Contexte des décisions.
Dans l’affaire n° 474077, l’association Mont Transet Vent Debout contestait l’autorisation préfectorale de décembre 2019 pour l’exploitation d’un parc éolien dans la Creuse, délivrée à la société Centrale Eolienne Mont de Transet. Après le rejet de leur recours par la Cour administrative d’appel (CAA) de Bordeaux, un pourvoi a été formé devant le Conseil d’Etat.
Dans l’affaire n° 465464, la société Eolis Aquilon contestait le refus préfectoral de décembre 2020 d’autoriser l’exploitation d’un autre parc éolien dans le nord. La CAA de Douai avait annulé ce refus en mai 2022, imposant au préfet d’accorder l’autorisation sous conditions. Le ministre de la Transition écologique a alors formé un pourvoi.
Les enseignements du Conseil d’Etat.
1. L’évaluation du risque « dès l’origine » (Affaire n° 474077).
Le Conseil d’Etat a jugé que le « risque suffisamment caractérisé » pour les espèces protégées doit être rigoureusement analysé par le porteur de projet dans l’étude d’impact dès l’origine du projet, c’est-à-dire avant sa mise en service. L’administration et le juge ne peuvent se contenter de vérifier que ce risque sera évalué ultérieurement, ni de s’appuyer sur de futures mesures correctives. Cette décision renforce l’exigence de prévoyance en matière d’évaluation des impacts environnementaux.
2. La prise en compte du classement UICN (Affaire n° 465464).
Le Conseil d’Etat a reproché à la cour administrative d’appel de ne pas avoir suffisamment tenu compte du statut national de certaines espèces selon l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature). En effet, le busard cendré, bien que classé comme « nicheur quasi menacé au niveau national » et seulement « vulnérable » dans le Nord-Pas-de-Calais, figure sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de l’Union internationale pour la conservation de la nature parmi les espèces « en danger critique d’extinction » dans cette région.
Une espèce considérée en danger au niveau national peut nécessiter des précautions supplémentaires, même si son classement régional semble moins préoccupant.
Implications pour les porteurs de projets.
Cette décision renforce les obligations des porteurs de projets en matière de préservation de la biodiversité. Ils doivent désormais veiller à ce que leurs études d’impact intègrent, dès la phase initiale, une analyse complète des risques pour les espèces protégées, en tenant compte des classements UICN.
En présence d’un risque suffisamment caractérisé, une dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées peut être nécessaire.
Ces précisions, même dans des contextes très spécifiques, s’inscrivent dans une jurisprudence visant à concilier développement économique et protection rigoureuse de la biodiversité.