Dépression, anxiété, dissociation : ce que les juges doivent comprendre pour juger juste.

Par Barbara Para, Psychologue.

1192 lectures 1re Parution: Modifié: 4.9  /5

Explorer : # psychologie légale # troubles mentaux # expertise judiciaire # formation des magistrats

Ce que vous allez lire ici :

Cet article souligne l'impact des troubles psychiques, comme la dépression, l'anxiété et la dissociation, sur le système judiciaire. Il insiste sur la nécessité d'une évaluation clinique rigoureuse des personnes présentées devant la Justice pour éviter les erreurs de jugement et favoriser une justice éclairée, tenant compte des véritables souffrances des individus concernés. Il suggère que les acteurs de la Justice se forment afin de posséder une meilleure culture clinique.
Description rédigée par l'IA du Village

De nombreux litiges traités aujourd’hui par les juridictions françaises comportent une dimension psychologique importante : harcèlement moral, burn-out, violences conjugales, séparations conflictuelles, licenciements pour inaptitude ou désaccord sur l’origine d’une souffrance psychique. Pourtant, ces enjeux restent souvent appréhendés de manière partielle, voire biaisée. Les troubles comme la dépression, l’anxiété sévère ou les mécanismes dissociatifs sont encore mal connus, mal compris, ou interprétés à travers une grille de lecture morale.
Il est donc urgent que la justice se dote d’une meilleure culture clinique, capable de décoder les comportements induits par la souffrance psychique. Car juger une situation, c’est aussi interpréter des signes : présence ou absence de combativité, clarté du récit, constance des propos, faculté à produire des pièces ou à se défendre. Or ces éléments peuvent être profondément altérés par des troubles invisibles mais bien réels.

-

I. Trois troubles fréquents aux effets judiciaires majeurs.

La dépression : un effondrement intérieur.

La dépression ne se résume pas à une simple tristesse. Il s’agit d’un trouble psychique reconnu, répertorié dans les classifications internationales comme le DSM-5, qui affecte profondément l’humeur, la pensée, les comportements et les fonctions corporelles. Elle s’exprime par une fatigue intense, des troubles de l’attention, un ralentissement moteur et cognitif, des idées de dévalorisation ou de culpabilité, et parfois des pensées suicidaires.

En contexte judiciaire, la dépression peut entraîner des absences répétées aux convocations, une difficulté à se concentrer lors d’un interrogatoire, une incapacité à relire un dossier, ou encore une attitude perçue comme passive, voire désintéressée.

Il est essentiel de comprendre que ces manifestations sont des symptômes, et non des choix comportementaux.

Selon le Baromètre de Santé Publique France de 2021, un actif sur cinq présente des symptômes dépressifs modérés à sévères. Cela signifie que de très nombreuses personnes en situation de litige sont potentiellement concernées.

Les troubles anxieux : l’alerte permanente.

L’anxiété pathologique se distingue de l’inquiétude banale par sa chronicité, sa sévérité et son impact fonctionnel. Elle se manifeste par des ruminations mentales, une vigilance exacerbée, des troubles du sommeil, des troubles digestifs, des comportements d’évitement et une hypersensibilité émotionnelle.

Dans le cadre judiciaire, cela peut se traduire par une panique à l’idée de se confronter à l’auteur présumé, une désorganisation du discours, une difficulté à se souvenir des faits dans l’ordre chronologique, ou encore un évitement des procédures. L’individu n’est pas “malhonnête” ou “fuyant” : il est débordé par une alarme intérieure constante.

L’Organisation mondiale de la Santé estime que 301 millions de personnes souffraient d’un trouble anxieux dans le monde en 2022, ce qui en fait la pathologie mentale la plus fréquente aujourd’hui.

La dissociation : un mécanisme de survie mal compris.

Le trouble dissociatif est un trouble de l’intégration de l’expérience. Il se manifeste souvent après un traumatisme, par des phénomènes de déréalisation (le monde semble irréel), de dépersonnalisation (l’individu ne se sent plus “lui-même”), des troubles de la mémoire ou de la perception du temps, et parfois une sensation d’absence émotionnelle.

En expertise ou à l’audience, ces personnes peuvent paraître déconnectées, livrer des récits fluctuants, être incapables de répondre à des questions précises, ou sembler froides en parlant d’événements graves. Cela peut être interprété à tort comme un mensonge ou un manque de sincérité. En réalité, ce sont des conséquences neurologiques directes d’un stress traumatique intense, comme l’ont démontré les travaux de Bessel van der Kolk et de Ruth Lanius.

II. Pourquoi une évaluation clinique rigoureuse est indispensable.

Il ne suffit pas d’observer une personne ou de l’écouter pour évaluer un trouble psychique. Une expertise sérieuse repose sur un entretien clinique approfondi croisé avec des outils psychométriques fiables et validés scientifiquement. Ces outils permettent d’objectiver la présence, la sévérité et le retentissement d’un trouble. Par exemple :

  • Pour évaluer une dépression, des instruments comme le Beck Depression Inventory (BDI-II) permettent de quantifier les symptômes sur plusieurs plans : affectif, cognitif, somatique.
  • Pour l’anxiété, des échelles comme le STAI (State-Trait Anxiety Inventory) ou le GAD-7 sont reconnues pour leur sensibilité.
  • Les troubles dissociatifs peuvent être explorés à l’aide de la Dissociative Experiences Scale (DES-II).
  • Les symptômes post-traumatiques, souvent présents en contexte de harcèlement ou d’agression, peuvent être mesurés avec la PCL-5 (Posttraumatic Checklist).

L’utilisation de ces outils ne remplace pas le discernement clinique, mais elle le structure et l’objectivise, réduisant le risque de biais ou de jugement subjectif.

III. Trois erreurs judiciaires fréquentes liées aux troubles psychiques.

Première erreur : confondre dissociation et manipulation.

Un récit incohérent, des oublis, un regard fuyant, un ton neutre : ces éléments peuvent sembler suspects à un œil non formé. Pourtant, ils sont souvent le reflet d’un état dissociatif. La dissociation n’est pas un acte volontaire. Elle constitue un mécanisme de défense archaïque mis en place pour survivre psychiquement à des événements insupportables.

Deuxième erreur : sous-estimer les incapacités fonctionnelles.

Une personne en souffrance psychique peut être dans l’incapacité de chercher un avocat, de rassembler des preuves, d’écrire un courrier, ou même de se rendre à une audience. Ces absences sont parfois interprétées comme une désinvolture, alors qu’elles relèvent d’un effondrement des capacités exécutives.

Troisième erreur : penser que l’absence de plainte explicite exclut la souffrance.

Certaines personnes, notamment les hommes, ou les individus issus de milieux professionnels normés, peuvent ne pas verbaliser leur détresse. La souffrance peut s’exprimer par le corps (somatisations), des troubles du comportement (addictions, repli), ou un apparent “fonctionnement normal”. Cela ne signifie pas qu’il n’y a pas de trouble.

IV. Vers une justice plus lucide : former, outiller, articuler.

Face à ces enjeux, trois pistes apparaissent incontournables :

Premièrement, la formation des magistrats et professionnels du droit à la psychopathologie, à la psychologie du traumatisme et aux troubles mentaux fréquents est essentielle. Des modules spécialisés devraient être proposés dans les écoles de formation initiale et en formation continue.

Deuxièmement, les expertises doivent être confiées à des psychologues formés à la psychologie légale, à la passation et à l’interprétation des tests cliniques, et aux attendus judiciaires. Le respect du Code de déontologie, la rigueur méthodologique, l’indépendance d’analyse et l’articulation clinique-juridique doivent être au cœur de chaque expertise.

Troisièmement, les juges doivent pouvoir s’appuyer sur des éléments complémentaires : commentaires d’expertise, attestations cliniques, bilans de prise en charge, évaluations longitudinales. Ces documents permettent de mieux comprendre le contexte, l’évolution et la cohérence de la plainte dans la durée.

Conclusion - Juger juste, c’est aussi comprendre la souffrance.

L’accès à la justice ne peut être équitable si les troubles invisibles ne sont pas reconnus pour ce qu’ils sont : des freins majeurs à l’expression de ses droits. Comprendre ce qu’est une dépression sévère, une anxiété paralysante ou une dissociation traumatique, c’est donner à chaque justiciable la possibilité d’être vu, entendu et jugé avec justesse.

C’est aussi sortir d’une vision archaïque qui confond vérité judiciaire et performance comportementale.

La psychologie légale, lorsqu’elle est rigoureuse, éthique et bien intégrée au processus judiciaire, devient un outil de lucidité et de justice. Un levier pour rendre visible l’invisible.

Barbara Para, Pyschologue Expert

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

10 votes

L'auteur déclare avoir en partie utilisé l'IA générative pour la rédaction de cet article (recherche d'idées, d'informations) mais avec relecture et validation finale humaine.

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

"Ce que vous allez lire ici". La présentation de cet article et seulement celle-ci a été générée automatiquement par l'intelligence artificielle du Village de la Justice. Elle n'engage pas l'auteur et n'a vocation qu'à présenter les grandes lignes de l'article pour une meilleure appréhension de l'article par les lecteurs. Elle ne dispense pas d'une lecture complète.

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 157 150 membres, 29136 articles, 127 366 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 400 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Parution de la 2nde édition du Guide synthétique des solutions IA pour les avocats.

• Découvrez les Finalistes du Prix de l’Innovation en Management Juridique 2025, et votez pour vos innovations préférées !





LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs