Cette cour, instaurée par le traité de Rome du 17 juillet 1998 qui est entré en vigueur le 1er juillet 2002, a compétence pour connaître des crimes de génocide, des crimes contre l’humanité, des crimes de guerre et des crimes d’agression [2].
La Cour Pénale Internationale (CPI) est complémentaire des juridictions pénales nationales. Elle n’est pas prévue pour remplacer les tribunaux nationaux mais pour fonctionner lorsque les structures et les tribunaux nationaux n’ont pas la volonté ni la capacité de mener des enquêtes et d’engager des poursuites [3]. Par conséquent, en cas de conflit de compétence entre les systèmes nationaux et la CPI, les premiers l’emportent.
Le principe de complémentarité est fondé sur la reconnaissance du fait que l’exercice de la compétence nationale contre de tels crimes n’est pas seulement un droit mais aussi une obligation des États. En effet, le principe qui sous-tend le concept de complémentarité veut que les États aient la responsabilité de mener des enquêtes et d’engager des poursuites à l’encontre d’auteurs de crimes relevant de leur compétence. Ce principe présuppose également que les systèmes nationaux reconnaissent et fassent appliquer les normes internationales [4]. Ce n’est qu’en cas de méconnaissance par les Etats membres de leurs obligations que la CPI se retrouve compétente pour connaitre de ces crimes.
La défaillance des Etats étant déterminante dans l’intervention de la CPI, cette juridiction interviendra plus fréquemment dans certains Etats que dans d’autres.
Ainsi, il est apparu que la CPI intervenait plus en Afrique que sur les autres continents.
En effet, les 31 affaires connues à ce jour par la CPI sont toutes d’origine africaine [5]. Compte tenu de ce fait, il est important que la CPI, que l’on peut à juste titre considérer comme une Cour Pénale africaine, tienne compte des aspirations de ce continent afin d’éviter le retrait de ses Etats.
Des reproches faits à la CPI par les africains, l’on peut déduire deux aspirations. Il s’agit de l’aspiration à une CPI impartiale (I) et de l’aspiration à une CPI décentralisée (II).
I. L’aspiration à une CPI impartiale.
Comment peut-on dire de la CPI qu’elle est impartiale lorsque l’on sait qu’elle n’a jusqu’à présent jugé que des africains ?
La CPI n’est pas universelle. Et c’est, il est vrai, l’apparence qu’elle donne dès lors que ses chambres de jugement ne sont actuellement saisies que d’affaires venant du continent africain [6]. Afin de bien assurer la légitimité de ses actions, le Procureur de la CPI doit regarder au-delà du continent africain pour vérifier si les violations des droits humains qui s’y déroulent ne requièrent pas qu’il envisage des poursuites pénales. Pour ce faire, il doit utiliser la même énergie que celle qu’il a manifestée pour obtenir la délivrance des mandats d’arrêt à l’encontre des personnalités africaines.
La CPI a besoin de paraître comme une institution capable de frapper partout où de graves violations des droits de la personne sont commises [7].
A cet effet, il est nécessaire que les enquêtes de la CPI sur des crimes qui auraient été commis dans le contexte d’un conflit armé international entre le 1er juillet et le 10 octobre 2008 en Ossétie du Sud et dans ses environs, sur des crimes qui auraient été commis dans la situation en République populaire du Bangladesh/République de l’Union du Myanmar, sur des crimes de guerre et crimes contre l’humanité qui auraient été commis sur le territoire de la République islamique d’Afghanistan en lien avec le conflit armé qui s’y déroule depuis le 1er mai 2003, sur des crimes qui auraient été commis en Palestine depuis le 13 juin 2014, sur des crimes qui auraient été commis sur le territoire des Philippines entre le 1er novembre 2011 et le 16 mars 2019 dans le contexte de la campagne dite de « guerre contre la drogue », sur des crimes qui auraient été commis en République bolivarienne du Venezuela depuis le 12 février 2014 et sur des crimes qui auraient été commis dans le cadre de la situation en Ukraine depuis le 21 novembre 2013, soient professionnellement menés afin de ne pas donner l’impression de jeter de la poudre aux yeux des Africains.
Il faudrait pour que la CPI ne soit plus considérée comme partiale que certaines de ces affaires soient jugées et que des ressortissants d’autres continents soient condamnés.
II. L’aspiration à une CPI décentralisée.
Le fait de juger des africains en Europe présente plusieurs inconvénients dont le plus important est sans aucun doute l’impression d’une justice coloniale. Cette impression vient du fait que tout au long de la colonisation, les décisions concernant l’avenir des africains, étaient prises en Europe. Une simple impression ne serait pas problématique s’il n’était pas avéré que jusqu’à aujourd’hui, la CPI n’avait jugé que des africains.
Si les africains sont contre l’impunité des auteurs des crimes internationaux, ils sont aussi contre une justice coloniale. Afin que les populations africaines soutiennent l’action de la CPI, il faudrait que celle-ci se rapproche d’elles. Dans cette optique, la cour devrait s’organiser de telle sorte qu’elle juge les africains en Afrique et que les personnes condamnées purgent leurs peines dans un Etat africain.
Ce n’est qu’avec la prise en compte des aspirations africaines que la CPI pourra éviter le retrait des Etats africains qui au fil du temps devient de plus en plus probable [8].