Il n’est en effet pas rare que le conjoint qui forme appel de la décision qui prononce le divorce ne critique pas le prononcé même du divorce, mais se limite à contester les mesures accessoires au prononcé et la prestation compensatoire et ce, tant dans son principe que dans son quantum.
Or la procédure d’appel en sa nouvelle mouture - telle qu’issue du décret n°2017-0891 du 6 mai 2017 applicable pour une majeure partie aux appels formés à compter du 1er septembre 2017 – peut être de nature à impacter l’exigibilité et le maintien du devoir de secours.
La question est de savoir si le caractère définitif du divorce peut être désormais acquis nonobstant l’appel et produire ses effets sur l’exigibilité de la pension alimentaire fixée par le juge conciliateur au titre du devoir de secours.
La question subséquente est celle de la juridiction éventuellement compétente pour connaître de la question.
L’article 212 du Code civil prévoit que les époux se doivent mutuellement secours et assistance et, c’est sur ce fondement juridique que le juge conciliateur fixe le principe et le montant de la pension alimentaire due par un époux à son conjoint.
La jurisprudence enseigne classiquement que cette obligation subsiste jusqu’à ce que la décision prononçant le divorce soit devenue définitive (cf. Civ. 2ème 12 juil 1972 pourvoi n°71-14452).
Une décision définitive s’entend traditionnellement, pour la jurisprudence, d’une décision contre laquelle aucune voie de recours ordinaire ne peut plus être exercée (Cass. 3ème 4 mai 2016 pourvoi n°15-14892).
Spécifiquement en matière du divorce, et par exception, cette jurisprudence doit être combinée avec les dispositions de l’article 1086 du Code de procédure civile qui énoncent que le délai de pourvoi en cassation et le pourvoi lui-même suspendent l’exécution de la décision qui prononce le divorce.
Or la jurisprudence a longtemps retenu que la pension alimentaire allouée par l’ordonnance de non-conciliation ne cesse pas d’être due à compter de la date à laquelle a cessé l’obligation de secours, mais seulement à compter de la date de rejet du pourvoi formé à l’encontre de la décision statuant sur le divorce (Civ. 2ème 10 avril 1991 pourvoi n°90-12170).
Aux termes de cette jurisprudence, la Cour de cassation a admis que malgré l’acquisition du caractère définitif du divorce et l’impossibilité pour l’auteur du pourvoi de contester le principe du divorce lui-même (la décision lui étant favorable de ce chef), il n’en demeure pas moins que la pension alimentaire due au titre du devoir de secours subsiste jusqu’à l’arrêt de rejet de la Cour de cassation (voire même au-delà en cas de cassation et de renvoi devant une cour d’appel).
Ainsi, le jugement de divorce n’acquiert ce caractère irrévocable qu’après l’épuisement des voies de recours ou après l’expiration des délais de recours, ensuite d’une signification valable du jugement prononçant le divorce.
La Cour de cassation a cependant fait évoluer sa position et a précisé la date à laquelle le principe du divorce devenait irrévocable en ces termes : « l’arrêt qui prononce le divorce pour faute dont seules les dispositions relatives aux conséquences financières sont frappées d’un pourvoi principal et d’un pourvoi incident, devient irrévocable à la date d’expiration du délai ouvert pour former pourvoi incident. » (Civ. 2ème 2 nov. 1994 pourvoi n°92-17393).
Plus avant encore, en 1999, la Cour de cassation a considéré que la prestation compensatoire était exigible à compter du jour où le jugement de divorce passait en force de chose jugée, notamment en raison d’un pourvoi limité aux chefs du jugement relatifs aux autres mesures accessoires (Civ. 2ème 8 juill. 1999 pourvoi n°98-12398).
Au regard de ces dernières jurisprudences et à transposer l’analyse à laquelle s’est livrée la juridiction suprême en 1994 et 1999, le caractère irrévocable du divorce serait acquis au jour où l’appel serait définitivement tenu pour fermé aux époux et spécialement à l’époux créancier d’aliments.
Devant la cour d’appel, même à supposer que l’appel exclut toute critique du chef du prononcé du divorce, l’épouse en général reste habile à en discuter et même à former une contestation de ce chef.
Cette discussion, pour autant qu’elle serait manifestement irrecevable pour défaut d’intérêt, ne pourrait être tranchée que par la cour d’appel statuant au fond, ce qui lui renverrait l’appréciation du caractère irrévocable du jugement de divorce et permettrait encore de maintenir l’obligation au devoir de secours artificiellement pendant toute la durée de la procédure.
Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 a cependant opéré une forme de transposition de la procédure de cassation à la procédure d’appel.
Pour mémoire, il sera rappelé que la majorité des dispositions de ce décret est entrée en vigueur pour les procédures d’appel introduites à compter du 1er septembre 2017 et affecte donc les procédures menées dès les déclarations d’appel déposées au Greffe des Cours à compter de cette date (cf. décret 2017-1227 du 2 août 2017).
Notamment, l’article 910-4 dans sa nouvelle rédaction issue du décret du 6 mai 2017 oblige les parties à présenter, dès leurs premières conclusions signifiées en cause d’appel, l’ensemble de leur prétentions sur le fond et ce, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office ».
Cette disposition pourrait donc permettre de calquer sur la procédure d’appel l’analyse à laquelle s’est livrée la juridiction suprême aux termes de son arrêt du 2 novembre 1994.
En effet, il pourrait être affirmé, en démarquant les attendus de l’arrêt précité de 1994, que le jugement qui prononce le divorce dont seules les dispositions relatives aux conséquences financières sont frappées d’un appel principal et d’un appel incident, devient irrévocable à la date d’expiration du délai ouvert pour former appel incident.
En conséquence, devant la cour d’appel, il appartiendrait à l’époux débiteur du devoir de secours de saisir la juridiction du Conseiller de la mise en état par voie de conclusions à l’effet de voir juger du caractère définitif du chef du divorce et de voir ordonner l’arrêt du versement de la pension due au titre du devoir de secours et ce sur le fondement combiné des articles 771 4°, 914 et 1119 du Code de procédure civile.
Un recours devant la chambre des déférés pourra être éventuellement ensuite formé à l’encontre de cette décision dans les 15 jours de son prononcé, en conformité avec les dispositions de l’article 916 du même code.
Au regard de ce qui précède, la saisine du conseiller de la mise en état ne pourrait toutefois intervenir efficacement qu’après la signification des conclusions au fond de la partie appelante et des conclusions de intimé, lesquelles ne contiendraient aucune remise en cause du principe du divorce.
Au vu des éléments ci-avant développés et spécialement de la jurisprudence de la Cour de cassation précitée, il apparaît qu’un recours devant le conseiller de la mise en état à l’effet de voir juger du caractère définitif du divorce du fait du caractère limité de l’appel pourrait prospérer et porter ses fruits dès lors qu’il serait introduit postérieurement aux conclusions de la partie appelante et de la partie intimée, et que celles-ci ne remettraient pas en cause de le principe du divorce.
La question posée est cependant tout à fait épineuse et la réponse envisagée - nullement évidente - viendrait à abattre la position jusque-là adoptée par les juridictions d’appel.
Au surplus, il convient de rappeler, à toutes fins, qu’en la matière, la saisine du conseiller de la mise en état n’interrompra pas les délais pour conclure au fond, tels que fixés aux articles 908, 909 et 910 du Code de procédure civile.
Le décret du 6 mai 2017 recèle peut être une nouveauté en la matière, qui viendrait au secours des époux débiteurs d’un devoir de secours face à des procédures d’appel pouvant parfois s’éterniser…
Discussions en cours :
Maître,
Votre texte est incomprehensible pour qui ne fait pas partie de votre cénacle....
Voudriez-vous en donner la conclusion en langage commun svp, en cas d’appel du jugement de divorce, que se passe-t-il pour chacune des parties svp ? Comment garder le DS pour l’un, l’arrêter pour l’autre...
Merci d’avance pour votre éclairage
Cher Maître,
Qu’en est-il des mesures provisoires quand l’appel a été fait avant septembre 2017 ?
Sachant que le jugement a été prononcé en mars 2019, précisant que les 2 parties dans leurs conclusions contestent la prestation compensatoire uniquement. Et la Cour d’Appel a constaté que sur les autres mesures rien n’a été contesté. La cour d’appel conclut que l’appel était uniquement sur la prestation compensatoire et que le reste ne serait pas jugé en appel. Dans ce cas les mesures provisoires sont elles applicables entre le jugement définitif et l’appel ?
Merci d’avance pour votre expertise
Bien à vous
J’ai bien lu votre article...divorce en appel le 18 septembre 2012..une pension de secours tout le long de la procédure....assignation par huissier pour moi le 31 oct 2012....pas de cassation mais un delai de 2 mois..Ma question est : à quelle date commence la compensatoire ???
Cher Confrère,
Merci de cet article intéressant. Plus d’un après, avec le recul, pouvez-vous me dire si la saisine du CME fonctionne ? Ma cliente est débitrice du devoir de secours et son mari vient d’interjeter appel y compris sur le divorce prononcé sur le fondement de 233cc.
Bonjour,
Vous semblez oublier que vous vous adressez à de non professionnels du divorce.Manque de clarté indéniable et contenu très confus à lire.
Regrettable que des professionnels ne semblent pas s’adresser aux français lambda.
Etant moi même psy j’essaie d’être le plus clair possible et de ne pas employer des termes techniques ou d’en expliquer le pourquoi de leur usage
Bonjour,
Attention, cet article est bien identifié comme d’un niveau "Expert", donc pas destiné a priori au grand public non connaisseur du sujet... Il y a forcément plusieurs niveau de connaissance sur chaque sujet ;-)
On imagine que dans votre matière il y a aussi des articles pointus ;-)
J’endosse mon gilet jaune (c’est dans l’air du temps) et revendique mon droit à la parole concernant le nouvel appel en matière civile et le défaut d’intérêt brandi par les adeptes de la procédure pure et dure.
MARRE DE CES LOIS QUI METTENT EN DANGER LES PLUS FRAGILES.
Dans le divorce 233, un litige existe dès le départ et c’est parce qu’il existe que le divorce n’est pas prononcé tout de suite lors de l’acceptation.
Le plus pauvre demande t’il que le divorce soit prononcé sans que les conséquences soient réglées en même temps ?
Peut on lui expliquer qu’il y a absence de succombance d’un côté comme de l’autre concernant le prononcé du divorce pour justifier d’un défaut d’intérêt à l’appel ?
Vous avez voulu le prononcé, vous l’avez eu... vous êtes bien attrapé ! Pourquoi vous plaindre ? Hi Hi
Eh bien Non !
Conférer à la volonté de la partie la plus pauvre, souvent défenderesse au demeurant, qu’elle était d’accord pour divorcer même si les conditions financières qui conditionnent sa vie ne sont pas réglées, et lui expliquer que seul le prononcé du divorce serait irrévocable tandis que les mesures dites accessoires, mais fondamentales pour sa vie, pourraient être discutées encore durant de nombreuses années....est-ce de bonne justice ?
Il n’y a pas de défaut d’intérêt à faire appel du chef du divorce car la partie la plus fragile et souvent l’épouse, a demandé le divorce avec de quoi survivre et non pas le divorce et se pendre.
Il n’est pas possible pour le plus fragile d’acquiescer au divorce tant que ce litige qui existe depuis le départ n’est pas réglé.