I. Le Gouvernement, organe constitutionnel nécessaire à l’équilibre de la République.
A. Une nécessité constitutionnelle et organique.
Selon l’article 20 de la Constitution :
« Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. »
Cette disposition consacre la centralité juridique du Gouvernement dans la Vᵉ République. Il n’est pas une simple délégation du Président, mais un organe autonome, doté de prérogatives propres : direction de l’action gouvernementale, initiative des lois (article 39), pouvoir réglementaire (article 21), responsabilité devant le Parlement (article 49).
En droit, la vacance du Gouvernement n’est pas concevable durablement. En effet, sans gouvernement :
- aucun décret ne peut être pris,
- aucune loi ne peut être appliquée,
- aucun budget ne peut être exécuté.
L’Administration, par nature hiérarchisée, nécessite une autorité exécutive responsable. Le Gouvernement joue donc un rôle de continuité de l’État, comparable à celui du président de la République, mais dans la sphère de l’action concrète.
B. Un instrument de responsabilité politique et démocratique.
Le Gouvernement est également l’organe par lequel la majorité parlementaire assume la direction politique du pays. En ce sens, il est le maillon démocratique qui relie la volonté du peuple (via ses représentants) à la mise en œuvre des politiques publiques.
L’article 49, notamment, institue la responsabilité politique du Gouvernement devant l’Assemblée nationale : motion de censure, vote de confiance ou engagement de responsabilité sur un texte. Ces mécanismes permettent de garantir la subordination démocratique du pouvoir exécutif à la représentation nationale.
Ainsi, la disparition du Gouvernement reviendrait à rompre le lien de responsabilité politique, ouvrant la voie à une présidence absolue ou à un exécutif administratif dépourvu de légitimité élective.
II. Vers un État sans Gouvernement ? Une hypothèse séduisante, mais juridiquement impossible.
A. L’illusion d’une gouvernance technocratique ou autogérée.
Certains courants contemporains, à gauche comme à droite, plaident pour un État sans “gouvernants”, où le peuple ou les experts administreraient directement la société. Cette idée renvoie à des utopies d’autogestion, ou à la tentation technocratique d’une « gouvernance sans politique ».
Juridiquement, cela signifierait supprimer la responsabilité politique au profit d’une responsabilité purement administrative.
Mais le droit constitutionnel français repose sur le principe de séparation des pouvoirs (article 16 de la Déclaration de 1789). Sans gouvernement, l’exécutif serait absorbé soit par le Président (dérive monarchique), soit par le Parlement (dérive parlementariste). Dans les deux cas, la balance des pouvoirs serait rompue.
B. La permanence du besoin d’un exécutif responsable.
L’expérience historique démontre que toute société organisée requiert un centre de décision exécutive. Même les formes les plus horizontales de démocratie directe (communes révolutionnaires, soviets, conseils) ont fini par désigner un organe de coordination - autrement dit, un gouvernement sous une autre forme.
En France, le Conseil constitutionnel a d’ailleurs reconnu que certaines fonctions - sécurité, finances publiques, défense nationale - relèvent par nature de la compétence gouvernementale.
Le Gouvernement est donc non seulement une nécessité politique, mais aussi une exigence fonctionnelle de l’État de droit : sans lui, la loi ne pourrait être appliquée, ni l’administration dirigée.
Conclusion.
L’histoire constitutionnelle enseigne que le Gouvernement incarne, en France, la clef de voûte du pouvoir exécutif et de la responsabilité politique. Mais, cette évidence juridique n’est pas une vérité absolue.
L’exemple de la Belgique, qui a vécu 541 jours sans Gouvernement, montre qu’un État moderne peut continuer à fonctionner grâce à la résilience de son administration, la force de son droit et la maturité de sa société civile. L’absence de gouvernement n’y a pas entraîné le chaos, mais a révélé que la machine étatique contemporaine est largement autoportée.
Dès lors, la France aurait peut-être moins “besoin d’un gouvernement” que d’un pouvoir exécutif capable d’assumer ses fonctions essentielles sans se confondre avec le jeu partisan. Le Gouvernement n’est pas l’État ; il en est une forme historique et politique, susceptible d’évoluer vers des structures plus collégiales, plus locales ou plus technocratiques.
Ainsi, s’il demeure aujourd’hui constitutionnellement indispensable, le Gouvernement n’est peut-être plus politiquement vital.
La question de sa nécessité interroge moins la survie de la République que la métamorphose du pouvoir exécutif dans un État, où le droit, la société et l’administration semblent, de plus en plus, se gouverner eux-mêmes.



Discussions en cours :
Article très pertinent et actuel qui soulève des interrogations.
Merci Alisa de votre commentaire.
Les Français ont eu la démocratie comme héritage.
Mais comment la préservent ils ?
On se plaint d’avoir de mauvais dirigeants !
Mais ce sont nos employés !
Quel patron digne de ce nom laisse les mains libres à ses employés, sans contrôle, sans test qualité, sans réunion de fin de semaine ou de fin de mois ?
Et surtout leur donne "open bar" sur le compte bancaire de la société ?
A force de nous désintéresser de la démocratie, véritable joyau, que le Monde entier nous enviait.
Nous avons laissé les gouvernements se succéder comme si nous étions leurs sujets.