Cet article souhaite guider les jeunes et leur famille dans leurs choix de parcours de projet professionnel, et fournit des ressources aux équipes éducatives qui aident les jeunes dans leur démarche d’orientation.
Pascal a écrit : « la chose la plus importante à toute la vie, c’est le choix du métier ».
Pour que le hasard n’en décide pas pour vous, je voudrais vous présenter la fonction de magistrat au civil.
Cette réflexion est essentielle pour choisir votre métier.
Je voudrais vous présenter de manière pertinente les principales qualités requises et les compétences fondamentales attendues du magistrat au civil par l’ensemble des acteurs du système judiciaire.
I- Les principales qualités requises du magistrat au civil.
Le Conseil constitutionnel a établi que "il ne soit tenu compte que des capacités, des vertus et des talents" et que "les capacités, vertus et talents ainsi pris en compte soient en relation avec les fonctions de magistrats". Cette exigence constitutionnelle délimite le cadre dans lequel s’inscrivent toutes les qualités attendues du futur magistrat.
Tout futur magistrat doit être de bonne moralité, jouir de ses droits civiques et remplir les conditions d’aptitude physique nécessaires à l’exercice de leurs fonctions. Le recueil des obligations déontologiques des magistrats, élaboré en 2010 par le conseil supérieur de la magistrature, s’articule autour de six grands principes qui constituent le socle des qualités exigées :
1. L’indépendance.
L’indépendance est la qualité cardinale du magistrat. Elle se manifeste par la capacité à résister aux pressions externes, l’autonomie de jugement face aux influences politiques, économiques ou sociales et la préservation de sa liberté de décision.
2. L’impartialité.
Cette qualité se décline en trois dimensions :
- L’impartialité institutionnelle : devoir absolu garantissant l’égalité des citoyens devant la loi ; élément de la confiance du public dans la justice.
- L’impartialité fonctionnelle : absence de parti pris ; respect du contradictoire ; le magistrat du siège ne doit pas manifester de conviction avant la décision et s’exprimer avec la même objectivité à l’égard de tous les acteurs du procès.
- L’impartialité personnelle : si le magistrat bénéficie des droits reconnus à chaque citoyen, il ne peut cependant souscrire aucun engagement de quelque nature qu’il soit (politique, philosophique, confessionnel, associatif, syndical, commercial...), ayant pour conséquence de le soumettre à d’autres contraintes que celles de la loi républicaine.
3. La dignité.
Le magistrat, par son comportement professionnel et personnel, contribue à justifier la confiance du public en l’intégrité de la magistrature. Le magistrat fait, par sa réserve, sa vigilance et sa discrétion, la preuve de son attention à l’image de la justice.
4. La probité et l’intégrité.
Cette qualité implique une exigence générale d’honnêteté et délicatesse, l’obligation de consacrer l’essentiel de son temps professionnel à ses fonctions judiciaires et la nécessité de faire preuve d’intégrité dans la désignation des experts et autres intervenants et se déporter sans attendre d’être récusé.
5. La loyauté.
La loyauté se manifeste par le souci de la dignité des personnes, l’application loyale des principes directeurs des procès, notamment le respect du principe de la contradiction et celui des droits de la défense et l’obligation de fonder ses décisions sur les éléments contradictoirement débattus en se gardant de tout a priori.
6. L’attention à autrui.
Le magistrat entretient des relations empreintes de délicatesse avec les justiciables, les victimes, les auxiliaires de justice et les partenaires de l’institution judiciaire, par un comportement respectueux de la dignité des personnes et par son écoute de l’autre.
II- Les principales compétences fondamentales du magistrat au civil.
La fonction de magistrat au civil est un métier qui nécessite à la fois des compétences techniques et intellectuelles et la capacité essentielle à appréhender les enjeux humains telles que des qualités relationnelles et comportementales, mais aussi des qualités organisationnelles et des qualités d’adaptation.
1. Les compétences techniques et intellectuelles.
La compétence juridique.
Cette exigence de compétence professionnelle implique une solide formation juridique initiale, une capacité d’adaptation aux évolutions du droit, une culture juridique étendue et une formation continue.
Les capacités rédactionnelles et d’analyse.
Le magistrat doit maîtriser la rédaction de décisions motivées et claires, l’analyse de dossiers complexes, la synthèse d’éléments juridiques et factuels.
La compétence en matière économique et commerciale.
La plupart des magistrats ne découvrent la matière commerciale que lorsqu’ils sont affectés dans une cour d’appel. La formation initiale dispensée par l’ENM est quasi-exclusivement juridique et un seul des pôles d’enseignement de cette école aborde le sujet de la vie de l’entreprise. Cette lacune souligne l’importance de développer des compétences économiques et commerciales pour les magistrats civils.
2. Les qualités relationnelles et comportementales.
La capacité d’écoute et de communication.
Le magistrat doit veiller à ce que ses propos soient intelligibles par toute personne en fonction de sa culture, sa situation, son état.
La maîtrise de soi.
Il doit éviter toute manifestation d’impatience et conserver une attitude neutre.
Le respect d’autrui.
Le magistrat ne doit pas user d’autoritarisme ou de familiarité déplacés et doit s’abstenir d’utiliser, dans ses écrits comme dans ses propos, des expressions ou commentaires déplacés, condescendants, vexatoires ou méprisants.
3. Les qualités organisationnelles.
La diligence dans un délai raisonnable.
Le magistrat doit agir avec diligence dans un délai raisonnable et doit rendre ses délibérés à bonne date, entamer les audiences à l’heure et respecter tous les intervenants à l’audience.
La gestion du temps et des priorités.
La fonction exige une capacité à organiser efficacement son travail et à hiérarchiser les urgences.
Toutefois, les moyens humains ne sont pas en adéquation avec la charge de travail que représentent à la fois le stock des affaires à juger et le flux des affaires entrantes. Des chambres comptent parfois 3 magistrats titulaires outre un magistrat honoraire. La contribution d’un magistrat honoraire est particulièrement utile puisqu’elle permet d’envisager la création d’audiences supplémentaires, mais cela demeure tributaire de l’état des finances publiques.
4. Les qualités d’adaptation et d’évolution.
La capacité de remise en question.
L’attention aux autres exige une disponibilité d’esprit et une réelle capacité à se remettre en cause en acceptant, par avance, le risque d’être critiqué.
L’adaptabilité aux évolutions.
Le magistrat doit s’adapter aux transformations du droit, aux nouvelles technologies et aux évolutions sociétales.
Conclusion : choisir magistrat au civil, c’est avoir un profil d’excellence pour être au service de la justice.
Ces qualités et compétences constituent un ensemble exigeant qui fait du magistrat un professionnel d’exception. La mission du magistrat est d’appliquer la loi au nom du peuple français, ce qui confère à ces exigences une dimension particulière.
En bref, les difficultés actuelles du métier de magistrat au civil sont : la charge de travail est considérable (surcharge chronique des tribunaux et cours d’appel), la pression sociale et médiatique est importante (responsabilité lourde des décisions), les contraintes budgétaires sont fortes (moyens insuffisants de la justice) et la mobilité géographique (mutations fréquentes en début de carrière).
Le candidat à la magistrature doit développer non seulement une expertise juridique solide, mais aussi des qualités humaines exceptionnelles, une éthique irréprochable et une capacité d’adaptation constante. Ces critères, scrutés lors des concours d’entrée à l’ENM et tout au long de la carrière, garantissent que seuls les profils les plus complets accèdent à cette fonction essentielle de l’État de droit.
Pour en savoir plus sur ce métier, n’hésitez pas à lire mon autre article : L’éloge de la magistrature civile : entre vocation noble et défis contemporains.



