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  • 1re Parution: 16 mai 2020

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Déconfinement - Salariés et cadres : votre employeur peut-il vous imposer un test COVID-19 ?

Qui dit retour en entreprise, dit test de dépistage au Covid-19 ?
Pas si sûr.

En effet, à l’heure du déconfinement, la stratégie politique énoncée par le gouvernement est claire : seront testées les personnes qui présentent les symptômes du virus et celles qui ont été en contact rapproché avec des personnes infectées.

Les entreprises pourraient-elles, dans les semaines à venir, organiser leur propre campagne de dépistage ?

D’une manière plus générale, pourraient-elles imposer à leur salarié d’avoir recours au test ?

1. Hypothèse 1 : Une campagne de dépistage organisée par l’entreprise.

Le protocole national de déconfinement publié par le gouvernement est ferme : « les campagnes de dépistage organisées par les entreprises pour leurs salariés ne sont pas autorisées » [1]

La justification de cette absence d’autorisation tient en quelques lignes : « La réalisation de ces prélèvements sur prescription médicale est douloureuse, complexe logistiquement (équipements de protection et parcours des données patient) et doit être réalisée par des professionnels formés. ».

Le gouvernement conclue donc que « à ce stade, aucune organisation par les employeurs de prélèvements en vue d’un dépistage virologique ne saurait s’inscrire dans la stratégie nationale de dépistage ».

Ainsi, les entreprises ne peuvent pas imposer à leurs salariés de se faire dépister dans le cadre d’une campagne qui serait organisée par l’entreprise.

2. Hypothèse 2 : Le test de dépistage pratiqué sur certains salariés de l’entreprise.

En temps normal, l’employeur peut – lorsque certaines conditions sont réunies - avoir recours à un dispositif quelque peu « intrusif » à l’égard du salarié.

Ce dispositif, c’est celui du test d’alcoolémie. Son utilisation, par l’employeur, à l’égard de ses salariés, est strictement encadrée. En effet, la Cour de cassation a eu l’occasion d’estimer que « ne constitue pas une atteinte à une liberté fondamentale » le recours au test d’alcoolémie dès lors [2] :
- « qu’eu égard à la nature du travail confié à ce salarié, un tel état d’ébriété est de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger »
- « que les modalités de ce contrôle, prévues au règlement intérieur, en permettent la contestation, peu important qu’il s’effectue, pour des raisons techniques, hors de l’entreprise »

Afin que le recours à un tel dispositif ne soit pas considéré comme contrevenant à une liberté fondamentale du salarié, il faut que le test soit nécessaire afin de garantir la sécurité du salarié et des personnes travaillant avec lui. Il faut également que les modalités du test puissent être contestées – et donc préalablement inscrites au règlement intérieur.

Si l’on se risque la grossière comparaison entre le recours à un test d’alcoolémie et un test de dépistage du Covid-19, l’on s’aperçoit que la seconde condition, tenant aux modalités d’exécution du test, risque d’être problématique dans le cadre du test Covid-19 puisqu’il est peu probable que les entreprises aient statué sur la question au sein du règlement intérieur.

Enfin, la CNIL a rappelé que « seuls les personnels de santé compétents (notamment la médecine du travail) peuvent collecter, mettre en œuvre et accéder à d’éventuels fiches ou questionnaires médicaux auprès des employés/agents contenant des données relatives à leur état de santé ou des informations relatives notamment à leur situation familiale, leurs conditions de vie ou encore, leurs éventuels déplacements » [3].

Cette recommandation finit de proscrire la réalisation du test en entreprise, y compris de façon occasionnelle et sur certains des salariés.

3. Hypothèse 3 : Forcer la réalisation de test à l’extérieur de l’entreprise ?

Cette éventualité soulève encore d’autres questions.

Premièrement, et avant toute considération juridique, la pratique des tests en France demeure limitée à ceux qui présentent les symptômes du Covid-19 et à ceux qui ont été en contact avec des personnes infectés. Dans un tel contexte, il apparaît difficile pour n’importe quel salarié qui n’entrerait pas dans ces deux cas de figure, de se faire tester, même si tel était son souhait.

Deuxièmement, cette question convoque immédiatement deux textes, que sont l’article L. 1121-1 du Code du travail [4] protégeant la vie privée du salarié, et l’article L. 1132-1 du même Code [5], qui prohibe toutes mesures discriminatoires en raison de l’état de santé, notamment.

Ainsi, le fait d’imposer au salarié d’avoir recours à un test à l’extérieur de l’entreprise pourrait être perçu comme contrevenant à la préservation des droits et libertés individuelles des salariés.

Par ailleurs, toute mesure prise postérieurement pourrait être considérée comme discriminatoire.

Enfin, ce scénario paraît définitivement à bannir puisqu’il ressort des recommandations de la CNIL que la récolte de données médicales sur les salariés directement par l’employeur est complètement prohibée.

En effet, les résultats des tests sont « soumis au secret médical ».

L’entreprise ne pourrait, de toutes les façons, « recevoir que l’éventuel avis d’aptitude ou d’inaptitude à reprendre le travail émis par le professionnel de santé ».

Il en résulte que l’employeur « ne pourra alors traiter que cette seule information, sans autre précision relative à l’état de santé de l’employé, d’une façon analogue au traitement des arrêts de maladie qui n’indiquent pas la pathologie dont l’employé est atteint ».

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