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Dans les conditions prévues par les statuts, un gérant associé à parts égales avec un autre associé procède au remboursement de son compte-courant d’associé en décembre 2014. La société est mise en liquidation judiciaire en mai 2015 et la date de cessation des paiements est fixée en avril 2015.
Le liquidateur assigne le gérant en responsabilité pour insuffisance d’actif. Il considère, en effet, que ce remboursement du compte courant d’associé constitue une faute de gestion même si la société disposait sur le moment des liquidités suffisantes pour y procéder dans la mesure où il intervenait dans un contexte de difficultés financières qui privait la société de la trésorerie nécessaire au paiement de ses créanciers et à son activité. La cour d’appel ne fait pas droit à sa demande. Pour écarter la responsabilité du gérant, les juges retiennent simplement qu’au jour où il a été procédé au retrait du compte courant, les comptes bancaires de la société présentaient un solde créditeur d’une somme supérieure au montant du remboursement.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel. Les motifs retenus par les juges sont impropres à exclure à eux seuls la faute du gérant, à qui le liquidateur reprochait d’avoir procédé au remboursement de son compte courant d’associé en parfaite connaissance des difficultés financières de la société et particulièrement de sa situation de trésorerie, pour privilégier sa situation personnelle. A cet égard, qu’importe le caractère potestatif attribué à l’article 7 des statuts organisant le remboursement du compte courant. Le refus d’application dudit article par la cour d’appel ne suffit pas davantage à écarter le caractère fautif du retrait des fonds, dans les circonstances invoquées par le liquidateur.
La présente décision ne remet pas en compte le principe selon lequel les comptes courants d’associés ont pour caractéristique essentielle, en l’absence de convention particulière ou statutaire les régissant, d’être remboursables à tout moment. Mais, elle rappelle que cette faculté, peut être constitutive d’une faute de gestion. Cette position s’inscrit dans le prolongement d’une décision antérieure (Cass. com., 24 mai 2018, n° 17-10119). Dans une situation identique, le gérant impliqué avait déjà soutenu qu’aucune faute de gestion ne pouvait être retenue puisqu’à la date des remboursements des comptes courants d’associés, la société disposait d’une trésorerie suffisante et que la date de cessation des paiements avait été fixée postérieurement aux remboursements. La Chambre commerciale, en sanctionnant cet argument, réitère donc sa position. On ne saurait s’en tenir à une appréciation purement comptable du contexte de l’acte. Ce remboursement lorsqu’il est effectué, en toute connaissance de causes de difficultés de la société est constitutif d’une faute de gestion parce que s’analysant en un paiement préférentiel au détriment des créanciers… et de l’activité de la société.
Martine Dizel, Maître de conférences, université Toulouse I
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