Aucune disposition ne permet expressément de s’opposer à l’installation de ces nouveaux compteurs. Le gouvernement d’antan envisageait même le déploiement de ces compteurs sur tous les logements d’ici 2020 [1].
L’ensemble des décisions actuelles prises par les maires et/ou conseillers municipaux, visant à interdire ou restreindre le développement des compteurs Linky, ont néanmoins été systématiquement déférées par le contrôle de légalité et par la société ENEDIS.
A ce jour, toutes ces décisions ont été suspendues et annulées par le juge administratif. Les raisons de cette hécatombe sont multiples :
I) Sur la forme :
L’incompétence des communes, non propriétaires des compteurs, pour s’opposer à leur déploiement :
L’article L.322-4 du Code de l’énergie rappelle que les ouvrage du réseau public de distribution d’électricité appartiennent aux collectivités territoriales, ou à leur groupement, en leur qualité d’autorités concédantes de la distribution publique d’électricité (reprise de l’article 6 de la loi du 15 juin 1906).
Les collectivités compétentes en matière de distribution publique d’électricité peuvent être les communes ou les établissements public à qui elle ont transféré cette compétence (en général, cette compétence est transférée à un syndicat départemental).
Les compteurs Linky font intégralement parti de ces ouvrages et leur propriété revient à ces mêmes collectivités territoriales [2].
NOTA : si un syndicat départemental reprend la compétence des commune pour l’organisation de la distribution d’électricité, ce dernier devient propriétaire des compteurs [3].
Dès lors, dans l’immense majorité des affaires portées au prétoire [4], les maires et conseillers municipaux ont été déclarés incompétents pour s’opposer au déploiement de ces compteurs.
Rappelant que les communes ont, de façon générale, transféré leur compétence à un syndicat départemental, de nombreux arrêtés du maire et délibérations de conseils municipaux ont été annulés pour incompétence.
Confirmations jurisprudentielles devant le juge des référés :
Doute sérieux sur la légalité d’une délibération s’opposant au déploiement des compteurs dans la mesure où la compétence de distribution d’électricité a été transférée à un syndicat [5]
Doute sérieux sur la légalité d’arrêtés municipaux interdisant le déploiement des compteurs pour incompétence du maire pour les mêmes motifs [6]
Confirmations jurisprudentielles devant les juges du fond :
Incompétence du conseil municipal et du maire pour s’opposer, ou restreindre, au déploiement des compteurs Linky, dans la mesure où l’autorité organisatrice du service public de distribution d’électricité était un syndicat départemental [7]
L’incompétence du conseil municipal à édicter une mesure de police :
En 2016 déjà, plusieurs conseils municipaux ont délibéré sur le refus du déploiement des compteurs Linky sur leur territoire. L’ensemble de ces délibérations ont été déférées par le préfet.
Au stade du référé, l’ensemble de ces délibérations ont été suspendues car, pour chaque cas d’espèce, les juges ont considéré que les délibérations souffraient d’un doute de légalité, en s’aventurant non sans risques sur la compétence exclusive du maire en matière de pouvoirs de police :
TA Nantes, 1er Juin 2016, commune de Villepot, n°1603910
TA Bordeaux, 22 Juillet 2016, commune de Port Sainte Marie, n°1602869
TA Bordeaux, 14 Octobre 2016, commune de Montferrand-du-Périgord, n°1604068
[8]
Quelques jurisprudences ont encore récemment rappelé indirectement que les conseils municipaux ne pouvaient empiéter sur la compétence exclusive du maire en matière de police administrative pour s’opposer au déploiement des compteurs :
Il a été rappelé que les dispositions des articles L.2212-1 et L.2212-2 réservent exclusivement au maire l’exercice des pouvoirs de police, lesquels ne peuvent être invoqués pour justifier des délibérations adoptées par le conseil municipal [9]
Plus encore, il a été jugé impossible d’invoquer les pouvoirs de police du maire par voie de substitution de bases légales pour justifier une délibération s’opposant au déploiement des compteurs [10]
II) Sur le fond :
Rejet des arguments sur la santé publique :
Saisie d’un recours par une association de consommateurs, le Conseil d’État a considéré que les rayonnements émis par les compteurs « Linky » étaient conformes aux seuils règlementaires, et à ceux admis par l’OMS [11].
Au surplus, l’agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation (ANSES), dans son avis publié le 15 décembre 2016, a conclu à une faible probabilité que l’exposition aux champs électromagnétiques émis par les compteurs engendrent des effets sanitaires à court ou long terme [12].
Ainsi, les juges ont, par suite, annulé un arrêté municipal présentant un « moratoire sur l’installation des compteurs Linky ». En effet, aucune étude scientifique, ou évènement local, ne permettait de mettre en évidence un risque pour la population de la commune [13].
Rejet (en l’état) des arguments sur les pouvoirs de police du maire :
Certains juges ont laissé une petite fenêtre ouverte en rappelant les compétences du Maire en matière de police administrative, et surtout, en permettant l’hypothétique usage de ces pouvoirs en matière de déploiement des compteurs Linky :
« Le maire d’une commune peut néanmoins faire usage des pouvoirs de police générale qu’il détient des articles L.2212-1 et L.2212-2 du CGCT afin d’assurer, notamment, la sécurité et la salubrité publique qui seraient susceptibles d’être menacées par l’installation de ces dispositifs » [14]
Cette même juridiction a néanmoins rejeté en l’espèce cet argument au motif que la commune n’apportait « aucun élément de nature à établir un éventuel risque pour la population du fait du déploiement de ces dispositifs de comptage ».
Récemment encore, la CAA de Nantes [15] a refermé cette fenêtre en jugeant que si le maire constatait des erreurs de branchement et des incursions sur des propriétés privées sans autorisations, ces circonstances, même établies, ne suffisent pas à elles seules pour caractériser un trouble à l’ordre public ou un risque pour la sécurité et la salubrité publique justifiant l’usage de ses pouvoirs de police.
Alors même que de telles intrusions seraient prouvées, au demeurant pénalement répréhensible devant les juridictions judiciaires, les juges se sont montrés très restrictifs en refusant de qualifier ces « simples » faits comme des trouble à l’ordre public alors qu’il est quand même porté atteinte au droit de propriété des administrés…
Vu la prolifération d’arrêtés « anti-Linky » et du nombre de ces décisions portées devant le juge administratif le périmètre de l’intervention, ou non, du maire dans le cadre de ses pouvoirs de police serait le bienvenu dans une formule de principe à apparaître au recueil Lebon.
Reste, à ce jour, la simple possibilité pour le maire de faire de la pédagogie en rappelant à ses administrés les plus réfractaires, le droit en vigueur, à savoir leur droit de refuser l’accès à leur logement, ou encore celui de la transmission des données collectées à des tiers, partenaires commerciaux d’ENEDIS [16].
Discussion en cours :
Le droit communautaire est le droit supra national et dont l’objet de la recommandation communautaire précise que ce n’est pas obligatoire et que c’est au choix du particulier. Demandez à Corinne LEPAGE (ancienne ministre de l’Environnement et avocate)