Le poids des enquêtes internes : une expérience vécue.
Les enquêtes internes en entreprise sont des armes à double tranchant, surtout lorsqu’elles concernent des accusations de harcèlement. Ces processus ne devraient jamais être pris à la légère, car ils peuvent non seulement détruire des carrières, mais aussi des vies. Permettez-moi de partager une expérience personnelle qui illustre les dangers d’une enquête menée sans un véritable esprit de justice.
Dans un cas où j’ai été sollicité en tant qu’enquêteur externe, un employeur avait déjà décidé du sort d’une salariée avant même le début de l’enquête interne. Un juriste de l’entreprise avait été chargé de mener les entretiens, non pour rechercher la vérité, mais pour formaliser une décision déjà prise. Plusieurs plaignants avaient été entendus, mais l’ensemble de la démarche était biaisé par une conclusion préconçue : le licenciement de la salariée pour faute grave suite à du harcèlement moral présumé avéré.
Face à une telle manipulation, la salariée, sur les conseils de son avocat, m’a demandé d’effectuer une contre-enquête. Ce processus a permis de mettre en lumière les irrégularités et les injustices de l’enquête initiale, révélant ainsi la manipulation orchestrée par l’employeur. Suite à cette contre-enquête, l’employeur a été condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que pour harcèlement moral envers la salariée.
Cet épisode démontre l’importance cruciale de la contradiction dans toute enquête. Chaque partie, qu’il s’agisse de la victime présumée ou de la personne accusée, doit être entendue équitablement. La jurisprudence actuelle peut ne pas l’exiger explicitement, mais la justice, elle, ne saurait s’en passer.
En tant que professionnels, nous devons veiller à ce que les enquêtes soient menées avec équité, transparence et impartialité. Il est essentiel de former les enquêteurs à éviter les biais et à garantir une collecte de preuves équilibrée. Chaque accusation doit être traitée avec le sérieux qu’elle mérite, sans précipiter un jugement ni compromettre les droits de l’accusé.
Partageons cette réflexion pour promouvoir des pratiques plus justes. L’intégrité des enquêtes internes est non seulement une question de respect des individus, mais elle est également essentielle pour maintenir la confiance dans nos institutions et nos entreprises.
Enquêter ne s’improvise pas et l’amateurisme coûte cher à l’entreprise.
Un récent arrêt de la Cour d’appel de Metz montre l’importance cruciale des enquêtes professionnelles sur le harcèlement en entreprise :
L’affaire récente jugée par la Cour d’appel de Metz le 7 février 2024 souligne avec acuité les risques encourus par les entreprises qui négligent de mener des enquêtes professionnelles et rigoureuses en réponse aux accusations de harcèlement. Dans ce cas spécifique, la cour a rejeté les conclusions d’une enquête interne menée par l’employeur, la qualifiant de « peu pertinente », et a donné raison à une salariée qui avait rompu son contrat en invoquant un harcèlement moral et sexuel.
L’enquête de l’entreprise a été critiquée pour plusieurs raisons déterminantes. Tout d’abord, elle a été réalisée près d’un an après les faits allégués, un délai excessivement long qui non seulement pose question sur la volonté de l’employeur de traiter sérieusement les allégations, mais risque également de compromettre la collecte des témoignages et la conservation des preuves.
De plus, cette enquête a été critiquée pour son manque d’impartialité. Le choix de limiter les auditions uniquement aux personnes accusées et à deux témoins désignés par ces derniers manifeste une évidente absence d’objectivité. Le fait que la salariée plaignante n’ait pas été interviewée discrédite encore davantage les efforts de l’entreprise pour clarifier la situation.
Cette affaire met en exergue l’importance pour les employeurs de réagir promptement et adéquatement dès la réception d’allégations de harcèlement. Les enquêtes doivent être confiées à des professionnels formés pour aborder ces situations avec la gravité et l’expertise requises. L’objectif est double : protéger les victimes potentielles et préserver l’intégrité de l’entreprise.
La décision de la Cour d’appel est un rappel et recadrage sévère que les tribunaux n’hésiteront pas à invalider les enquêtes biaisées ou mal conduites. Pour éviter de telles déconvenues judiciaires, qui peuvent mener à des sanctions importantes et nuire à la réputation de l’entreprise, il est crucial d’adopter une démarche proactive, méthodique et impartiale dans la gestion des accusations de harcèlement. En fin de compte, une enquête bien menée et par un professionnel, est gage de justice et de crédibilité pour tous les acteurs concernés.