Pour autant, le lendemain soit le 11 mars 2021, le Président du Tribunal correctionnel d’Aix-en-Provence faisait procéder à l’expulsion d’un avocat dans l’exercice de ses fonctions et procédait au jugement de son client absent et non représenté.
Retour sur les faits intervenus à l’audience du Tribunal Correctionnel d’Aix-en-Provence le 11 mars 2021 :
Une audience assez classique relative à une affaire de trafic de stupéfiant réunissait une dizaine de prévenus dont la plupart comparaissaient libres.
Maître Paul Sollacaro, avocat de l’un des prévenus devant comparaître libre, informait le Président la veille de l’audience de la qualité de « cas contact » à la Covid-19 de son client, et lui indiquait être dans l’attente d’un test PCR.
Le jour de l’audience Maître Paul Sollacaro présentait une demande de disjonction au regard du test revenu positif de son client.
Au regard de l’infraction poursuivie et des règles relatives à la récidive, ce dernier encourt alors une peine de vingt années d’emprisonnement.
La disjonction aurait permis la poursuite de l’audience et la comparution ultérieure de son client dans des conditions favorables à l’exercice des droits de la défense.
Un refus était alors opposé à la demande de disjonction par le Président Rivet, face à ce refus Maître Sollacaro indiquait alors qu’il allait demander à son client de comparaitre à l’audience malgré son état de santé afin de répondre aux griefs qui lui étaient reprochés.
Il arrive fréquemment que les rapports entre la défense et la juridiction soient rugueux et que les débats sur l’application de la règle de droit ou sur l’opportunité d’un renvoi donnent lieu à de vifs échanges.
En l’espèce, le Président manifestement agacé par la demande relative à l’exercice du plus élémentaire des droits de la défense s’agissant de comparaitre en personne à son procès, décidait de se passer de ce qui constitue l’exercice du second des droits les plus élémentaires à savoir l’assistance d’un avocat.
Maître Paul Sollacaro était ainsi expulsé par la force publique du prétoire.
L’ensemble des avocats quittaient la salle d’audience et refusaient de poursuivre leur mission dans ces conditions.
L’audience était suspendue.
Les Bâtonniers d’Aix-en-Provence et de Nice se désignaient d’office pour assurer la défense des prévenus et solliciter le renvoi de l’affaire.
Le Parquet en la personne du Procureur de la République d’Aix-en-Provence lui-même sollicitait le renvoi.
Malgré cette tentative d’apaisement nécessaire à la sérénité des débats et surtout à l’exercice des droits de la défense de chacun des prévenus, le renvoi était refusé.
L’audience reprenait son cours sans la défense !
La profession se mobilisait. A travers cette expulsion toutes nos Robes subissaient cette violence inqualifiable.
Le Conseil National des Barreaux et la majorité des conseils de l’ordre diffusaient des motions très claires rappelant qu’un avocat ne peut être expulsé d’une salle d’audience dans l’exercice de ses fonctions [1]
Le Garde des Sceaux indiquait qu’il allait prendre les mesures qui s’imposent.
Le Président Rivet avait plutôt mal choisi le jour de cette « voie de fait », la Chambre criminelle de la Cour de cassation [2] rendait la veille soit le 10 mars 2021 un arrêt sanctionnant un mandat de dépôt aux motifs suivants :
« En effet, les juges ayant constaté qu’un refus injustifié de délivrance du permis de communiquer avait été opposé à l’avocat choisi, lequel n’a pas été en mesure d’assurer la défense du mis en examen lors de ce débat, le fait que ce dernier ait accepté d’être défendu par l’avocat de permanence lors du débat contradictoire ne permet pas d’écarter toute atteinte à ses droits. »
Ce qui emporte les conséquences suivantes :
« Le défaut de délivrance du permis de communiquer en temps utile, met en cause la régularité du débat contradictoire et donc celle de l’ordonnance rendue et du titre de détention qui en résulte. La cassation aura donc lieu sans renvoi et l’intéressé sera remis en liberté s’il n’est détenu pour autre cause. »
La Chambre criminelle dans cet arrêt prémonitoire rappelait ainsi qu’il ne peut pas y avoir d’audience sans l’avocat du prévenu.
La Haute juridiction rappelle que l’avocat ne peut pas être substitué par un conseil que le prévenu n’aurait pas lui-même choisi et ce même dans l’hypothèse où le prévenu aurait renoncé à ce droit.
Souhaitons que le Président Rivet puisse en prendre connaissance et adapter sa jurisprudence car cet arrêt rappelle solennellement un principe élémentaire : sans avocat aucun procès n’est possible.
Vos commentaires
Retors et amateur comme je suis, fan de scenarii alambiqués, je me suis dit : et si un juge copine avec un prévenu ? N’est ce pas là un moyen rapide de lui faire recouvrir la liberté ?
Plutôt cocasse cette situation...mais incompréhensible de la part d’un Président !