Covid-19 : le sort des acquisitions de biens immobiliers prévues en période de confinement.

En cette période inédite de pandémie, qu’advient-il des transactions immobilières dont la date de transfert de propriété était prévue au cours de la période de confinement ? Qu’en est-il également du délai de réalisation de la condition suspensive d’obtention du prêt immobilier ?

1. L’absence d’un report automatique du transfert de la propriété.

Aux termes de l’article 2 de l’Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période, la prorogation des délais ne s’applique qu’aux délais et mesures prescrits par la loi ou le règlement. Cette prorogation de plein droit ne s’applique donc pas aux délais prévus par un contrat ou avant-contrat, tel un compromis ou une promesse de vente.
Ainsi, la date fixée par l’avant-contrat quant à la signature définitive de la vente d’un bien immobilier et le transfert de propriété demeure inchangée.

La Circulaire du 26 mars 2020 n° CIV/01/20 de présentation des dispositions du titre I de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période le confirme :
« L’alinéa 1er ne vise que les actes prescrits « par la loi ou le règlement » et les délais « légalement imparti[s] pour agir ». Il en résulte que les délais prévus contractuellement ne sont pas concernés. Par exemple, le délai pour lever l’option d’une promesse unilatérale de vente à peine de caducité de celle-ci, et qui expire durant la période juridiquement protégée prévue à l’article 1er, n’est pas prorogé en application de cette disposition. »

Demeure la question de la date fixée relativement à la réalisation de la condition suspensive de l’obtention du ou des prêts immobiliers. L’article L. 313-41 du code de la consommation prévoit que le délai d’obtention d’un prêt immobilier ne peut être inférieur à un mois à compter de la signature de l’avant contrat. Ce délai d’un mois provient d’une source légale et pourrait être prorogé de droit, aux termes de l’Ordonnance. Néanmoins, dès lors que la loi se limite à ne prononcer qu’un délai minimal, laissant aux parties le soin de fixer elles-mêmes le délai d’obtention du crédit, il serait alors conventionnel, échappant par nature à la prorogation de droit prévue par l’Ordonnance précitée.
La Circulaire du 26 mars 2020 susmentionnée précise bien, s’agissant de l’article 2 de l’Ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020, que :
« L’ordonnance ne prévoit ni une suspension générale ni une interruption générale des délais arrivés à terme pendant la période juridiquement protégée définie à l’article 1er, ni une suppression de l’obligation de réaliser tous les actes ou formalités dont le terme échoit dans la période visée. L’effet de l’article 2 de l’ordonnance est d’interdire que l’acte intervenu dans le nouveau délai imparti puisse être regardé comme tardif. »

Dans l’esprit de cette Ordonnance, dès lors que les délais ont été fixés par voie conventionnelle entre les parties, il incombe à ces dernières de proroger ces délais d’un commun accord. L’acquéreur et le vendeur seront plus qu’invités à se faire part des difficultés auxquelles chacun est confronté, et à en informer leur notaire.

2. La signature présentielle remplacée par une signature électronique à distance chez le notaire.

Dans l’optique de limiter les prorogations de délais automatiques et de ne pas figer l’économie, le Gouvernement a exceptionnellement permis la signature des actes notariés à distance et par voie électronique pendant la période de confinement et jusqu’au 11 juin prochain, si la fin de la période de confinement demeure au 11 mai 2020.

En effet, aux termes du Décret n° 2020-395 du 3 avril 2020 autorisant l’acte notarié à distance pendant la période d’urgence sanitaire :
« Jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 susvisée, le notaire instrumentaire peut, par dérogation aux dispositions de l’article 20 du décret du 26 novembre 1971 susvisé, établir un acte notarié sur support électronique lorsqu’une ou toutes les parties ou toute autre personne concourant à l’acte ne sont ni présentes ni représentées.
L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte et le recueil, par le notaire instrumentaire, du consentement ou de la déclaration de chaque partie ou personne concourant à l’acte s’effectuent au moyen d’un système de communication et de transmission de l’information garantissant l’identification des parties, l’intégrité et la confidentialité du contenu et agréé par le Conseil supérieur du notariat.
Le notaire instrumentaire recueille, simultanément avec le consentement ou la déclaration mentionnés au deuxième alinéa, la signature électronique de chaque partie ou personne concourant à l’acte au moyen d’un procédé de signature électronique qualifié répondant aux exigences du décret du 28 septembre 2017 susvisé.
L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée. »

Néanmoins, en cas de procuration donnée par l’un des parties, la signature de l’acte par le mandataire ne serait pas possible à distance.
En outre, les études notariales sont pour la plupart dans la difficulté d’obtenir les documents et informations nécessaires à la rédaction des actes synallagmatiques de vente auprès des Administrations concernées.

Il en résulte que les délais de signature risquent d’être prorogés de fait.

Avocat au Barreau de Paris
Diplômée de UC Berkeley
https://rafine.avocat.fr
lohrine chez rafine.avocat.fr

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  • Cette ordonnance modifie l’ordonnance 306. De ce fait le report des signatures de l’acte définitif est tout à fait possible et dépend de la date de fin de l’état d’urgence (celui-ci venant d’être prolongé.
    Donc si un des partis (acheteur ou vendeur) le souhaite la signature peut reculer avec un délai très important (dépendant de la date de signature de la promesse et la date prév. de l’acte définitif).
    C’est ce que j’ai cru comprendre dans larticle du 24 avril de Mme Catherine Dumont

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