La discrimination, notamment certaines formes d’entre elles comme la discrimination dans les conditions de travail, la rémunération ou la carrière, est par nature diffuse, opaque.
Le contentieux de la discrimination est d’abord un contentieux individuel même si une proportion non négligeable de décisions concerne plusieurs salariés. Ces affaires ont donc un aspect collectif, mais elles sont traitées comme une addition d’affaires individuelles. Le droit français en effet ne connaît pas les actions de groupe. Mais le fait d’aborder plus globalement la situation des salariés permet pourtant de révéler certaines situations discriminatoires qui échapperaient à une telle qualification dans le cadre d’un contentieux purement individuel.
Ainsi la loi n°2001-1066 du 16 novembre 2001 « relative à la lutte contre les discriminations » permet également le renforcement des moyens d’action avec la possibilité pour les syndicats et les associations d’agir en justice (sous réserve qu’elles justifient d’accord écrit de l’intéressé), ce qui peut-être interprété comme l’intervention d’acteurs collectifs. Dans les relations de travail ce sont les organisations syndicales de salariés qui sont, à titre principal, susceptibles de jouer ce rôle. Elles peuvent se joindre à l’action individuelle des salariés par une action pour la défense des intérêts collectifs (article L.411-11 du code du travail), elles le font pour les discriminations syndicales qui portent nécessairement atteinte à l’organisation elle-même au delà de ses représentants ou de ses militants. Les organisations syndicales représentatives au plan national ou dans l’entreprise peuvent exercer en justice toute action relative à des agissements discriminatoires, en faveur d’un salarié de l’entreprise ou d’un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise. Le syndicat doit notifier par écrit à l’intéressé son intention d’exercer l’action en justice. Il peut agir sans le mandat de l’intéressé, sous réserve que celui-ci ne s’y oppose pas dans un délai de 15 jours à compter de la date de la notification.
Les associations régulièrement constituées depuis 5 ans peuvent également agir en matière de discrimination. Elles le font principalement devant les juridictions pénales dans les contentieux relatifs au refus l’embauche de personnes, principalement à raison de leur origine ou en faveur d’un salarié de l’entreprise ou d’un candidat à un emploi, à un stage ou une période de formation en entreprise. Elles peuvent également intervenir devant les juridictions civiles comme parties intervenantes volontaires . Dans le cadre de la lutte contre les discriminations liées au handicap, l’action peut également être intentée, sous les mêmes conditions, par les associations œuvrant dans le domaine du handicap. L’intervention des associations revêt une fonction tribucienne : dénoncer les discriminations en prenant appui sur le caractère symbolique de la condamnation pénale. L’association doit pouvoir justifier d’un accord écrit de l’intéressé. Celui-ci est libre d’intervenir à l’instance engagée par l’association et d’y mettre un terme à tout moment.
Dans le cadre de l’action collectif les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte (possibilité de saisir l’employeur en cas d’atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles). En cas d’atteintes aux droits des personnes et aux libertés individuelles résultant de mesures discriminatoires en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement, ils peuvent saisir l’employeur qui doit procéder sans délai à une enquête et mettre fin à cette situation. Si l’employeur ne réagit pas à cette alerte, le référé prud’homal peut être saisi par le salarié concerné ou, avec son accord, par les délégués du personnel.
Enfin, il semble indispensable de mettre en avant le renforcement des pouvoirs d’enquête de l’inspection du travail par la loi n°2001-1066 du 16 novembre 2001 « relative à la lutte contre les discriminations » peut contribuer à de telles actions. L’inspecteur peut désormais « se faire communiquer tout document ou tout élément d’information, quel qu’en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles d’établir » une discrimination . L’inspection du travail devient donc un acteur central pour révéler ces discriminations. Et si naturellement son enquête peut, le cas échéant, déboucher sur une action pénale, les observations peuvent également et c’est effectivement le cas dans de nombreux contentieux étayer les allégations du salarié devant une juridiction civile. L’article L.611-1 du code du travail prévoit aussi que les inspecteurs du travail peuvent constater les décisions et actes discriminatoires définis aux 3° et 6° de l’article 225-2 du code pénal.
Scialom Raphaël