Le décret du 9 janvier 2023 relatif aux procédures orales d’instruction devant le juge administratif.

Procédure d’instruction écrite et procédure d’instruction orale sont nécessaires pour l’administration d’une bonne justice administrative malgré ses carences. Le tout est de les articuler et d’en faire des outils complémentaires afin de répondre aux besoins des justiciables. C’est probablement la contribution du décret n°2023-10 du 9 janvier 2023. Le recul sera toutefois utile pour ajuster ces nouvelles modalités.

Le caractère écrit et l’organisation de la procédure devant le Conseil d’Etat n’ont, certes, pas été bouleversés, par le décret n°2020-1404 du 18 novembre 2020, portant expérimentation au Conseil d’Etat, des procédures d’instruction orale et d’audience d’instruction.

Le Conseil d’Etat a, néanmoins, pu faire l’expérience, pendant 18 mois, de l’instruction orale, visant à compléter l’instruction écrite, via des échanges directs avec les parties, pour certaines affaires au fond, avant les audiences de jugement. La procédure orale, déjà présente, devant le Conseil d’Etat pour les référés, n’est pas une inconnue.

L’expérimentation était prévue pour 18 mois, avec une évaluation par un comité comprenant des membres du Conseil d’État, des avocats et des fonctionnaires, ayant participé à l’expérimentation.

Elle devait faire aussi l’objet d’un rapport d’évaluation remis au ministre de la justice. Avec pour ce dernier, le pouvoir de maintenir, d’ajuster, ou d’abandonner les mesures expérimentées.

Le décret n° 2023-10 du 9 janvier 2023 relatif aux procédures orales d’instruction devant le juge administratif, non seulement, maintient, pérennise mais il étend l’expérimentation des séances orales d’instruction et des audiences publiques d’instruction devant le Conseil d’Etat, devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.

Conformément à l’article R625-1 du Code de justice administrative, la juridiction entend les parties sur toute question de fait ou de droit dont l’examen lui paraît utile, afin de répondre à des questions posées par l’affaire. Les parties sont convoquées par un courrier qui fait état des questions susceptibles d’être évoquées. Toute autre question peut toutefois être évoquée au cours de cette séance. La juridiction peut même convoquer toute personne dont l’audition paraît utile. Il y a donc de réelles possibilités de mieux comprendre un contexte et d’approfondir un dossier. C’est une véritable instruction.

L’article R625-2 du Code de justice administrative précise, que cette audience ne peut se tenir, moins d’une semaine avant la séance de jugement, au rôle de laquelle l’affaire doit être inscrite. Est-ce un délai trop court devant les juridictions du fond, dont on sait les difficultés à s’organiser, compte tenu des contentieux de masse dont celui du droit des étrangers ?

Les parties, ou, si elles sont représentées, leurs représentants, notamment les avocats, peuvent présenter des observations orales, à l’audience d’instruction.

Le décret entre en vigueur le lendemain de sa publication.

A suivre, afin de vérifier, comment les juridictions appliqueront ces dispositions, et à quelles affaires. Mais c’est certain qu’entendre et écouter les justiciables ne peuvent que susciter une bonne adhésion.

Et puis les avocats auront la possibilité de s’exprimer, peut-être pas de plaider. S’affranchiront-ils de la feuille de route qu’est la convocation des parties, avec les questions indiquées ? C’est potentiellement, une voie, puisque toute autre question peut être évoquée. Tout en respectant les principes fondamentaux, tels le principe du contradictoire et de la loyauté des débats.

La mise en place de ces nouvelles procédures pourrait laisser présager quelques tensions. Ainsi, les réponses à certaines questions posées par le juge, sur le courrier de convocation, pourraient nécessiter un délai plus long, afin de réunir certaines pièces, de les communiquer à la partie adverse, de rédiger conclusions et notes etc... Les reports seront-ils aisés à faire ? Le terrain judiciaire est mouvant. On ne sait jamais. Le préalable est une excellente communication entre avocats et magistrats, avec la mise au point de protocoles, à respecter.

Puisqu’il s’agit de séances et d’audiences d’instruction orale, il faut savoir se parler, à tout moment, et en toutes circonstances, au-delà de la procédure.

Un défi à relever dans une justice tendue et fataliste, malgré les annonces du Garde des sceaux. Toutefois, un tel décret tend à réduire des carences certaines dans l’instruction de certains affaires et à redéfinir la place du justiciable. Il faut donc se féliciter.

Vincent Ricouleau
Professeur de droit
Vietnam - Laos
CAPA
Legal Counsel

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