EHPAD : La prescription quinquennale de l’action en paiement des frais de séjour.

Par Malaury Ripert, Avocat.

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Par arrêt en date du 4 avril 2024 la Cour d’appel de Paris a jugé que l’action en paiement des frais de séjour à l’encontre d’un résident est soumise au délai quinquennal de droit commun prévu par l’article 2224 du Code civil et non pas à la prescription biennale prévue par l’article L218-2 du Code de la consommation [1].

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Dans cette affaire un EHPAD [2] avait interjeté appel d’une ordonnance du juge de la mise en état qui avait déclaré irrecevables ses demandes en paiement pour cause de prescription. Le juge de la mise en état avait considéré qu’en l’absence de dispositions particulières relatives à la prescription applicable au contrat, contrat spécifique soumis aux dispositions des articles L342-1 à L342-5 du Code de l’action sociale et des familles, et dans la mesure où le contrat avait été conclu entre un professionnel et un consommateur, le délai de prescription biennal de l’article L218-2 du Code de la consommation devait s’appliquer.

La cour d’appel a examiné si le délai de prescription applicable était biennal [3] ou quinquennal [4].

Pour ce faire, la cour a rappelé les dispositions de l’article 2221 du Code civil selon lesquelles la prescription extinctive est soumise à la loi régissant le droit qu’elle affecte, ainsi que les termes de l’article 2223 du Code civil ajoutant que les dispositions du titre relatif à la prescription de ce code ne font pas obstacle à l’application des règles spéciales prévues par d’autres lois.

La cour a déduit que le délai quinquennal de droit commun prévu par l’article 2224 du Code civil est applicable à défaut d’autre règle prévue par une loi spéciale pour conclure que le contrat de séjour en EHPAD ne relevait pas du Code de la consommation, mais du droit commun, rendant ainsi la demande recevable.

La cour a en effet considéré que le contrat de séjour en EHPAD est un contrat spécifique soumis aux dispositions des articles L342-1 à L342-5 du Code de l’action sociale et des familles dont les prestations sont facturées selon les dispositions légales et réglementaires expressément visées (arrêté du président du Conseil général conformément aux dispositions de l’article L314-2-2 du Code de l’action sociale et des familles), de sorte qu’elles ne relèvent pas du droit spécial de la consommation, ce qui exclut l’application de l’article L218-2 du Code de la consommation. La prescription biennale prévue par ce texte est donc inapplicable à l’action en paiement de l’EHPAD fondée sur le contrat de séjour et d’hébergement.

Par arrêt en date du 25/09/2020 portant sur la compétence matérielle de la juridiction saisie la Cour d’appel de Paris a déjà eu l’occasion de préciser la spécificité du contrat de séjour en EHPAD indiquant que le contrat de séjour passé entre un établissement régi par l’article L313-1 du Code de l’action sociale et des familles et le résident permet la mise à disposition d’une chambre meublée, ainsi que la restauration, la fourniture d’activité d’animation, les prestations liées à accompagner sa perte d’autonomie et dans ce cadre, la fourniture de soins et une aide médicale et paramédicale, moyennant un tarif journalier, l’établissement se réservant par ailleurs la possibilité d’un transfert de chambre et d’unité en fonction de la réévaluation du projet personnalisé du résident, découlant de son état de santé. La cour a considéré à juste titre « C’est donc en conséquence, non pas un loyer convenu pour l’occupation d’une chambre qui est perçu mais un prix de pension, lequel varie en fonction de l’état de dépendance du résident, qui conditionne les modalités d’hébergement et dont celui-ci n’a pas le choix. Il s’ensuit que le présent litige ne relève pas de la compétence du juge des contentieux de la protection et que c’est à tort que le tribunal judiciaire de Bobigny s’est déclaré incompétent » [5].

Le contrat de séjour n’est donc pas soumis aux dispositions de l’article 7-1 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, qui limite à 3 ans toute action dérivant d’un contrat de bail « Toutes actions dérivant d’un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit ».

Ainsi, l’action en paiement des frais de séjour à l’encontre d’un résident est soumise au délai de droit commun prévu par l’article 2224 du Code civil « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Le délai commence donc à courir à compter de la date d’échéance de facture impayée.

Malaury Ripert, Avocat au barreau de Paris

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Notes de l'article:

[1Cour d’appel de Paris, Pôle 4 chambre 10, 4 avril 2024, n° 23/07979.

[2Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes.

[3Article L218-2 du Code de la consommation.

[4Article 2224 du Code civil.

[5Cour d’appel de Paris, Pôle 4 - chambre 3, 25 septembre 2020 n° 20/02617.

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