Le jugement de première instance avait déclaré forclose l’action de la victime à l’encontre du FGAO et du responsable de l’accident en indemnisation de ses préjudices causés par l’accident de la circulation en qualité de piéton. (TGI Paris 23 octobre 2000 N° RG : 18/00495)
Aux termes d’un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 8 septembre 2022 (RG 21/01710), confirmé par un rejet de pourvoi de la Cour de cassation, une décision favorable pour les victimes a été rendue, concernant l’interruption du délai de forclusion de cinq ans, prévu par l’article R. 421-12 du Code des assurances.
Les faits et la problématique juridique
Une victime d’accident de la circulation avait engagé une action contre le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages (FGAO) plus de cinq années après l’accident.
En première instance, le tribunal avait considéré cette action en indemnisation comme forclose à l’encontre du FGAO et du responsable de l’accident estimant que le délai impératif de cinq ans à compter de l’accident pour "avoir intenté contre le responsable une action en justice" n’avait pas été respecté.
La particularité de l’espèce résidait dans le fait que la victime s’était constituée partie civile dans le cadre procédure pénale devant le Tribunal correctionnel, mais uniquement au soutien de l’action publique, sans formuler de demande chiffrée de dommages-intérêts.
L’argumentation développée et la solution retenue
L’argumentation développée devant la Cour d’appel de Paris s’articulait autour de l’interprétation de l’exigence légale d’avoir "intenté contre le responsable une action en justice" dans les cinq ans de l’accident.
La position défendue était la suivante : la constitution de partie civile, même sans demande chiffrée de dommages-intérêts, constitue une "action en justice" au sens de l’article R. 421-12 du Code des assurances dès lors qu’elle manifeste l’intention d’engager la responsabilité civile de l’auteur du dommage.
La Cour d’appel de Paris a validé cette argumentation en considérant que la victime qui a demandé au tribunal de reconnaître que l’infraction de blessures involontaires commises à son encontre par l’auteur lui avait occasionné un préjudice, a interrompu le délai de 5 ans mentionné à l’article R. 421-12 du code des assurances peu important que la partie civile n’ait pas formulé à cette occasion de demande de dommages et intérêts chiffrée.
Cette solution a été entérinée par le rejet non spécialement motivé du pourvoi formé par le Fonds de Garantie devant la Cour de cassation, confirmant ainsi la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris. (Civ 2ème 30 mai 2024 n°23-10.047)
Portée pratique de cette décision
Cette jurisprudence revêt une importance considérable pour les victimes d’accidents de la circulation. Elle sécurise juridiquement la situation des victimes, qui, ayant formalisé une constitution de partie civile dans les cinq ans de l’accident, peuvent valablement saisir le FGAO ultérieurement, même au-delà du délai de cinq ans après l’accident.
Cette solution s’inscrit dans une logique de protection des droits des victimes en évitant qu’une interprétation trop restrictive de l’article R. 421-12 ne prive les victimes de leur droit à indemnisation.
Conseils pratiques pour les praticiens
Cette jurisprudence invite les avocats intervenant en réparation des dommages corporels à systématiquement conseiller à leurs clients victimes d’accidents de la circulation de se constituer partie civile dans le cadre de la procédure pénale et de manifester leur volonté d’engager la responsabilité de l’auteur et mieux encore dans l’objectif d’obtenir réparation et ce, même sans formulation immédiate de demandes chiffrées, afin de sécuriser l’interruption des délais de forclusion.
Il convient toutefois de rappeler que cette solution favorable aux victimes ne dispense pas d’une vigilance constante quant au respect des autres délais procéduraux applicables aux actions mettant en cause contre le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages (FGAO).
Cette décision constitue une victoire jurisprudentielle importante qui renforce la protection des droits des victimes dans le cadre complexe de l’indemnisation par le FGAO.
Maître Ingrid Geray
Avocat
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