Distances de plantation et droit de propriété : comment éviter les conflits de voisinage.

Par Thomas Crétier, Avocat.

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Explorer : # distance de plantation # servitudes # troubles de voisinage # prescription trentenaire

Ce que vous allez lire ici :

Les arbres doivent être plantés à distance des propriétés voisines pour éviter les nuisances. Les règles varient selon les règlements locaux et le Code civil. En cas de non-respect, les voisins peuvent exiger l’arrachage ou l’élagage. Des précautions spécifiques sont aussi nécessaires concernant les infrastructures publiques.
Description rédigée par l'IA du Village

Issu du Code civil napoléonien, le régime juridique des plantations n’a que peu évolué en plus de deux siècles. Cette stabilité illustre l’équilibre trouvé entre l’usage individuel du droit de propriété et le respect des droits du voisin.

Ces règles n’ont pas été pensées comme des entraves, mais comme des garanties destinées à prévenir les litiges de voisinage (parmi les plus violents).

Elles permettent à chacun de profiter de ses plantations et de cultiver (au sens propre comme au figuré) des relations de bon voisinage.

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1) Le principe, l’application de règles locales et de servitudes.

Afin d’éviter que des arbres ne débordent sur les propriétés voisines et entraînent des dommages/nuisances, il est en principe nécessaire de les planter à une distance minimale de la limite séparant sa propriété de celle de son voisin.

Les règlements (PLU, arrêtés, servitudes d’utilité publique, etc.) et usages locaux (codifiés par les Chambres d’agriculture en application de l’article L511-3 du Code rural) fixent les distances de plantation à respecter et sont consultables en mairie.

Ces usages sont très variés. Il en existe même selon lesquels aucune distance minimale n’est exigée en raison de l’exiguïté des terrains (notamment en région parisienne).

Il est également possible d’acter des règles spécifiques grâce à une servitude de droit privé. En application de l’article 693 du Code civil, c’est notamment le cas lorsque le propriétaire décide de séparer un terrain en 2 parcelles distinctes comportant des arbres à préserver :

« Il n’y a destination du père de famille que lorsqu’il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire, et que c’est par lui que les choses ont été mises dans l’état duquel résulte la servitude ».

2) L’exception, l’application des dispositions du Code civil.

C’est seulement en l’absence de règlement, d’usage local ou de servitude que les dispositions du Code civil s’appliquent.

Depuis Napoléon Ier, l’article 671 du Code civil dispose :

« Il n’est permis d’avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu’à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu’à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d’un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l’on soit tenu d’observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n’est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d’y appuyer les espaliers
 ».

Ces dispositions concernent ainsi les plantes ligneuses, c’est-à-dire les végétaux qui contiennent une grande proportion de lignine et ont de ce fait la consistance du bois (l’arbrisseau mesure moins de 4 mètres de haut et se ramifie dès sa base, l’arbuste mesure entre 4 à 7 mètres de haut et l’arbre dépasse les 7 mètres de hauteur). Gazon et simples fleurs ne sont donc pas concernées.

En limite de propriété, le Droit français distingue donc 3 zones :

  • une première zone située de 0 à 50 centimètres de la ligne séparative : elle emporte une interdiction totale de planter des arbres, arbrisseaux et arbustes.
  • une deuxième zone de 50 centimètres à 2 mètres de la ligne séparative : elle emporte une autorisation de planter des végétaux qui ne dépassent (à maturité) 2 mètres de hauteur (en cas de dépassement, le voisin concerné peut exiger une taille pour que la plante ne dépasse plus les 2 mètres).
  • une troisième au-delà de 2 mètres de la ligne séparative : elle emporte une autorisation de planter librement, sous réserve naturellement de ne pas entraîner de préjudice à autrui (trouble du voisinage/responsabilité délictuelle) et de ne pas faire pousser des plantes envahissantes dont l’introduction et l’utilisation sont interdites (règlement européen n°1143/2014) ou prohibée : ambroisie, jussie, crassule de Helms, etc.

La jurisprudence a précisé que la distance horizontale prévue par l’article 671 du Code civil se calcule entre la ligne séparative des propriétés et l’axe médian des troncs des arbres [1].

De même, la hauteur s’évalue du pied au sommet de l’arbre, indépendamment du relief des lieux [2]. Cette question entraîne de nombreux débats lorsque les parcelles des voisins concernés sont à des niveaux différents.

Par exception, s’ils ne dépassent la crête du mur, les espaliers adossés à un mur privatif ou mitoyen ne sont pas concernés par ces distances. De même, si le mur n’est pas mitoyen aux 2 propriétés voisines, seul le propriétaire du mur peut y adosser des espaliers.

3) Les recours en cas de non-respect des distances légales.

Aux termes des articles 672 et 673 du Code civil, en cas de violation des distances applicables, le voisin ne peut pas couper lui-même « arbres, arbrisseaux et arbustes litigieux ». Il peut en revanche exiger leur arrachage (pour la zone de moins de 50 centimètres de la ligne séparative) ou leur élagage/émondage (pour la zone 50 centimètres à 2 mètres de la ligne séparative).

L’article 672 du Code civil dispose en effet :

« Le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l’article précédent, à moins qu’il n’y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s’ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu’en observant les distances légales
 ».

L’article 673 du Code civil précise :

« Celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible
 ».

Le voisin qui se plaint du non-respect des distances des plantations peut en revanche couper de lui-même « les racines, ronces ou brindilles » qui dépassent sur son terrain (jusqu’à la limite de propriété).

En toute hypothèse, le voisin concerné est « fondé à réclamer l’application des articles 671 et 672 du Code civil, sans avoir à justifier d’un préjudice particulier » [3].

En d’autres termes, il n’a pas à justifier qu’il subit un dommage. La violation des distances de plantation se suffit à elle-même. De même, il est indifférent que la coupe partielle de l’arbre menace sa santé et risque donc d’entraîner sa perte.

À défaut d’accord amiable, il est nécessaire de saisir le tribunal Judiciaire afin de solliciter la condamnation (sous astreinte) du voisin à réaliser l’arrachage, l’élagage ou l’émondage.

La coupe devra alors être réalisée dans un délai fixé par le tribunal Judiciaire. À défaut, le voisin condamné devra (pour chaque jour de retard) payer une somme d’argent fixe afin de le contraindre à l’exécution de la décision rendue.

4) La prescription trentenaire et l’imprescriptibilité.

En ce qui concerne la prescription, il existe une importante distinction :

Le droit de demander à ce que soit coupées les branches et racines qui dépassent sur son terrain est pour rappel imprescriptible : « Vu l’article 673 du Code civil ;
Attendu que celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper ; que ce droit est imprescriptible ;
Attendu que pour débouter M. Y... de sa demande tendant à la condamnation des époux X... à élaguer les branches d’un arbre surplombant sa propriété, l’arrêt attaqué (Versailles, 29 avril 1988) retient que l’article 673 du Code civil ne peut obliger le propriétaire à détruire, par mutilation irrémédiable des branches maîtresses et du houppier indispensables à la nourriture du végétal, un arbre qui a acquis par l’article 672 du même Code le droit d’être maintenu en place et en vie ;
Qu’en instituant ainsi une restriction au droit imprescriptible du propriétaire, sur le fonds duquel s’étendent les branches des arbres du voisin, de contraindre ce dernier à couper ces branches, la cour d’appel a violé le texte susvisé
 » [4].

En revanche, les plantations qui ne respectent pas les distances légales sont protégées par la prescription trentenaire.

Pour la première zone située de 0 à 50 centimètres de la ligne séparative, ce délai de 30 ans commence à la date de la plantation [5].

Pour la deuxième zone située de 50 centimètres à 2 mètres de la ligne séparative, le point de départ de la prescription est fixé au jour où les végétaux ont dépassé 2 mètres de hauteur [6].

Lorsque cette durée de 30 ans est dépassée, il est alors seulement possible de demander à ce que les branches qui empiètent sur le terrain voisin soient élaguées.

L’arbre protégé par la prescription trentenaire peut toujours voir son propriétaire condamné pour les dégâts causés par ses racines.

5) Les contraintes spécifiques liées aux infrastructures publiques.

Les plantations doivent également respecter de nombreuses limites spécifiques afin de préserver les infrastructures publiques : réseaux souterrains (1 mètre pour les arbustes, 2 mètres pour les arbres), lignes électriques (2 à 5 mètres selon la tension basse, moyenne ou haute), pylônes (3 mètres), voies ferrées (2 mètres), etc.

En cas de conflit, il est nécessaire de se constituer des preuves solides : procès-verbal de bornage afin de situer avec précision la limite séparative des fonds, photographies datées permettant de justifier l’évolution des végétaux, documents d’urbanisme, procès-verbal de constat de Commissaire de Justice, attestation de voisin, etc.

À cet effet, la réalisation d’un procès-verbal de constat de Commissaire de Justice sera toujours à privilégier dans la mesure où il s’agit d’une preuve objective quasi impossible à remettre en cause.

Thomas Crétier
Avocat au Barreau de Lyon

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Notes de l'article:

[1Cass., 3e civ., 1er avril 2009, n° 08-11.876.

[2Cass., 3e civ., 4 novembre 1998, n° de pourvoi 96-19.708.

[3Notamment Cass. civ. 2 juillet 1867, DP 1867, I, p. 280 ; Cass., 3e civ., 16 mai 2000, n° de pourvoi 98-22.382.

[4Cass., 3e civ., 16 janvier 1991, n° de pourvoi 89-13.698.

[5Cass., 3e civ., 3 avril 2012, n° de pourvoi 11-12.928.

[6Cass., 3e civ., 27 mars 2013, n° de pourvoi 11-21.221.

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