En matière d’escroquerie aux placements financiers il est important, dès la découverte des faits, de mettre en place une procédure de recall [1].
Il arrive fréquemment que la banque de la victime commette des erreurs lors du lancement de la procédure, ou l’effectue avec retard.
Dans ce cas la responsabilité de la banque doit pouvoir être engagée.
Quels étaient les faits du dossier ?
Le 19 février 2020, Mme X a effectué à partir de son compte un virement de 36.000 € vers une banque portugaise afin de financer l’acquisition de places de parking au Portugal.
Le 24 février elle a été informée, par sa banque, qu’elle avait probablement été victime d’une escroquerie.
Le lendemain, soit le 25 février 2020, elle a régularisé une demande de restitution des fonds dite « Recall » qui n’a pas prospéré, la banque destinataire du virement ayant répondu : « pas d’opération initiale reçue ».
Estimant que sa banque avait d’un part manqué à son obligation de vigilance, d’autre part mal exécutée la procédure de recall, Madame X l’a assigné en responsabilité.
Pourquoi le recall devait être considéré comme mal exécuté par la banque ?
Lorsqu’une demande de rappel des fonds est réalisée par la banque de la victime la banque bénéficiaire du virement doit, en cas de réponse négative, impérativement souligner l’un des motifs suivants :
- Les sommes sur le compte sont insuffisantes
- Le compte est clôturé
- Des raisons légales font obstacles au recall. Le texte doit être visé
- Le bénéficiaire refuse le recall
- Le bénéficiaire n’a pas répondu dans les 15 jours
- Le virement n’a jamais été reçu par la banque bénéficiaire
Les fonds ont déjà été retournés
A chaque motif correspond un code.
En l’espèce la banque bénéficiaire avait adressé le code NOOR « pas d’opération initiale reçue ».
Un guide des codes interbancaires est publié par le Conseil européen des paiements sur son site internet.
En anglais il est intitulé « Guidance on Reason Codes for SCT R-transactions ».
Ce guide nous donne des informations sur le code NOOR (pas d’opération initiale reçue) utilisé par la banque bénéficiaire.
Il résulte des stipulations de ce guide que le code « NOOR » (pas d’opération initiale reçue) :
- est utilisé dans un cas limitatif, lorsque la banque bénéficiaire ou le bénéficiaire nie avoir reçue la transaction initiale ;
- la cause possible est que la demande a été adressée à la mauvaise banque ou au mauvais bénéficiaire ;
- l’action suggérée est en ce cas que la banque du donneur d’ordre adresse la demande de recall à la bonne banque bénéficiaire ou au bon bénéficiaire.
L’utilisation de ce code était donc particulièrement étonnante. Celle-ci ne correspondait pas à la réalité puisque le paiement avait été encaissé. Il y avait manifestement une erreur lors de l’émission du recall.
Dans ces conditions, il appartenait à la banque de la victime a minima de procéder à une vérification supplémentaire en contactant directement la banque bénéficiaire des virements.
C’est ce qu’a jugé la Cour d’appel de Lyon en énonçant que
« en n’effectuant pas cette recherche complémentaire pour tenter de bloquer les fonds objet du virement, elle a engagé sa responsabilité contractuelle à l’égard de sa cliente, ce dont elle lui doit réparation ».
Cette solution est tout à fait logique. La banque est tenue de tout mettre en œuvre pour rapatrier les fonds. Elle ne peut se contenter d’une demande de pure forme sans vérifier l’effectivité de celle-ci.
Quel préjudice a été retenu par la Cour d’appel de Lyon ?
La Cour d’appel de Lyon a retenu un préjudice pour perte de chance.
En revanche elle a fixé la perte de chance à 15% considérant que « la procédure de recall a été engagée 6 jours après le virement, alors qu’une telle opération ne doit pas dépasser un délai de 24 heures en Europe. De plus, s’agissant d’une escroquerie, les chances d’obtenir restitution des fonds ou de toute autre somme d’un même montant se trouvant sur le compte étaient des plus minces passé un tel délai ».
Il est vrai que le temps écoulé diminue les chances de succès de la procédure de recall.
Cependant l’ouverture des comptes support de l’escroquerie est une opération périlleuse pour les escrocs. Les comptes restent souvent ouverts plusieurs semaines, jusqu’au moment où les faits sont révélés.
Ils servent alors à plusieurs opérations frauduleuses et il arrive fréquemment que des sommes puissent être récupérés, et ce même deux ou trois semaines après les virements.
Un pourcentage de 50% aurait sans doute été plus adapté.