En droit international, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, [1] prévoit à l’article 14.3.e que « Toute personne accusée d’une infraction pénale a le droit, en pleine égalité […], d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge » [2].
De toute évidence, la notion de « témoin » doit être comprise ici de la même manière que le fait la Cour européenne des droits de l’Homme sur le fondement de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (V. infra).
En droit européen, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales prévoit à l’article 6.3.d que « Tout accusé a droit notamment à […] interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge » [3].
La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme nous informe sur la portée de la notion de « témoin », qui revêt un sens autonome [4].
La notion vise donc aussi bien les prévenus [5], les victimes [6], les experts [7] que les policiers [8].
La Cour a eu l’occasion de préciser les critères applicables dans le cas où le témoin ne comparaît à l’audience publique [9] :
- le principe étant que tous les témoins doivent déposer à l’audience [10], il convient à titre préliminaire de vérifier s’il existe des motifs sérieux d’admettre cette absence, quelle que soit l’importance de son témoignage,
- étant précisé que les États contractants sont tenus de prendre des mesures positives pour permettre à l’accusé d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge à l’audience [11],
- ainsi, le témoin qui ne comparaît pas au motif qu’il réside hors du territoire du pays dans lequel se déroule la procédure n’est pas une raison suffisante [12],
- même si bien entendu l’absence de motif sérieux justifiant la non-comparution d’un témoin ne permet pas de conclure à elle seule au manque d’équité du procès qui doit être appréhendé dans sa globalité [13],
- à défaut d’absence justifiée au sens de cette jurisprudence, l’accusé doit pouvoir mettre à l’épreuve la sincérité et la fiabilité des dépositions des témoins, en les faisant interroger oralement en sa présence,
- si la condamnation de l’accusé repose uniquement ou dans une mesure déterminante sur des dépositions de témoins qu’à aucun stade de la procédure il n’a pu interroger, il est alors nécessairement porté atteinte aux droits de la défense dans une mesure excessive : c’est la règle de la preuve unique ou déterminante [14],
- ainsi, si la déposition d’un témoin n’ayant pas comparu au procès est corroborée par d’autres éléments, l’appréciation de son caractère déterminant dépendra de la force probante de ces autres éléments : plus celle-ci sera importante, moins la déposition du témoin absent sera susceptible d’être considérée comme déterminante [15].
- dans l’hypothèse de témoignages par ouï-dire ou de témoins déterminants absents à l’audience, les autres garanties procédurales doivent être suffisantes et rigoureusement appliquées (prudence dans la crédibilité des témoignages antérieurs, analyse des éventuelles confrontations pendant l’enquête, existence d’un enregistrement vidéo de l’audition du témoin…) [16], V. pour une application concrète et complète : Schatschaschwili c. Allemagne [GC], 2015, § 113.]].
En droit français, l’alinéa 1ᵉʳ de l’article préliminaire du Code de procédure pénale dispose que « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire […] ».
La Cour de cassation, sous cette disposition, fait application des règles et critères posés par la Cour européenne des droits de l’Homme [17].
Dans un récent arrêt, la Haute juridiction a rappelé que, si aucune disposition du Code de procédure pénale ne permettait de contraindre la partie civile à comparaître devant la juridiction correctionnelle, il appartenait néanmoins à cette dernière, à défaut d’une confrontation entre la plaignante et la personne qu’elle met en cause, d’envisager l’ensemble des moyens procéduraux à sa disposition pour permettre cette confrontation (comme la comparution par un moyen de télécommunication) et, si cela s’avérait impossible, de vérifier si l’absence de la partie civile était justifiée par une excuse légitime, en sollicitant les documents justifiant cet empêchement [18].
C’est ainsi que, même en l’absence d’un texte général établissant la garantie du principe selon lequel toute personne poursuivie est en droit d’être confrontée à son accusateur, ce principe découle du droit international et européen applicable en France, dont les règles de procédure corroborent implicitement l’impérieuse nécessité de son respect.