrables » [6].
Le fractionnement n’est pas applique « lorsque le congé ne dépasse pas douze jours ouvrables », celui-ci « doit être continu » [7]. C’est « lorsque le congé principal est d’une durée supérieure à douze jours ouvrables » qu’ « il peut être fractionné avec l’accord du salarié » [8].
Par ailleurs, les conjoints et personnes liées par un PACS qui travaillent « dans une même entreprise ont droit à un congé simultané » [9].
Dorénavant, il est possible de déroger, par accord, à ces dispositions. En effet, un accord « peut autoriser l’employeur à fractionner les congés sans être tenu de recueillir l’accord du salarié et à fixer les dates des congés sans être tenu d’accorder un congé simultané à des conjoints ou des partenaires liés par un pacte civil de solidarité travaillant dans son entreprise ».
L’effet de ce dispositif est toutefois limité dans le temps en ce que « la période de congés imposée ou modifiée [...] ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020 » [10].
2) Sur la déclinaison de ces mécanismes aux différents modes d’organisation du temps de travail (articles 2 à 5 de l’ordonnance).
Les articles 2 à 4 de l’ordonnance viennent également donner de nouvelles possibilités à l’employeur en ce qui concerne l’octroi des jours de repos induit pas l’utilisation des différents modes d’organisation du temps de travail conventionnellement et légalement envisagés par le droit du travail.
Des constantes s’observent pour chacun des dispositifs :
« la période de prise des jours de repos imposée ou modifiée [...] ne peut s’étendre au-delà du 31 décembre 2020 » [11]
« le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date en application des articles 2 à 4 de la présente ordonnance ne peut être supérieur à dix » [12].
2.1) En cas de dispositifs d’aménagement du temps de travail.
L’article 2 des ordonnances visent également les modalités d’octroi des JRTT et des jours de repos conventionnels, découlant respectivement : des accords et conventions collectives « instituant un dispositif de réduction du temps de travail » [13], ou bien des modes d’organisation du temps de travail sur une durée supérieure à la semaine visés par le Code du travail (sur une période de trois ou neufs semaines selon le type d’acte fondateur utilisé) [14].
Les salariés soumis à ce type d’organisation peuvent désormais voir « l’établissement ou la branche » ou bien leur employeur :
« 1° Imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos au choix du salarié acquis par ce dernier ;
2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos. »
L’employeur devra toutefois respecter un délai de prévenance « d’au moins un jour franc », là encore [15].
2.2) En cas de conventions de forfait.
Dans ce cas là également et à la même condition de respecter un délai de prévenance d’au moins un jour franc, « l’établissement, la branche ou l’employeur » peut, en ce qui concerne ses salariés soumis à une convention de forfait :
« 1° Décider de la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos prévus par une convention de forfait ;
2° Modifier unilatéralement les dates de prise de jours de repos prévus par une convention de forfait. » [16].
2.3) En cas d’existence d’un Compte Épargne Temps au sein de l’entreprise.
A titre de dérogations aux dispositions conventionnelles et légales applicables au sein de l’entreprise, l’employeur, notamment, peut « imposer que les droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié soient utilisés par la prise de jours de repos, dont il détermine les dates en respectant un délai de prévenance d’au moins un jour franc » [17].
3. L’obligation d’informer et de recueillir l’avis du CSE.
Lorsque l’employeur décide d’utiliser l’un des mécanismes ci-avant énoncé, il doit en informer le CSE, « sans délai et par tout moyen » [18].
Le CSE, une fois informé, devra rendre son avis dans un délai d’un mois.
Cet avis n’est pas nécessairement préalable à la mise en place par l’employeur de l’utilisation du dispositif. En effet, l’ordonnance énonce que celui-ci « peut intervenir après que l’employeur a fait usage de cette faculté ».
Discussions en cours :
Bonjour,
Je suis en télétravail depuis le début du confinement et il me restait 15 Congés Payés.
Depuis cette crise, j’ai deja posé 5 jours (et 2 RTT egalement), il m’en reste donc 10 CP.
Mon employeur veut que je solde tout avant la reprise du 11 Mai car il sera tres difficile de pouvoir les poser au déconfinement et la date de fin des CP est fixée au 31 Mai.
Des le 1 Juin, tous CP n’ont pris, seront perdus.
Est-il possible de négocier un prolongement de ce délai ou que l’employeur soit obligé de les payés ?
Qu’ai je droit de faire ?
Cher Monsieur,
Les congés payés doivent être pris sur une période qui comprend dans tous les cas la période du 1er mai au 31 octobre.
Aussi, un accord collectif d’entreprise ou de branche prévoit l’étendue de cette période.
En principe, les congés payés doivent être pris sur cette période. A titre d’exception, notamment en cas d’accord entre les parties ou selon les dispositions conventionnelles applicables, le droit à congé payé peut être reportés sur l’année suivante.
Hormis en cas de rupture du contrat de travail avant que les congés payés n’aient pu être utilisés, ou si la non-prise des congés payés est due à un manquement de l’employeur, les congés payés non pris à l’issue de la période de référence n’ont pas à être payés par l’employeur.
En conséquence, vous pouvez tenter de négocier un report de vos CP non pris avec votre employeur, mais que ce dernier ne sera nullement tenu de les lui payer.
Enfin, en ce qui concerne la crise sanitaire, la prise de congés payés peut être imposée par l’employeur, dans la limite de 6 jours seulement, à condition de respecter un délai de prévenance de 1 jour franc, et seulement si il y a été autorisé par accord collectif d’entreprise ou de branche.
Bien à vous,
Frédéric CHHUM
Bonjour je viens de recevoir un mail de mon employeur m’indiquant que comme j’ai été en arrêt pour garde d’enfant puis au chômage partiel je n’aurais pas le droit d’avoir mes congés payés tel qu’ils auraient dû être en travail effectif.
Comment cela fonctionne-t-il ? Cordialement.
Elodie
Bonjour ,
Mon employeur a décidé de supprimer les congés des salariés ( sans leurs accords ) pendant le chômage partiel .
plusieurs salariés se retrouvent avec plus de 11 jours restants (2018 -2019 ) l employeur impose ( après un accord signé avec l organisation syndicale ) 5 jours payés ou placés sur un PERCO , 6 jours reportés…. les jours au dessus de 11 seront perdus et non payés . En a t il le droit ?
Cordialement
Bonjour Monsieur, tout d’abord merci pour vos explications. J’ai une question à laquelle je n’ai pas trouvé la réponse.
Mon employeur m’a envoyé un mail ce jour (ainsi qu’à mes collègues) nous indiquant que nous devions poser trois semaines de CP entre le 1er juin et le 4 septembre.
Javais eu un accord oral pour poser mes congés du 31 août au 18 septembre. Mais aujourd’hui on m’indique que ce n’est pa spossible, que je ne peux poser de CP au delà du 4 septembre, seulement des rtt. Je n’ai plus de rtt. Est ce légal ? Ont ils le droit de nous empêcher de poser des CP après le 4 septembre ?
Merci d’avance pour votre réponse.