En effet, ces œuvres prêtées par un collectionneur de la région, Dominique Viano, font l’objet de nombreux doutes de la part de connaisseurs de Basquiat : pour certains d’entre eux, les dessins exposés et non signés de l’artiste seraient des faux.
Selon Richard Rodriguez, collectionneur et grand connaisseur de Basquiat, qui n’est toutefois pas expert officiel du peintre new-yorkais, il émane de ces dessins un manque criant de spontanéité. De plus, le mélange des couleurs ne ressemblerait pas à ce que l’artiste avait pour habitude de faire et la mauvaise qualité des matériaux utilisés serait également révélatrice de la supercherie.
Pour ce fin connaisseur qui avait identifié quatre fausses œuvres de Basquiat vendues lors de la FIAC en 1994, « cela ressemble à tout sauf à du Basquiat ». Il déclare : « je n’ai pas besoin d’aller voir les dessins, ils sont tellement puérils et faits grossièrement. Ils veulent faire passer Basquiat pour un gamin ». D’autant plus que ces œuvres sont présentées sans cadre sous de simples vitrines, ce qui éveille davantage les soupçons.
En effet, la valeur de l’ensemble des œuvres serait comprise entre 20 à 30 millions d’euros, ce qui impliquerait des conditions drastiques de présentation au regard de l’assurance des œuvres. A ce sujet, Nordine Zidoun, galeriste ayant déjà exposé Basquiat en 2016 évoque le fait que les assureurs d’œuvres d’art imposent de rigoureuses conditions de sécurité, « jusqu’à exiger des barreaux aux fenêtres de sa galerie », comme le rapporte Radio France. Ce qui est loin des modestes précautions prises par la galerie bourguignonne.
Dominique Viano, marchand d’art à l’origine de l’exposition, affirme quant à lui avoir acquis les œuvres en bonne et due forme : il les aurait achetées à un collectionneur français qui les aurait achetées à un collectionneur américain nommé David Rosen.
Ce dernier aurait acquis les dessins auprès de Jean-Michel Basquiat en personne, au Mudd Club, célèbre discothèque new-yorkaise dans laquelle l’artiste se produisait et vendait ses œuvres contre de modiques sommes (50 dollars), durant les années 80.
Néanmoins, l’amateur d’art anglo-saxon qui serait à l’origine de la transaction s’avère pourtant inconnu dans le milieu du marché de l’art, ce qui semble étrange pour un collectionneur qui aurait possédé autant d’œuvres de Basquiat.
Bien que des attestations de provenance de ces 35 dessins existent, celles-ci sont jugées peu convaincantes par les spécialistes, au motif qu’il s’agit de simples documents ne mentionnant même pas le montant des transactions.
Toutefois, malgré ces diverses constations, il est impossible d’affirmer avec certitude que ces dessins sont de faux Basquiat. Et pour cause, il arrivait à l’artiste de vendre des œuvres non signées au Mudd Club notamment. Aussi, le fait que les dessins soient présentés sans encadrement ne présume pas de leur inauthenticité : pourquoi ne pas prendre en considération le choix scénographique de la galerie, ayant peut-être simplement voulu exposer les œuvres en toute simplicité ?
Et si certaines voix se sont élevées pour dénoncer la supposée tromperie, il n’en demeure pas moins qu’aucun comité scientifique officiel n’est apte à se prononcer quant à l’authenticité des œuvres de Basquiat. Effectivement, son comité d’authentification a fini par être dissous en 2012 en raison des nombreuses et coûteuses actions en justice intentées à son encontre lorsqu’il refusait de certifier une œuvre.
S’il existe un catalogue raisonné répertoriant les peintures de Basquiat, rien n’existe pour les dessins, laissant dès lors la place au doute sur l’authenticité des dessins.
S’agissant de cette affaire des 35 dessins de Basquiat, ni le parquet de Dijon ni l’Office Central de lutte contre le trafic des Biens Culturels (OCBC) n’ont été saisis.
Quoi qu’il en soit, ces polémiques contribuent assurément à fragiliser un marché de l’art déjà ébranlé par de multiples controverses.