Les impayés de loyers sont la crainte majeure de tout bailleur commercial. Ils réduisent immédiatement la rentabilité du bien et fragilisent l’investissement.
Heureusement, il existe des outils juridiques pour anticiper ce risque dès la signature du bail (I) et pour agir efficacement lorsque surviennent les impayés (II).
I / Les mesures préventives : anticiper les difficultés.
A/ À l’égard du preneur.
1. Le dépôt de garantie.
La première solution pour se prémunir des impayés est classiquement la mise en place d’un dépôt de garantie. Son plafond est de trois mois de loyers lorsque le loyer est payable par trimestre et d’avance [1].
Ce dépôt permet d’imputer les loyers impayés ou des dégradations, mais sa portée reste limitée à son montant.
2. La clause résolutoire.
En complément, la clause résolutoire, lorsqu’elle est stipulée au bail, permet au bailleur d’obtenir la résiliation du bail en cas de défaut de paiement des loyers ou charges.
Le cas échéant, elle suppose la délivrance d’un commandement de payer par huissier, resté infructueux au terme d’un délai d’un mois [2].
Une telle clause permet de mettre fin à la relation contractuelle en cas de défaillance persistante du preneur.
3. La clause pénale.
La clause pénale permet de fixer à l’avance une indemnité due par le locataire en cas d’impayés ou de retards.
Son intérêt est effet dissuasif à l’encontre du preneur et évite d’avoir à démontrer un préjudice.
Néanmoins, le juge peut en réduire ou augmenter le montant s’il la juge manifestement excessive ou dérisoire [3].
B/ A l’égard d’un tiers.
1. La caution (personnelle ou bancaire).
Par la caution, le paiement des loyers est garanti par un tiers (professionnel ou non) dans la limite d’un montant prévu. Il s’agit le plus souvent de la société mère ou d’un associé.
Néanmoins, pour être valable cet acte doit respecter un certain nombre de mentions, en particulier, celles prévues par l’article 2297 du Code civil pour assurer une bonne information de la caution [4].
2. La garantie autonome à première demande (GAPD).
Contrairement à la caution, la GAPD oblige la banque ou l’organisme garant à payer immédiatement les sommes réclamées par le bailleur, sans possibilité d’opposer d’exceptions [5].
L’intérêt de ce mécanisme est que le bailleur obtient des liquidités rapidement, même si le preneur conteste la dette.
3. Garantie de loyers impayés (GLI) pour baux commerciaux.
Souscrite par le bailleur, l’assurance de Garantie loyers impayés (GLI) couvre, en cas de défaillance du preneur, le paiement des loyers, charges et parfois les frais de procédure.
Elle permet de sécuriser le flux de trésorerie du bailleur, en couvrant généralement jusqu’à 24 mois d’impayés.
Toutefois, elle peut poser des conditions strictes d’éligibilité du preneur (solvabilité, absence d’incidents de paiement antérieurs).
Elle n’empêche pas d’activer en parallèle la clause résolutoire ou la clause pénale, mais sécurise le cash-flow du bailleur.
II/ Les mesures procédurales : agir contre les impayés.
A/ Avant de saisir le juge : le précontentieux.
1. Mise en demeure ou commandement de payer.
Il s’agit de l’étape incontournable en cas d’impayé.
Le bailleur adresse une mise en demeure au locataire. La mise en demeure octroie au preneur un délai pour régulariser.
Mais, si le bail contient une clause résolutoire, le bailleur doit signifier directement un commandement de payer visant la clause résolutoire. Cet acte est signifié par un commissaire de justice (ancien huissier de justice). Le preneur dispose alors d’un délai d’un mois pour s’exécuter, à défaut de quoi la résiliation peut être acquise.
2. Procédure simplifiée de recouvrement de petites créances.
Si le litige porte sur un montant inférieur à 5 000 € (sans demander la résolution du bail), le bailleur peut recourir à la procédure simplifiée. Cette procédure spécifique est mise en œuvre par un commissaire de justice qui peut être contacté par l’intermédiaire de la plateforme credicys.fr.
Elle permet de réclamer le paiement d’une créance dans un délai réduit d’un mois.
Le commissaire de justice envoie une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou un message électronique au débiteur pour l’inviter à participer à cette procédure. Le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour accepter ou refuser cette procédure. L’absence de réponse dans le délai d’un mois équivaut à un refus implicite.
A la suite de cette période, le commissaire de justice constate l’accord ou le refus du débiteur.
En cas de refus, le créancier pourra saisir le juge afin d’obtenir un titre exécutoire.
3. L’exécution forcée en cas de bail authentique.
Si le bail commercial a été reçu en forme authentique (acte notarié), il constitue un titre exécutoire [6].
Le bailleur peut alors directement mandater un commissaire de justice pour pratiquer une saisie (sur comptes bancaires, sur meubles, etc.) sans passer par une phase judiciaire préalable.
Néanmoins, il ne sera pas possible d’obtenir l’acquisition de la clause résolutoire et l’expulsion du bail sans saisir le juge. Le bailleur devra également demander au notaire l’apposition de la formule exécutoire.
4. Médiation ou conciliation.
Avant de saisir le tribunal, une médiation, une conciliation ou une procédure participative est obligatoire lorsque le montant des demandes est inférieur ou égal à 5 000 €. En cas d’échec de la tentative de résolution amiable obligatoire, le juge peut être saisi.
Si l’acquisition de la clause résolutoire est demandée alors la demande vise un préjudice dont le montant est indéterminé. L’étape de cette négociation amiable n’est plus obligatoire dans ce cas ; le juge peut être saisi directement.
B/ Contentieux.
1. L’injonction de payer.
La solution la plus simple et la plus rapide est de saisir le juge compétent par requête en injonction de payer pour obtenir une ordonnance condamnant le locataire au paiement des loyers impayés [7].
Néanmoins, une fois l’ordonnance rendue et signifiée au preneur, ce dernier peut y faire opposition. Cela rallonge alors les délais. Par ailleurs, il n’est pas possible d’obtenir la résolution du bail par cette voie.
2. Le référé et la résiliation judiciaire.
Les étapes précédentes, passées, il est alors possible de saisir le juge des référés pour obtenir le paiement des impayés et l’acquisition de la clause résolutoire.
Ce juge ne statue que si la créance n’est pas sérieusement contestable.
Le juge des référés constate l’acquisition de la claque résolutoire et ordonne l’expulsion, avec condamnation aux arriérés à titre de provision [8].
Si la créance se heurte à une contestation sérieuse [9], il convient de saisir directement le juge du fond ou de demander l’application de la passerelle entre référé et fond [10].
Tant en référé qu’au fond, dès lors que le bailleur demande la résiliation d’un bail commercial concernant un bien grevé d’inscriptions, il doit notifier sa demande aux créanciers inscrits [11].
Parallèlement, le bailleur pourra activer les garanties prévues au bail (caution, GAPD, …).
3. L’assignation au fond.
Enfin le bailleur peut également assigner directement au fond en cas de contestation sérieuse. Cela peut être le cas lorsqu’il existe des discussions au sujet de travaux, des charges ou de l’état des lieux. La procédure est plus longue que le référé. Le juge se prononcera sur le bien fondé de la demande tant pour les montants réclamés que pour l’acquisition de la clause résolutoire.
A défaut de clause résolutoire, le bailleur peut solliciter également la résolution judiciaire du bail en cas de grave manquement de la part du preneur.
Parallèlement au recouvrement judiciaire des sommes dues, il conviendra d’appeler les garanties prises lors de la conclusion du contrat de bail telles que la caution ou la garantie autonome.
En définitive, le bailleur dispose de véritables armes pour se prémunir et réagir face aux impayés :
- en amont, grâce aux garanties contractuelles et assurantielles ;
- en aval, en combinant mesures précontentieuses et recours judiciaires adaptés.
La stratégie doit toujours être adaptée à la gravité de l’impayé, au montant en jeu et à la volonté de maintenir ou non la relation contractuelle.


