Le droit à la nouvelle bonification indiciaire (NBI) au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la Justice.

Par Guillaume Delarue, Avocat.

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La nouvelle bonification indiciaire (NBI) est une indemnité pour les fonctionnaires du ministère de la Justice, liée à leurs fonctions dans des zones sensibles. Pour en bénéficier, ils doivent prouver leur emploi dans ces zones et leur implication dans des contrats locaux de sécurité, avec une documentation adéquate.
Description rédigée par l'IA du Village

Certains agents du ministère de la Justice, dont les personnels de la protection judiciaire de la jeunesse, ont droit à une nouvelle bonification indiciaire ( NBI ), lorsqu’ils interviennent dans le cadre de la mise en œuvre de la politique de la ville, prévue par le décret n°2001-1061 du 14 novembre 2001. Cet article présente un panorama général des décisions rendues par la juridiction administrative.

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La nouvelle bonification indiciaire est une indemnité qui peut être versée au fonctionnaire occupant un emploi comportant une responsabilité ou une technicité particulière [1]. Les trois versants de la fonction publique peuvent être concernés par la NBI [2]. Cependant, cette présentation n’évoquera que la seule NBI dont peuvent bénéficier les agents du ministère de la Justice au titre de la politique de la ville.

Elle consiste en l’attribution de points d’indice majorés correspondant à la valeur du point de la fonction publique et est prise en compte pour la retraite.

Le bénéfice de la NBI n’est pas lié au corps d’appartenance ou au grade des agents mais aux emplois qu’ils occupent, compte tenu de la nature des fonctions attachées à ces emplois [3].

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’indiquer qu’une décision administrative, accordant la nouvelle bonification indiciaire, crée des droits au profit de son bénéficiaire alors même que l’administration avait l’obligation de refuser cet avantage. Aussi, une évolution dans la situation administrative de l’agent ne modifie en rien son droit à percevoir la NBI si ses fonctions restent identiques.

Une annexe du décret du 14 novembre 2001 prévoit que les fonctions, qui peuvent donner lieu au versement de cette nouvelle bonification indiciaire au titre de la politique de la ville aux fonctionnaires du ministère de la Justice sont les suivantes :

  • les fonctions de greffiers et fonctionnaires de catégorie C des services judiciaires chargés de l’accueil au sein d’une maison de justice et de droit ;
  • les fonctions de catégories A, B ou C de l’administration pénitentiaire dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation et travaillant dans les quartiers sensibles ;
  • les fonctions de délégué de l’Etat dans les quartiers, nommé par le préfet ;
  • les fonctions de catégories A, B ou C de la protection judiciaire de la jeunesse exerçant leurs fonctions :
    • en centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ;
    • en centre d’action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;
    • intervenant dans le ressort territorial d’un contrat local de sécurité.

Un arrêté du 14 novembre 2001 précise également les conditions d’attribution de cette nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la Justice.

Concernant les agents de la protection judiciaire de la jeunesse plus précisément, une analyse des décisions du juge administratif témoigne que les demandes de la NBI s’appuient principalement sur les deux derniers critères (centre situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville et intervention dans le cadre d’un CLS).

a.- La première hypothèse permettant à un agent de la protection judiciaire de la jeunesse de percevoir cette NBI résulte d’une affectation au sein d’un centre de placement immédiat, d’un centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Il peut être effectivement difficile à manier dans la mesure où il exige que soit démontré que les jeunes accueillis sont principalement issus des quartiers prioritaires de la ville.

Il est donc nécessaire de démontrer l’existence de quartiers prioritaires de la politique et, en produisant la liste des jeunes accueillis, de leur domiciliation dans ces quartiers prioritaires.

b.- S’agissant de la deuxième voie permettant de percevoir la NBI au titre de la politique de la ville, résultant de l’exercice des fonctions au sein d’un centre d’action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, il est alors nécessaire de démontrer que le centre d’action éducative (souvent un UEMO), dans lequel l’agent a été affecté, est bien situé au sein d’un quartier prioritaire de la politique de la ville.

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville sont situés en territoire urbain et sont caractérisés par [4] :

  • un nombre minimal d’habitants ;
  • un écart de développement économique et social apprécié par un critère de revenu des habitants. Cet écart est défini par rapport, d’une part, au territoire national et, d’autre part, à l’unité urbaine dans laquelle se situe chacun de ces quartiers, selon des modalités qui peuvent varier en fonction de la taille de cette unité urbaine.

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville doivent être un espace urbain continu, situé en territoire urbain et répondant aux critères fixés par le décret n° 2014-767 du 3 juillet 2014 [5].

Un décret du 28 décembre 2023 est venu modifier la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville dans les départements métropolitains à compter du 1ᵉʳ janvier 2024 [6].

c.- Lorsque l’agent de la protection judiciaire de la jeunesse n’est pas affecté au sein d’un quartier prioritaire de la ville, il doit alors démontrer, au titre de la dernière hypothèse permettant de percevoir cette NBI, qu’il intervient dans le ressort territorial d’un contrat local de sécurité et ce, quelle que soit sa structure (UEMO, STEMO, centre éducatif renforcé, foyer, et.).

Pour bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire prévue au décret du 14 novembre 2001, les fonctionnaires doivent apporter la preuve de deux conditions cumulative :

  • l’existence d’un ou plusieurs contrats locaux de sécurité (ou équivalent) ;
  • le fait qu’il accomplit la majeure partie de son activité dans le périmètre de ce ou ces contrats locaux de sécurité.

Juridiquement, un contrat local de sécurité est un contrat signé notamment par le maire et le préfet d’un département, après consultation du procureur de la République et avis du conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance, ayant pour objet d’encadrer les problèmes de délinquance dans les communes de plus de 10 000 habitants et dans celles comprenant un quartier prioritaire de la politique de la ville [7].

Définis par la circulaire ministérielle du 28 octobre 1997 [8], ils reposent sur un partenariat entre l’Etat et les collectivités locales principalement, et sur des actions de proximité. Ils impliquaient l’ensemble des acteurs qui, au plan local, sont en mesure d’apporter une contribution à la sécurité, au premier rang desquels les préfets, les procureurs, les maires, ainsi que les acteurs de la vie sociale (bailleurs sociaux, sociétés de transport public, établissements commerciaux...). Ils sont donc des outils d’une politique de sécurité s’appliquant en priorité aux quartiers sensibles, conclus sous l’impulsion du maire d’une ou plusieurs communes et du représentant de l’Etat dans le département, lorsque la délinquance est particulièrement sensible sur un territoire donné.

Ce dispositif étant relativement ancien, l’État a mis en place d’autres outils, conduisant le juge administratif à se prononcer pour savoir s’il était possible de les assimiler ou non à un contrat local de sécurité.

Ainsi, des juges ont pu juger qu’une stratégie territoriale de sécurité et de prévention de la délinquance ne serait pas assimilable à un contrat local de sécurité [9], ce qui n’est toutefois pas la position unanime de la jurisprudence [10].

Le juge administratif a également pu relever que les contrats locaux de sécurité sont désormais intitulés contrats de sécurité intégré [11] :

« Dès lors que les contrats de sécurité intégrée couvrent le même territoire que les contrats locaux de sécurité, qu’ils se sont substitués aux schémas locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (SLSPD), qui eux-mêmes ont succédé aux contrats locaux de sécurité, qu’ils impliquent des responsabilités élargies pour atteindre les mêmes objectifs et mobilisent les mêmes acteurs, c’est à tort que le tribunal a estimé que le contrat local de sécurité n’était pas assimilable au contrat de sécurité intégré, déclinant un même objectif sous une nouvelle terminologie ».

Une certitude est que ces contrats se distinguent des conseils locaux, ou intercommunaux, de sécurité et de prévention de la délinquance prévus à l’article L132-4 du Code de la sécurité intérieure et ne doivent pas être confondus avec un quartier prioritaire de la ville.

Le juge administratif a ainsi pu considérer qu’un agent n’intervenait pas dans le cadre d’un contrat local de sécurité alors qu’il apportait la preuve qu’il agissait dans le cadre de conseils locaux de sécurité. Le juge a retenu que « l’existence de ces conseils ne permet pas de conclure que ces communes seraient couvertes par un contrat local de sécurité » [12].

De même, la circonstance que les contrats locaux de sécurité soient conclus en priorité dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville et sont animés, lorsqu’ils existent, par le CLSPD, n’implique pas et n’a pas pour effet que tout quartier prioritaire, politique de la ville soit couvert par un contrat local de sécurité [13].

Enfin, pour démontrer accomplir la majeure partie de son activité dans le périmètre d’un contrat local de sécurité, la preuve se fait par tout moyen.

La fiche de poste et un compte-rendu d’entretien annuel, indiquant le lieu d’intervention de l’agent, sont suffisants [14], tout comme la production du projet de service du STEMO [15].

Une attestation de la responsable de l’UEMO peut également suffire [16].

À l’inverse, la simple production d’ordonnances de la juridiction judiciaire est insuffisante [17].

En conclusion, la demande de la NBI au titre de la politique de la ville pour les agents du ministère de la Justice nécessite un travail de recherche en amont afin de préciser le fondement juridique de la demande et de réunir les preuves suffisantes.

Chaque agent doit pouvoir faire valoir ses droits et percevoir la NBI au titre de la mise en œuvre de la politique de ville s’il en réunit les conditions.

En fonction du fondement de la demande, la charge de la preuve est plus ou moins difficile. Il ne faut pas hésiter à adresser, à son employeur, des demandes de communication de documents administratifs.

Guillaume Delarue,
Avocat au barreau de Paris,
Ancien Membre du Conseil National des Barreaux.
www.delarueavocat.com

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Notes de l'article:

[1Article L712-12 du Code général de la fonction publique.

[2Décret n° 93-522 du 26 mars 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la NBI dans la FPE, décret n° 93-863 du 18 juin 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la NBI dans la FPT, décret n° 94-139 du 14 février 1994 relatif aux conditions de mise en œuvre de la NBI dans la FPH.

[3Pour des agents relevant de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse : TA Paris, 10 novembre 2022, n°2008683, Tribunal administratif de Nîmes, 4ème Chambre, 10 juillet 2025, n°2301176.

[4Article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

[5Décret n° 2014-767 du 3 juillet 2014 relatif à la liste nationale des quartiers prioritaires de la politique de la ville et à ses modalités particulières de détermination dans les départements métropolitains.

[6Décret n° 2023-1314 du 28 décembre 2023.

[7CAA Lyon, 5 octobre 2023, n° 22LY00579.

[8Référence NOR : INTK9700174.

[9CAA Paris, 30 septembre 2022, n° 21PA04720.

[10TA Nîmes, 15 avril 2025, n° 2402643, CAA Bordeaux, 6 avril 2023, n° 21BX02561.

[11CAA Nantes, 29 octobre 2024, n° 23NT02415, CAA Lyon, 18 septembre 2025, n° 24LY02375.

[12CAA Lyon, 18 septembre 2025, n° 24LY02374, TA Grenoble, 22 avril 2025, n° 2204884.

[13CAA Paris, 13 décembre 2023, n° 23PA00748.

[14CAA Paris, 13 décembre 2023, n° 23PA00748, TA Châlons-en-Champagne, 11 décembre 2024, n°2300638.

[15TA Nîmes, 12 mai 2025, n° 2402037.

[16TA Versailles, 4 juillet 2024, n° 2202846.

[17TA Versailles, 7 juillet 2022, n° 2002173.

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