1. Le sens de la décision du Conseil d’Etat : une évolution significative.
Un médecin a demandé à la Ministre des solidarités et de la santé d’abroger l’article R. 4127-19 du Code de la santé publique qui prévoit que :
"La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce.
Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale."
La Ministre a rejeté cette demande et le médecin a saisi le Conseil d’État de ce refus. Il lui a demandé d’annuler la décision de la Ministre et donc d’abroger l’article litigieux au visa de l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) qui dispose quant à lui que :
"Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de l’Union sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un État membre autre que celui du destinataire de la prestation. [...]“
A ce stade, il convient de souligner que sont considérées comme services les prestations fournies normalement contre rémunération. Ils comprennent notamment les activités des professions libérales (article 57 du TFUE).
Il est important de noter que le Conseil d’Etat, déjà saisi de cette question en 2016, avait alors rejeté le recours (CE, 04/05/2016, n°383548).
Cette fois-ci, le Conseil d’Etat a d’abord rappelé que la Cour de justice de l’Union européenne avait jugé, le 4 mai 2017 (affaire C-339/15) et au sujet des prestations des soins buccaux et dentaires, que l’article 56 du TFUE s’opposait à une interdiction de manière générale et absolue de toute publicité relative à ces prestations.
Il a ensuite logiquement conclu, s’agissant des médecins, que l’article 56 du TFUE s’opposait également à :
"à des dispositions réglementaires qui interdisent de manière générale et absolue toute publicité, telles que celles qui figurent au second alinéa de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique."
Opérant ainsi un revirement de jurisprudence significatif, le Conseil d’Etat a donc annulé la décision de la Ministre. Il la contraint de fait à abroger l’article R. 4127-19 alinéa 2 du code de la santé publique.
2. Les conséquences de la décision du Conseil d’État.
La publicité, déjà autorisée pour les établissements de santé, apparaît désormais également permise aux professionnels de santé.
Ces derniers pourront ainsi communiquer plus librement et par exemple sur :
les spécialités additionnelles admises par les ordres,
les formations suivies dans le cadre du développement professionnel continu (DPC),
la participation à des actions de santé publique,
les actes et soins les plus couramment pratiqués,
les équipements disponibles au sein du cabinet...
L’achat de référencements prioritaires payants sur les moteurs de recherche, jusqu’alors prohibé en raison de son caractère publicitaire, se trouve ainsi autorisé.
Certes, il convient de rester attentif au prochain décret qui sera pris par la Ministre, décret qui ne manquera pas, à son tour, d’être attaqué devant le Conseil d’Etat s’il est trop restrictif.
En conclusion l’interdiction générale et absolue de toute publicité pour des prestations des professions libérales en général et des professionnels de santé en particulier, appartient dorénavant au passé. On peut en revanche imaginer que, si la publicité sera à l’avenir autorisée, elle sera néanmoins encadrée dans des limites qui restent à définir.
Discussions en cours :
Ma question en rapport avec votre conclusion :
"Certes, il convient de rester attentif au prochain décret qui sera pris par la Ministre, décret qui ne manquera pas, à son tour, d’être attaqué devant le Conseil d’Etat s’il est trop restrictif."
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Non seulement le Ministre n’a pas pris de décret afin d’encadrer la publicité, mais il n’a même pas pris de décret d’abrogation du texte jugé contraire au TFUE. A cet égard, une procédure est en cours afin d’obliger l’Etat à se conformer à la décision du Conseil d’Etat et à procéder à l’abrogation de l’article R.4127-19 alinéa 2 du CSP.
Bonjour le décret est il paru ?
il suffit de relire l’article 55 de la Constitution française où cette primauté est affirmée.
Que les ministres français suivent les règles européennes du droit !
Ce qui permet au conseil d’Etat (en matière administrative) d’annuler une décision (oiseuse) prise par un ministre... de passage !
Ceci éviterait bien des recours, longs et couteux !