L’employeur doit fournir au salarié, avant l’acceptation par le salarié du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), un document écrit précisant les motifs de cette rupture [1].
Ces derniers peuvent ainsi être exposés :
- soit dans le document écrit d’information sur ce dispositif remis obligatoirement au salarié concerné par le projet de licenciement ;
- soit dans la lettre que l’employeur est tenu d’adresser au salarié lorsque le délai de réponse expire après le délai d’envoi de la lettre de licenciement ;
- soit encore lorsqu’il n’est pas possible à l’employeur d’envoyer cette lettre avant l’acceptation par le salarié du CSP, dans tout autre document écrit, porté à sa connaissance au plus tard au moment de son acceptation [2].
L’envoi au salarié d’un compte-rendu de réunion du CSE faisant suite à une réunion d’information et de consultation sur le projet de licenciement économique peut-il constituer un tel écrit ?
Dans un arrêt publié au bulletin du 13 juin 2018, la chambre sociale de la Cour de cassation répond par l’affirmative dans une affaire où un courrier électronique avait été adressé au salarié comportant le compte-rendu de la réunion avec le délégué du personnel relative au licenciement pour motif économique envisagé, étant précisé que ce dernier énonçait les difficultés économiques invoquées ainsi que les postes supprimés, dont celui de l’intéressé (n°16-17.865).
Selon la doctrine, la chambre sociale de la Cour de cassation confirme ici l’assouplissement de sa position quant au moyen utilisé par l’employeur pour délivrer l’information sur le motif économique.
Dans une tout autre affaire ayant donné lieu à un arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation a pourtant tranché dans un sens différent (n°22-18.629) ; alors même qu’elle a jugé très récemment que l’information du motif économique figurant au sein du courrier de convocation à entretien préalable est suffisante [3].
Il convient d’y revenir afin de distinguer la nuance à établir entre ces deux affaires.
En l’espèce, une salariée a été embauchée en CDI en qualité d’administratrice de bases de données par une société spécialisée dans la recherche et le développement de traitements contre le cancer le 18 mai 2009.
Celle-ci a ensuite été transférée au sein d’une autre société du Groupe, laquelle a été contrainte d’envisager 3 licenciements pour motif économique, dont le sien.
Une réunion d’information et de consultation des délégués du personnel a été fixée au 3 novembre 2017 sur ce projet de licenciements. Ces derniers ont rendu un avis favorable le 15 novembre suivant, et ont établi un compte-rendu de réunion le 1er décembre suivant.
Le 21 novembre 2017, la salariée a été convoquée à un entretien préalable en vue d’une mesure pouvant aller jusqu’au licenciement, entretien fixé au 29 novembre 2017.
Lors de cet entretien, la société a exposé à la salariée les difficultés économiques rencontrées par la société, les procédures de licenciement engagées ainsi que les postes visés et lui a expliqué les différentes situations envisageables si la procédure était poursuivie.
Elle a également remis à l’occasion de cet entretien les différents documents relatifs au CSP.
Le 7 décembre suivant, l’employeur adressait à la salariée par courriel le compte-rendu de la réunion des délégués du personnel en date du 1er décembre 2017.
Le 11 décembre 2017, la salariée remettait à son employeur les documents du CSP signés par ses soins.
Estimant que le contrat était rompu au 22 décembre suivant, un solde de tout compte et un certificat de travail ont été remis à la salariée.
Contre toute attente, celle-ci a saisi le Conseil de prud’hommes de Paris le 10 avril 2018 aux fins de contester notamment le respect de la procédure de licenciement, ainsi que la validité de la mesure.
À juste titre selon la juridiction prud’homale qui a estimé que tel n’avait pas été le cas en raison de l’absence de courrier notifiant la rupture ; condamnant ainsi la société à indemniser la salariée en conséquence.
N’ayant pas fait droit à ses autres demandes, la requérante a interjeté appel de la décision.
En toute logique, la Cour d’appel ne va pas suivre le raisonnement adopté par le Conseil de prud’hommes puisqu’elle va considérer que le motif économique a été porté à la connaissance de la salariée tant lors de l’entretien préalable que par le compte-rendu de la réunion dont elle a été destinataire par courriel en date du 7 décembre 2017.
Non satisfaite de ce revirement, la salariée a formé un pourvoi en cassation, faisant notamment valoir que la cour d’appel n’avait pas vérifié si le compte-rendu en question comportait ou non une information suffisamment précise sur la cause économique de la rupture du contrat et son impact sur les emplois, dont le sien.
Aux termes de son arrêt du 11 septembre 2024, la Cour de cassation rappelle qu’il résulte des articles L1233-3, L1233-16 et L1233-67 du Code du travail que le document écrit par lequel l’employeur informe le salarié du motif économique de la rupture de son contrat doit énoncer à la fois la raison économique qui fonde la décision et sa conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié.
À défaut, la rupture est dépourvue de cause réelle et sérieuse.
Dans la mesure où le compte-rendu litigieux n’énonçait pas –à la différence de celui ayant donné lieu à l’arrêt de la Cour de cassation du 13 juin 2018– l’incidence des difficultés économiques invoquées sur l’emploi de la salariée, la société n’avait pas satisfait à son obligation d’information.
On comprend ainsi que le motif économique figurait sur le compte-rendu de réunion des représentants du personnel et qu’il manquait donc exclusivement l’information relative à la conséquence précise sur l’emploi ou le contrat de travail.
Au cas présent, la salariée connaissait nécessairement les incidences de cette réorganisation sur son emploi puisque, lors de son entretien préalable, la société a exposé à la salariée les difficultés économiques rencontrées par la société, les procédures de licenciement engagées ainsi que les postes visés et lui a expliqué les différentes situations envisageables si la procédure était poursuivie.
La décision apparaît donc particulièrement sévère puisque du seul fait que cette information ne lui ait pas été rappelée par écrit, le licenciement doit être considéré comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse.
On ne peut donc qu’espérer que la Cour de cassation reconsidère sa position, et fasse preuve de pragmatisme.