1/ Le délit d’homicide involontaire, une répression judiciaire déjà efficiente et efficace.
A ce jour, les articles 221-6 et 221-6-1 du Code pénal prévoit en effet que :
« Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d’autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
En cas de violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende ».
Cette peine est également portée à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 euros d’amende lorsque les faits sont causés par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur.
Ces articles, toujours en vigueur, permettaient ainsi de réprimer, avant la création du délit spécial d’homicide routier, les accidents mortels commis par un conducteur ayant commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; par un conducteur en état d’ivresse manifeste, sous l’empire d’un état alcoolique ou après usage de produits stupéfiants ; ou encore par un conducteur ayant conduit sans permis de conduire, malgré une suspension de celui-ci ou alors ayant conduit excessivement vite ou en usant d’un téléphone.
En somme, ce délit d’homicide involontaire (qu’il aurait été plus juste de qualifié d’homicide non intentionnel puisque les circonstances précédemment listées sont loin d’être involontaire) réprimait déjà efficacement et sans difficulté probatoire ou judiciaire les accidents de la route ayant causé la mort de la victime.
Les parlementaires, poussés par certaines associations de victimes ont pour autant fait le choix de créer un nouveau délit spécial dont on s’interroge légitimement de la pertinence.
2/ Le délit d’homicide routier : un changement sémantique sans réelle utilité juridique.
C’est par la loi n° 2025-622 du 9 juillet 2025 que les parlementaires ont entériné la création de ce nouveau délit spécial, poussés par le désir des victimes de voir les peines alignées sur l’étendue de leur souffrance.
Ce changement avant tout sémantique visait ainsi à faire disparaître le terme d’homicide "involontaire" qui apparaissait insuffisant pour les victimes, laissant entendre que l’acte ne serait que purement accidentel et ne serait pas le fruit d’un comportement sciemment dangereux (comme la conduite sous l’empire d’un état alcoolique ou après usage de stupéfiants).
Ainsi, l’article 221-18 du Code pénal prévoit désormais que :
« Le fait, pour le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur, de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l’article 121-3, la mort d’autrui sans intention de la donner constitue un homicide routier puni de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende lorsque :
1° Le conducteur a commis une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement autre que celles mentionnées aux 2° à 10° du présent article ;
2° Le conducteur se trouvait en état d’ivresse manifeste, était sous l’empire d’un état alcoolique au sens du Code de la route ou a refusé de se soumettre aux vérifications prévues au même code destinées à établir l’existence d’un état alcoolique ;
3° Il résulte d’une analyse sanguine ou salivaire que le conducteur avait fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants ou il a refusé de se soumettre aux vérifications prévues par ledit code destinées à établir s’il conduisait en ayant fait usage de stupéfiants ;
4° Le conducteur a volontairement consommé, de façon détournée ou manifestement excessive, une ou plusieurs substances psychoactives figurant sur une liste dressée dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat ;
5° Le conducteur n’était pas titulaire du permis de conduire ou son permis avait été annulé, invalidé, suspendu ou retenu ;
6° Le conducteur a commis un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 30 kilomètres à l’heure ;
7° Le conducteur, sachant qu’il vient de causer ou d’occasionner un accident, ne s’est pas arrêté et a tenté ainsi d’échapper à la responsabilité pénale ou civile qu’il peut encourir ou n’a pas porté secours ou prêté assistance à une personne en danger ;
8° Le conducteur a contrevenu aux dispositions du Code de la route réglementant l’usage du téléphone portable tenu en main ou le port à l’oreille d’un dispositif susceptible d’émettre du son ;
9° Le conducteur a omis d’obtempérer à une sommation de s’arrêter émanant d’un fonctionnaire ou d’un agent chargé de constater les infractions et muni des insignes extérieurs et apparents de sa qualité ;
10° Le conducteur a contrevenu à l’article L236-1 du Code de la route ».
Ainsi, ce nouveau délit n’apporte aucune modification substantielle quant à la caractérisation du délit d’homicide involontaire et reprend de facto les mêmes éléments caractéristiques, modifiant simplement le champ lexical utilisé pour qualifier des faits pourtant identiques.
Ce changement sémantique symbolique, s’il satisfait les victimes, ne peut contenter les juristes qui n’y verront qu’une loi répressive supplémentaire aggravant la peine d’un délit pourtant involontaire pour lequel la détention nous paraît inutile et dérisoire. Il aurait été, à notre sens, bien plus intéressant pour l’Etat, de favoriser la prévention des comportements à risque plutôt que d’ajouter de la confusion à une loi pénale pourtant déjà existante et efficacement appliquée.
Ainsi, cette loi nouvelle pourrait être synthétisée par les mots de Giuseppe Tomasi di Lampedusa : "Il faut que tout change pour que rien ne change".


